Publié le 10 Nov 2019 - 00:20
LES 7 KHALIFES DE TIVAOUANE

De Serigne Babacar Sy Malick à Serigne Babacar Sy Mansour

 

De 1957, date de la disparition d’El Hadj Malick Sy, à 2019, la tarikha tidjane a connu successivement 7 khalifes généraux. De Seydi Khalifa Ababacar Sy, en passant par Mame Abdou Aziz Sy Dabakh, jusqu’à l’actuel patriarche de Tivaouane Serigne Babacar Sy Mansour. ‘’EnQuête’’ vous raconte ces dignitaires qui ont perpétué d’une main de fer l’héritage de Maodo.

 

Seydi Ababacar SY (1885-1957)

Le précurseur des ‘’dahira’’

En 1922, alors qu’il n’avait que 37 ans, Serigne Babacar Sy Malick perdit son père.  El Hadj Malick Sy, considéré à l’époque par Serigne Thioro Mbacké comme ‘’le pilier’’ de cette bâtisse qu’est l’islam au Sénégal, partit à jamais. Serigne Babacar Sy devait succéder à un homme dont il était, en même temps, la suite logique. Nourri à cette culture du raffinement et de la délicatesse en grand Saint-Louisien de naissance, Serigne Babacar Sy était l’homme de la situation, ouvert d’esprit et sur son monde, mais ferme dans ses principes et la défense de la tijanya. Le vide n’était, donc, ni permis ni possible, après le travail d’enseignement et de formation de valeurs sûres au service de l’islam que Maodo paracheva dans l’étape tivaouanoise de sa vie, de 1902 à 1922.

Entre sa naissance en 1885 à sa disparition le 25 mars 1957, l’homme, lui-même, se dit n’avoir jamais s’être contredit ou trahi le sacerdoce. Cela ne suffirait-il pas comme leçon de vie et viatique pour toute quête de valeurs hors du commun ? L’homme a tellement incarné le khalifa dans toute sa splendeur, mais aussi sa responsabilité et la charge symbolique qui le caractérisent qu’il est permis de taire son nom en l’appelant par son titre Cheikh al-Khalifa !

Lorsqu’un titre finit, ainsi, par absorber un nom, c’est qu’il y a une parfaite incarnation du rôle et du statut. La présence physique de Serigne Babacar Sy était tellement rassurante que les générations successives qui ne l’ont pas connu en font leur modèle spirituel.

C’est qu’il incarne réellement ce modèle parfait qu’il soit rêvé ou idéalisé dont on puise les valeurs les plus significatives pour un disciple d’Al-Tijânî. Ce sont celles-là, d’ailleurs, que Cheikh al-Khalifa choisira pour composer son célèbre panégyrique (‘’Ammat Mazâyâhu’’) où il vante les mérites de Shaykhunâ Tijânî.

Pour Serigne Babacar Sy, Sîdî Ahmad Tijânî est celui qui, sans enfermer ses disciples dans le reclus, l’ascétisme et les retraites (‘’khalwa’’) est parvenu à leur assurer la Tarbiya (l’éducation spirituelle), tout en réussissant le pari de l’Istiqâma (la droiture).

Selon le site asfiyahi.org, au-delà, aussi, de cet émerveillement face aux vertus inédites du fondateur de la tijanya dont il demeurera l’un des plus illustres défenseurs, Serigne Babacar nous dévoile un des aspects de sa propre philosophie.

Sa posture est finalement le symbole de ce trait d’union entre le temporel et le spirituel sans qu’aucun des deux ne déborde sur l’autre, ni n’en phagocyte un seul pan. Son calme perturbant n’était pas celui du taciturne ou inaccessible tyran que les disciples n’osaient approcher, mais celui d’un homme simple dont le charisme (‘’hayba’’) rassurait plus qu’il n’apeurait.

Pour ceux qui l’ont approché, l’imposante présence de cette rigoureuse personnalité avait quelque chose de rassurant. Cheikh El Hadj Mansour Sy Malick aborde cet aspect de son illustre frère, disposé, accessible, mais intransigeant lorsqu’il s’agit de défendre les principes : une attitude dictée par le legs qu’il tenait à préserver. ‘’Aqâma bi-azmihi wa sawâbi hukmin, Kawâlidihi fa-ahsabahâ mubînâ’’, disait de lui Cheikh El Hadj Mansour Sy, communément appelé ‘’Bal Khawmî’’, l’homme à la poésie inimitable.

Un joyau, une perle rare comme la Tarîqa Tijâniyya ne pouvait se passer d’armure comme les Rimâh d’El Hadj Omar perpétuant les enseignements d’Abul Abbâs. L’héritage était tellement lourd et la valeur incommensurable que le garant, après Maodo, était armé de toutes les qualités qu’exigeait la charge. Cheikh al-Khalifa, c’est aussi le symbole de la modernité de la Tijâniyya dans le sens d’un enseignement utile et constructif sur le champ du temporel qui n’a jamais entamé la profondeur et la densité spirituelle de cet érudit doublé d’un pédagogue paradoxalement peu loquace.

En évoquant Serigne Babacar Sy, il est, sûrement, préférable de se situer sur le terrain d’une philosophie de vie que sur celui de la pure biographie. Sachant qu’aucune parole, même au risque d’une excessive prolixité, ne saurait épuiser tout le sens de son action, ni tous les aspects de sa personnalité, le choix s’impose d’évoquer plutôt une attitude, une attitude d’esprit ou simplement un esprit. C’est sous son magistère que la tidjanisation a commencé avec les ‘’dahira’’. C’est à lui que revient la paternité des ‘’dahira’’.

SERIGNE MANSOUR SY (1900-1957)

4 jours au khilafat

Troisième fils d’El Hadj Malick Sy, Serigne Mansour Sy vit le jour en 1900 à Tivaouane. Très tôt, son intelligence, sa capacité de discernement et sa maturité révélèrent sa très grande envergure. C’est ainsi que son frère ainé, Khalifa Ababacar Sy, l’envoya à La Mecque, pour prier le bon Dieu de mettre fin à la Seconde Guerre mondiale. Doté d’une vaste culture, il se fit un point d’honneur de présider des conférences religieuses et de remplir les mosquées d’âmes nouvelles.

Mais le destin, hélas insondable, n’a pas permis aux nombreux talibés tidjanes de s’abreuver à cette source intarissable que fut Serigne Mansour Sy Malick ‘’Bal Khawmi’’. Il disparut, en effet, le 29 mars 1957, soit quatre jours après le rappel à Dieu de son frère Serigne Babacar Sy. D’aucuns crurent alors que la tarikha allait connaitre une longue période de léthargie.

Mais c’était sans compter avec la miséricorde divine qui gratifia la communauté tidjane d’un soufi, imbu de paix sociale, discret et courtois, et doté d’une culture encyclopédique pour veiller sur la tarikha et l'héritage d’El Hadj Malick Sy. Par sa présence rassurante, son attachement à l’esprit et à la lettre du Coran et de la Sunnah, Serigne Abdoul Aziz Sy, affectueusement appelé ‘’Moulaye Dabakh’’, a su relever avec beaucoup d’humilité son illustre prédécesseur.

Par la grâce de Dieu, il a réussi la prouesse d’incarner le modèle achevé du soldat de la foi qui a su élever la tolérance et le respect de son prochain au rang de sacerdoce.

MAME ABDOUL AZIZ ‘’DABAKH’’ (1904-1997)

Entre générosité et ouverture d’esprit

Fils d’El Hadj Malick Sy - pionnier du tidjanisme au Sénégal - et de Sokhna Safiyatou Niang, Abdou Aziz Sy est né en 1904 à Tivaouane. Dans sa jeunesse, il fit de longues études islamiques, apprenant notamment le Coran et son exégèse, le droit islamique malikite, la langue arabe, la théologie asharite, le soufisme et les relations humaines. Il accéda au titre de khalife de la tidjanya au Sénégal, le 29 mars 1957, après la mort de ses frères aînés Seydi Ababacar Sy et El Hadj Mouhamadou Mansour Sy, eux-mêmes khalifes et tous deux décédés quasi simultanément.

Son surnom ‘’Dabakh’’ (il est généreux, en wolof) est dû à sa grande générosité et à son ouverture. Durant son khalifat, il fit de nombreux voyages, notamment au Maroc, en Arabie saoudite, aux États-Unis, en France, en Mauritanie, suite aux nombreuses sollicitations qu'il reçut, en rapport avec la haute maîtrise qu'il avait dû savoir islamique. Son discours à La Mecque, en 1965, au Congrès islamique où il fut remarqué, non seulement pour sa maîtrise de la langue arabe, mais aussi pour la pertinence et la haute portée de son discours, reste encore vivace dans les esprits.

Au Sénégal, il œuvra beaucoup dans le domaine agricole et reçut, en 1965, une médaille. C'était aussi un grand commerçant. Doué en chant et en poésie, il mena plusieurs fois, avec sa voix caractéristique, les chœurs religieux, lors de la nuit du Mawlid, fête de la naissance de Mohamed. Il lutta aussi pour une meilleure cohésion entre les différentes confréries musulmanes du pays.

L’on se rappelle le fameux discours qu’il avait eu à tenir à Touba, dans le cadre d’une visite de courtoisie qu’il avait faite dans la capitale du mouridisme.  

Il quitta ce monde un 14 septembre 1997 et son neveu Serigne Mansour Sy lui succède dans ses fonctions de khalife des tijanes.

SERIGNE MOUHAMADOUL MANSOUR SY (1925-2012)

Borom Dara yi, borom sagnsé yi

Serigne Mouhamadou Mansour Sy "Borom Daradji", est devenu le 5e khalife général des tidjanes, le 14 septembre 1997. Il a consacré sa vie à l’enseignement du Coran, d’où son pseudonyme. Connu pour sa finesse d’esprit, son sens de l’humour et sa grande générosité, il assure avec sagesse, pendant plusieurs années, le lourd fardeau de khalife général dans un contexte de crise des valeurs et de radicalisation des fondamentalismes religieux dans le monde.

A la tête de la khadra, de la famille et de la confrérie par la grâce de Dieu, il est né le 15 août 1925, deux ans après la disparition de Mame Seydi El Hadj Malick Sy. Son père avait une grande ouverture sur la culture occidentale en plus de ses connaissances religieuses et spirituelles. Il parlait français et avait montré ses grandes capacités mystiques avant même de revenir de Saint-Louis pour remplacer son père comme khalife.

Pourtant, il n’était jamais sorti du Sénégal. Toute son expérience, ses missions et son savoir, il les a acquis ici. Il était un grand éducateur. C’est lui qui a formé ses fils.

Parmi ces derniers, on compte Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy qui est presque le jumeau de Serigne Mouhamadou Mansour Sy ‘’Borom daradji’’. Ce dernier est plus âgé de quelques mois. Il y a également Serigne Habib Sy, Serigne Sidi Ahmed Sy et Serigne Papa Malick Sy qui est le cadet. Il savait tenir son auditoire en haleine. Il savait convaincre, toujours bien habillé avec un style dont lui seul détenait le secret.

CHEIKH AHMED TIDIANE SY DIT ‘’AL-MAKTOUM OU AL-MAKHTOUM’’ (1925-2017)

Le mystérieux

Cinquième khalife général des tidianes, Serigne Cheikh est né dans le nord du Sénégal en 1925. Il grandit au côté de Serigne Chaybatou Fall, Imam Moussa Niang, Serigne Alioune Guèye, entre autres. Ces derniers sont des compagnons de son père. Il termine, à 14 ans, le cycle inférieur et moyen des études islamiques et publie à 16 ans son premier ouvrage appelé ‘’Les vices des marabouts’’.

Sa vie aura été pleine de sens et génératrice d’incommensurables externalités spirituelles. Tout au long de sa vie, Cheikh Ahmad Tidiane Sy ‘’Al Makhtoum’’ (Rta) nous a gratifiés d’une sublime exégèse de la mission islamique. Au-delà de ses indénombrables publications tournant autour du thème central de l’unicité de Dieu et de la portée sociéto-spirituelle des actions prophétiques, le Maouloud (célébration de la naissance du Prophète Mouhammad - Psl) aura été, durant la période (1996-2010), une tribune assidue d’où il a fait jaillir les lumières éblouissantes du sens de la mission du Sceau des Prophètes, Mouhamad (Psl). Il a mis sur pied le ‘’dahira’’ Mourtachidine wal mourtachidati qui regroupe des millions de disciples dans le pays et dans le monde entier.

Après l’indépendance du Sénégal et devant le statut dérisoire accordé aux religieux et aux intellectuels de langue arabe dans le pays, Serigne Cheikh a mené un combat historique qui lui a valu le sacrifice d’une implication dans la politique, dont une des conséquences a été la prison, à deux reprises. Les témoins de l’histoire connaissent la suite de cet engagement politique matérialisé par la création du Parti de la solidarité sénégalaise (Pss) et une victoire confisquée, lors des élections de 1967.

Toutefois, la précision qu’il donna, lors du Maouloud de 2008 est claire : ‘’L’objectif n’était pas de gouverner le pays, mais de montrer à la face du monde que les guides spirituels, les religieux et les intellectuels de langue arabe n’étaient pas des moins que rien. Ils sont plutôt bien plus représentatifs dans ce pays où l’héritage colonial a voulu les minimiser.’’

Depuis lors, le peuple sénégalais bénéficie de cet engagement historique : les intellectuels de langue arabe ont été progressivement impliqués dans l’éducation, dans l’Administration et dans la diplomatie. A l’image de son grand-père Maodo qui s’est fait vacciner une fois à Guet-Ndar pour montrer l’exemple, il a accepté d’être ambassadeur en Égypte, à la fin des années 60.

L’action de Mame Cheikh Al Makhtoum a été très instructive, par ailleurs, dans l’exercice du savoir par la pratique et l’action. Son sens de l’équilibre, de la mesure et du prêche par l’exemplarité l’ont mené à abandonner la politique, une fois ses objectifs atteints. Cette exemplarité véhicule un nouveau paradigme révolutionnaire d’engagement politique et d’exercice du pouvoir : savoir s’y engager et savoir se retirer au moment opportun. C’est ce qu’il avait conseillé à Senghor qui l’a appliqué en 1980 et qui a pu alors échapper au sort connu dans les années 80 et 90 par les présidents africains qui se sont accrochés au pouvoir.

Qui mieux que Serigne Cheikh pouvait encore continuer à profiter des mandats de Senghor en s’agrippant aux délices du pouvoir jusqu’à son retrait en 1981 ? Qui mieux que Serigne Cheikh pouvait, s’il le souhaitait, bien profiter du pouvoir d’Abdou Diouf avec la position de son choix ?
Qui mieux que Serigne Cheikh pouvait négocier des prébendes et des strapontins pour lui et ses proches à l’ère d’Abdoulaye Wade ?
Mame Cheikh pouvait avoir tout ce qu’il voulait dans le pouvoir, même à l’insu de tout le monde, mais la dimension spirituelle et la mission d’exemplarité ont été l’unique credo du fils de Serigne Babacar Sy.

Il a administré une belle leçon et légué un héritage politique bien perpétué par son fils Serigne Moustapha Sy, qui n’a jamais positionné son Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) pour négocier l’obtention de strapontins et de prébendes.

Serigne Abdoul Aziz SY ‘’Al Amine’’ (1927-2017)

L’unificateur

Il est le 6e khalife général des tidianes, en succédant à Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Al Makhtom le 15 Mars 2017. Ils sont tous les deux fils de Seydi Khalifa Ababacar Sy (1885-1857) et Sokhna Aissatou Kane (1990- 1965), fille du Moukhaddam El Hadj Hamid Kane. Né en 1927, après la venue au monde de son défunt successeur, Al Makhtoum, né le 29 décembre 1925, Al Amine est un produit de l’école coranique de l’érudit Serigne Alioune Guèye (1896-1958), qui fut un compagnon de Seydi Hadj Malick Sy et un vigile de l’enseignement mystique de son père Seydi Khalifa Ababacar Sy. C’est de celui-ci qu’il a reçu la bénédiction de la communauté tidiane de Tivaouane grâce aux étroites relations de confiance qu’il entretenait avec lui. Ayant été longtemps porte-parole des khalifes qui se sont succédé, de Mame Dabbakh à Al Makhtom, Serigne Abdou Aziz Sy ‘’Al Amine’’ est un mystique illuminé dont la profondeur du charisme se lit à travers son regard immuable et acéré qui rend compte d’une maîtrise absolue de tout ce qui cerne la nation et concerne l’homme.

​Son esprit d’ouverture, son sens des relations humaines, son esprit de citoyenneté et sa perception de la République sont permanemment raffermis par son patriotisme inextricable à l’enseignement islamique. ‘’Khutbul watane, minal imaan’’ (aimer et croire en son pays est un acte de foi), est le paradigme qui a toujours été son viatique. Médiateur, modérateur, conciliateur et unificateur, il fait de l’unité de la famille de Maodo, de la communauté musulmane et de la nation la finalité de son action.

​C’est en 1968 qu’il initia le Coskas, (Comité d’organisation Khalifa Ababacar Sy), cette dynamique structure de disciples vêtus en vert, couleur de l’islam, lors des Gamou et autres Ziarra. Al Amine est une guide religieux qui tient à l’ordre et à la discipline. Modeste, sobre, austère et frugal, il est une forte personnalité religieuse inextricable, à l’esprit d’avant-garde, d’anticipation, d’organisation et de méthode. Il est mystique et dégage, comme Serigne Abdou Aziz Sy ‘’Dabakh’’, un docte et une puissance hypnotique. Son autorité est forte et sa parole pèse. Dialecticien cérébral, homme de vérité animé d’une sagesse innée, il a hérité de Seydi Khalifa Ababacar Sy la clairvoyance et l’altruisme, et de Seydi Abdoul Aziz Sy ‘’Dabakh’’ la générosité et le sens des relations humaines. Il couve et couvre, étant la symbiose de vertus inextricable à l’unicité et à la souveraineté divine.

SERIGNE BABACAR SY MANSOUR

L’alliance entre la vérité, la paix et la justice

Né en 1932, Serigne Babacar Sy Mansour est le fils aîné de feu Serigne Mouhamadou Mansour Sy (fils d’El Hadj Malick Sy et grand frère de Dabakh) et de Sokhna Aminata Seck, fille de Doudou Seck Bou El Mogdad, un grand dignitaire de Saint-Louis. Il est devenu le 7e khalife de Maodo. Fils aîné de Serigne Mouhamadou Mansour Sy Maodo qui est le grand frère de Seydi Abdoul Aziz Sy ‘’Dabakh’’, lui-même père de Serigne Maodo Sy Dabakh, Serigne Babacar Sy Mansour se caractérise surtout par son discours direct, franc et engagé. Son père et celui de Serigne Maodo Sy ‘’Dabakh’’ sont des frères.

Mais dans la civilisation africaine comme dans la pure tradition sénégalaise, ils ne sont point des cousins. Au contraire. Ils sont d’authentiques frères comme leurs pères, parce que unis par le sang et par la naissance. Ayant été tous les deux formés à l’école de Tivaouane, en des périodes différentes, leurs âmes, illuminées par le souffle prophétique du Tassawouf hérité de leurs pères, s’accommodent de valeurs morales universelles qui galvanisent et portent de l’avant. Serigne Babacar Sy Mansour est le fils de Sokhna Aminata Seck, la fille bénie de Doudou Seck Bou El Mogdad (1867-1943), grand dignitaire de Saint-Louis qui est aussi le père de Sokhna Rokhaya Seck, mère de Serigne Moctar Mbacké ibn Cheikh Balla Thioro Mbacké. Les qualités morales de Bou El Mogdad étaient la générosité et la vérité en tout.

D’ailleurs, Khaly Madiakhaté Kalla à qui il assurait l’hospitalité Saint-Louis, lui a même dédié d’admirables poèmes en guise de remerciements pour sa gentillesse et d’éloges pour son attachement à la vérité. Jamais, il ne mâchait pas ses mots, même devant la puissante autorité coloniale. Il entretenait avec les grands sages du Saint-Louis colonial, Madior Goumbou Cissé, Ahmed Diop Gora et Amadou Ndiaye Mabèye que Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh cite souvent en guise de modèle, des relations si fortes que l’Administration coloniale les craignait en raison de leur cohésion, de leur liberté, de leur force locale et de leur attachement à la justice et à la vérité. Il prend position sur les dossiers de l’actualité à chaque fois que de besoin. Il fait partie des hommes religieux de ce pays les plus médiatisés.

Ce n’est donc pas un hasard s’il constitue, avec son frère Serigne Mbaye Sy Mansour, une sorte de duo dans la promotion des valeurs morales qui forgent la personnalité du bon musulman. Pour Cheikh Oumar Sy Jamil, ‘’Serigne Mbaye Sy Mansour et Serigne Maodo Sy ‘Dabakh’ sont des universités vivantes et des sillons inépuisables de grandeur morale et de vertu. Ils sont des ambassadeurs infatigables de la tidjania et des promoteurs inlassables de l’éthique islamique’’.

‘’Il apparaît alors qu’une des raisons principales de leur crédibilité et du respect unanime dont ils jouissent auprès des citoyens de toute obédience, est qu’à une vision égoïste et épicurienne du monde figée dans des hiérarchies sociales fondées sur le sang, l’appartenance socio-familiale et le lobby confrérique, ils substituent une vision morale et religieuse du monde et de la société, instaurant la valeur islamique et la responsabilité citoyenne’’, lit-on dans le site.

Ils auraient pu, tous les deux, avoir des instincts aristocratiques, étant des petits-fils de Sokhna Safiétou Niang, cousine du roi Alboury Ndiaye. Ils auraient également pu s’illustrer par un esprit dirigiste, en raison de l’autorité morale dont ils jouissent. Mais tout indique qu’ils ont préféré procéder à un sacrifice du Moi individuel et des égocentriques pour atteindre et faire atteindre le suprême Soi.

CHEIKH THIAM

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