Publié le 21 Nov 2019 - 23:44
LES AVOCATS DE HABRE INTERDITS DE VOIR LEUR CLIENT

Son épouse dénonce et accuse 

 

L’atmosphère était tendue, hier, à la Maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel où séjourne l’ancien président tchadien Hissène Habré. Alors qu’ils voulaient tenir un point de presse, ses avocats ont été tout bonnement chassés.

 

La conférence de presse qu’ils voulaient tenir aux abords de la prison du Cap Manuel n’a pu avoir lieu. Et pour cause : les avocats de l’ex-président du Tchad, ainsi que les journalistes et la famille d’Hissène Habré ont tout simplement été chassés. L’Administration pénitentiaire a opposé un refus catégorique au rassemblement prévu. De plus, les avocats ont été interdits de rencontre avec leur client. Un fait qui a provoqué quelques échauffourées.

‘’Vous n’avez pas le droit de tenir une manifestation aux alentours de la prison. Quittez les lieux. C’est tout ce qu’on vous demande !’’, somme un policier, bombes lacrymogènes en main et visiblement agacé de voir tout ce beau monde.

Pourtant, ‘’nous avions l’intention, dans la sérénité, de montrer aux yeux du monde que le président Habré est réellement malade et que son bras est fracturé, puisque l’Administration pénitentiaire ne veut pas le reconnaitre. Tout ce que nous demandons, c’est qu’on nous présente un Hissène Habré en bonne santé. Ce quadrillage, tout ce cordon de sécurité déployé montre manifestement que ce sont eux qui ont des choses à cacher’’, assène l’épouse du détenu qui a finalement reçu la presse à son domicile.

A en croire madame Fatime Raymonde, l’état de santé de son époux se serait détérioré depuis samedi dernier, en raison d’une fracture au bras droit. Pour prouver la véracité de ses propos, Mme Habré n’a pas hésité à montrer la photo de la radio, du billet d’entrée à la clinique des Madeleines ainsi que la facture des soins. ‘’Dieu est avec les endurants, pas avec ceux qui font de l’arbitraire, pas avec ceux qui veulent terroriser les gens et leur faire du mal sans raison. Aujourd’hui, la situation est très claire et nous avons raison : le président est malade. Je n’ai aucun intérêt à mentir et à aggraver les choses. Si mon mari va bien, ‘Alhamdoulilah’.

Je gère cette situation depuis six ans et personne ne m’a entendue ; mais la vérité est qu’on veut le maltraiter. Il a eu plusieurs problèmes de santé et la prison ne l’a jamais pris en charge. C’est toujours moi qui gère. Laissez-le aller se faire soigner, subir l’opération et retourner en prison. C’est tout ce qu’on a demandé et ils le refusent. C’est très grave. Cela fait 29 ans que je vis au Sénégal. Jamais je n’aurais pensé qu’une chose pareille puisse arriver. J’invite tout un chacun à s’interroger’’, lance-t-elle dépité.

‘’Un silence assourdissant’’

Avant cet épisode, la nouvelle de l’état de santé a été donnée par la presse, puis démentie par l’Administration pénitentiaire. Une déclaration que la famille de Habré n’a pas digérée, affirmant que ‘’le président est malade depuis six ans dans l’indifférence totale de l’Administration pénitentiaire’’. De l’avis de Raymonde Habré, ‘’les gens ont fermé leurs yeux et leurs oreilles. L’affaire Habré se déroule au Sénégal depuis 19 ans. Il y a eu beaucoup de bruit ; tout le monde s’est prononcé, parfois même sans maitriser le sujet. Aujourd’hui, il y a un grand silence assourdissant’’.

Selon l’épouse du détenu, l’Administration pénitentiaire ne veut pas de témoin qui pourrait confirmer ses dires, puisque jusqu’ici, dit-elle, elle est la seule à voir l’incarcéré. Les avocats de son époux seraient des ‘’indésirables’’ parce qu’ils seraient, si rencontre il y a, des témoins. Par ailleurs, Mme Habré se dit choquée face à la réaction de la direction de la prison du Cap Manuel. ‘’Elle n’a pas le droit d’empêcher les avocats de voir leur client ; ils n’ont pas besoin d’autorisation pour voir Hissène Habré. Ils font partie de la procédure judiciaire depuis dix ans. Ils étaient à la prison, il n’y a même pas trois semaines, pour rendre visite au président. Mais l’Administration pénitentiaire leur a refusé l’accès. Elle sera tenue pour responsable, si le pire venait à se produire’’.

Des mesures restrictives sont prévues contre la famille de l’ex-président tchadien, selon Raymonde Habré qui dénonce un ‘’faux procès’’, un ‘’grand complot de plusieurs Etats dont la France’’.

Hissène Habré a été condamné à la prison à perpétuité, pour ‘’crimes contre l’humanité’’, en mai 2016. ‘’J’ai un devoir d’alerte. Les gens ne veulent pas que je parle, mais je ne peux pas me taire quand je vois mon mari maltraité ; je ne le ferai jamais. J’attends la déclaration du ministre de la Justice parce que l’Administration pénitentiaire est sous sa direction. Il représente l’autorité politique’’, conclut-elle.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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