Publié le 2 Nov 2019 - 19:39

Les Epines sur le chemin du  Fast track

 

Monsieur le Président, au moment où vous avez décidé de mettre votre quinquennat et par ricochet tout le pays en mode Fast track pour l’émergence, je viens par cette modeste contribution vous indiquer quelques  obstacles qui jalonnent le chemin chaotique et plein d’embuches que vous avez osé emprunter. Ils  sont nombreux mais je retiendrai  dans ce cadre trois épines à extirper : le mal citoyen, l’absence de leadership transformationnel  à la fois politique et syndical dans le pays et  l’effritement de l’Autorité dû à la mauvaise conception et perception de celle-ci. Voilà donc un certain nombre de  problématiques auxquelles il urge de s’attaquer,  tout en poursuivant la quête noble de livrables socio- économiques de qualité au plus grand nombre de citoyens.

1°) Sur la citoyenneté :

 Celle-ci est attachée à l’idéal de vie commune, aux valeurs partagées de paix, de justice sociale, de solidarité et d’amour pour son prochain,  pour sa  cité et pour son pays, à un attachement au respect des lois et règlements du pays, au  respect de l’autre  dans sa foi, ses croyances, au respect du bien commun, des institutions de la République, en fin à l’acquittement de ses devoirs. Comme on peut le wxconstater, beaucoup de nos compatriotes  affichent aujourd’hui  des comportements et des réflexes aux antipodes de ces valeurs. Il s’y ajoute  que la crise mondiale multidimensionnelle par son ampleur et sa profondeur a provoqué dans nos pays en développement des translations d’espaces de vie, des transferts de comportements et de chevauchements de modes de vie,  qui s’entrechoquent et rendent quasi impossibles le Développement de consensus et de dynamiques autour d’objectifs communs nationaux. Les stratégies individualistes de survie prennent le pas sur l’instinct collectif.  

Ainsi la ruralité  déborde de son aire géographique pour s’inviter et venir agresser l’espace urbain et commencer à tyranniser la culture urbaine. C’est là certes une des conséquences  des  politiques socio-économiques post indépendance, conservatives, contemplatives et élitistes. Heureusement avec la vision déclinée dans le PSE  vous vous employer à corriger à travers l’équité territoriale (PUDC, PROMOVILLE, PUMA), la gravité de la pathologie malgré la posture nihiliste de certains acteurs politiques  qui,  attendus pour une contribution patriotique à l’édifice national, jettent des pierres dans votre jardin,  crachent  sur vos projets lumineux et futuristes tels les Autoroutes, le TER, le BRT, la Ville neuve avec zéro bidonville et zéro déchet, dont Diamniadio devrait être un modèle.  

Oui Monsieur le Président, la ruralité comme une jachère se propage de manière exponentielle à travers toutes les cités de ce pays : plus d’avenues, rues et ruelles envahies par des souks ou délibérément obstruées par des occupations anarchiques,  plus de jardins publics, plus de jeux de Fontaines, des tas d’immondices à tout bout de champ, villes crasseuses et suffocantes à cause de l’air éthéré, diathermane, à cause de guimbardes fumantes de toutes catégories et d’urines sur les murs aux abords des rues, des souillures  d’éperviers au cœur de la cité,  élevage intensif d’ovins, de bovins, de caprins, d’équidés dans des maisonnettes,  ou espaces non dédiés avec les odeurs, des PME et PMI  clandestins sans aucune règle de Sécurité, des pratiques cultuelles et culturelles en déphasage avec l’urbanité  etc…Dakar est devenu invivable, il faut sauver ce qui peut l’être et éviter aux autres villes  pareil calvaire à travers des plans d’urbanismes cohérents, et une réglementation rigoureuse.

2°) Le sens galvaudé de l’Autorité et son effritement

En guise de définition, je me garderai de renvoyer les lecteurs vers le Larousse ou le Robert ou le Grévisse mais plutôt en vous donnant ma perception pragmatique de l’Autorité que je prends pour toute personne morale ou physique à qui échoit la prise de décision  la plus judicieuse, face à toutes situations données,  dans une aire de compétences donnée  et qui sait se l’appliquer et la faire appliquer. L’Autorité somnole donc en chacun de nous, elle n’est pas exclusivement chez l’autre, elle est attendue du Chef de  famille à l’Imam ou de l’évêque, du chef de village, du délégué de quartier, du Maire, du maître au Professeur, du gardien au  chef de service. Elle l’est davantage de  tous les commis de l’Etat,  à quelques échelons qu’ils se trouvent, y compris le Chef de l’Etat,  incarnation de la puissance publique, en  conformité avec les responsabilités qui leur sont dévolues. Autorité rime donc avec responsabilité personnelle puis partagée, débouchant sur une  prise de décision opérationnelle,  autrement on assiste à son effritement et à sa négation. Son usage opportun et pertinent est consolidant pour la citoyenneté et la Démocratie et peut booster la productivité et la croissance

Dans les faits  pour beaucoup de citoyens, la notion d’Autorité renvoie à celle de chef,  responsable  de tout en bien ou mal, mais également et surtout au distributeur de sanctions ou de faveurs. Ainsi dans l’entendement populaire, déformant,  l’Etat  reste l’unique responsable de tout, c’est à lui d’éduquer,  de nourrir, de donner des Emplois, de soigner, d’assurer la sécurité à tous etc…et lui seul ? Cette perception déformante  amène citoyens et même des  collaborateurs  à tort ou  à raison,  de tout attendre de l’Autorité ou de tout mettre sur le dos de l’Etat. IL faut reconnaître que si une telle conception a pu prospérer  dans l’imaginaire du Sénégalais, c’est en partie due à la conception galvaudée de l’Autorité, héritée de la colonisation  et du paternalisme de l’Etat providence qui a suivi les indépendances.

L’organisation de cette Autorité sous forme d’une chaine parfois longue de responsabilités hiérarchisées du sommet à la base a souvent conduit à des nuisances, des dysfonctionnements comme le ponce-pilatisme,  l’attentisme, la démission, l’inefficacité et l’improductivité du service public. Heureusement que le management moderne des organisations est en train de tout corriger et dans ce cadre le Secteur Public gagnerait à emboîter le pas au  Secteur Privé.

3°) L’absence de leadership transformationnel politique et Syndical

Le leadership transformationnel fait appel à des hommes et femmes compétents, pétris d’audace, qui engagés dans des situations difficiles, n’abdiquent pas et arrivent au  prix de sacrifices Sisyphiens à faire bouger les lignes,  surmonter les obstacles. De tels profils sont hélas rares parmi les principaux acteurs de Développement dans nos pays, moins encore chez les politiques qui savent plus parler que d’agir, chez les travailleurs qui savent plus contester que faire des propositions constructives. Ces derniers s’identifient rarement à l’outil de production et pour cause car de l’autre côté, les Employeurs  manquent souvent d’ouverture et sont rarement  enclins à partager  aussi bien l’autorité que  la prospérité et non la propriété. Cela est dû de part et d’autre au déficit de leadership

a)      Déficit de leadership transformationnel politique

La plupart des  acteurs politiques malheureusement sont non seulement en déphasage avec les préoccupations  des populations, pour pouvoir prendre  celles-ci correctement en charge, ils privilégient  la parole à l’action, les fins politiques  personnelles au devenir collectif. Si toutes fois ’ils  ne sont pas dans l’appareil d’Etat, leur responsabilité n’est nullement engagée, toute  responsabilité incombe  à l’autre, à l’Etat. Alors Ils ont la critique  facile et le blâme aux bouts des lèvres. Tout ce qui est fait sans eux est mauvais et contre eux. Le peuple ignore tout de leurs projets sociaux s’il en existe  et est souvent prié de chercher des  genouillères en attendant  leur arrivée au Pouvoir.  Cependant Une fois au Pouvoir, la Responsabilités  se  mesure désormais à l’aune des avantages et privilèges y afférents et non au spectre de l’impact social des décisions en faveur de la  communauté.

Aussi la restructuration des secteurs et la recomposition des Départements à charge des politiques  publiques, en fonction des contraintes de l’heure et des obligations de résultats que vous  êtes en train d’imprimer à cette deuxième magistrature, me semblent  importantes et judicieuses  dans la démarche de leadership transformationnel. D’où la pertinence de la réduction de la chaine de responsabilité au sommet de l’Etat avec la suppression du poste de premier Ministre qui est en harmonie avec l’arrivée des Budgets programmes des départements ministériels mais aussi la chirurgie à la siamoise opportune, opérée entre  l’Economie, et les Finances et le Budget

b)     Déficit de leadership transformationnel syndical

Les  organisations de travailleurs  doivent  prendre la pleine mesure de leur responsabilité dans le processus de Développement de nos jeunes nations  et comprendre qu’à travers leurs membres toute la production et la croissance reposent sur leurs épaules et c’est à partir de cette croissance que s’ouvrent les possibilités de satisfaire les doléances. Aussi doivent-elles décomplexer leurs rapports avec le Gouvernement et le patronat, en demeurant des forces de veille mais aussi de propositions, de changement, de progrès plutôt que des forces d’inquisition, d’inertie et  de revendications exclusivement corporatistes. Elles doivent travailler au sein de leur outil de Travail à transformer le vieil antagonisme de classe entre Employés et Employeurs en partenariat sincère, loyal et bénéfique pour tous.

c)      Déficit de leadership transformationnel des Employeurs

Les tares sont nombreuses mais les plus caractéristiques ont pour noms, la conception et la gestion souvent patrimoniale et routinière de l’Entreprise, le manque d’audace entreprenariat et d’ambitions pour intégrer à la fois  les grands groupes  et développer d’autres chaines de production et de valeurs, l’insuffisance de la mise à niveau pour s’adapter aux exigences du Marché et faire face à la concurrence.

En conclusion c’est le lieu de saluer la convocation du Dialogue national qui ne devrait pas se limiter aux seules forces politiques  mais au-delà,  tous les Représentants des différentes strates organisées de la société dont les secteurs professionnels. Ensemble l’on ne devrait pas manquer de  faire une analyse fine du contexte lourd de périls, de décrypter la géopolitique et les risques inhérents à notre nouveau statut de pays pétrolier et gazier, placer les uns et les autres devant leur Responsabilité historique mais surtout réfléchir sur les voies et moyens de construire une union des cœurs et des dynamiques inclusives qui nous placent tous sur la  voie du leadership transformationnel pour l’émergence de notre pays

                                                                                               Walmaak Ndiaye. Observateur politique    

 

 

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