Publié le 13 Feb 2019 - 00:13

Le silence coupable des autorités judiciaires 

 

A mesure que l’échéance approche, les candidats à la présidentielle s’illustrent fortement par des propos ravageurs. Hier, l’on a enregistré au moins trois morts à Tambacounda, et des journalistes ont été sauvagement agressés avec des blessés graves. Il est à craindre que l’on assiste, d’ici le 24 février prochain, à une ascension encore plus accrue de la violence.

On voyait pourtant venir. Bien avant l’appel à l’anarchie de l’ancien président Abdoulaye Wade, des idéologues de la terreur avaient donné le ton, histoire pour eux de mettre la pression sur le Conseil constitutionnel et sur Macky Sall et son gouvernement. Des propos ont été articulés de façon extrêmement dure, à la limite de l’incitation à la guerre civile. Certains n’avaient-ils pas clairement  appelé au soulèvement populaire dans le dessein de renverser le président Sall ? Chose inadmissible dans une démocratie. Il en est de même de la création de milices pour assurer la sécurité des candidats. Même la mouvance présidentielle à ses ‘’Marrons du feu’’, le pendant des ‘’Calots bleus’’, fers de lance des années de braise du ‘’Sopi’’. Comment un Etat fort et respecté peut-il laisser des malabars brandir des coupe-coupe, machettes et autres armes blanches au vu et au su de tout le monde ?

Cette invite au basculement dans l’horreur aurait dû interpeller et faire réagir les autorités compétentes, notamment les autorités judiciaires. Absence de réaction. Par cette posture, ces autorités témoignent de la violence comme une norme démocratique. Elles ont tout faux. Il nous apparait, par conséquent, que le lien entre les discours des uns, le silence des autres et l’attitude de ceux qui sont chargés de veiller au respect de l’ordre et de la légalité républicaine a favorisé la tension qui prévaut. Et aussi longtemps qu’il en sera ainsi, nous courons le risque de voir la situation dégénérer, devenir intenable et engendrer le chaos.

 Et comme c’est aussi le cas  depuis 1993 avec l’assassinat de Me Babacar Sèye et le massacre de six policiers le 16 février 1994, les meurtres d’hier d’Ibou Diop, de Mathieu Touré et de Cheikh Ndiaye vont passer par pertes et profits.  Et c’est là le problème dans notre pays. Tout se passe, en effet, comme si nous étions frappés d’une amnésie incurable, incapables de tirer des enseignements du passé. Sinon, comment comprendre que chez nous, une élection rime toujours fatalement avec violence et mort ? La conscience de tous est interpelée. A moins que nous soyons des masochistes, nous devons absolument refuser d’entendre l’appel des pyromanes.

Dans une démocratie, et ceux qui aspirent à diriger devraient définitivement le savoir, l’attente est aux discours présentables, loin de toute rhétorique sanguinaire. Parler à l’intelligence des Sénégalais, c’est d’abord faire honneur à sa propre intelligence. C’est surtout faire du bien pour son pays. A son pays. Si tant est qu’on nourrit pour lui quelque noble ambition.

Mame Talla Diaw

 

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