Publié le 4 Jun 2020 - 19:01
LEVEE COUVRE-FEU ET ETAT D’URGENCE

Dakar et Kaolack en feu

 

Des manifestations spontanées ont éclaté, hier soir, dans diverses villes du Sénégal. C’est allé de Dakar à Nioro, en passant par Kaffrine et Kaolack. Toutes réclament la levée de l’état d’urgence et du couvre-feu.

 

Encore des manifestations contre l’état d’urgence et le couvre-feu ! Après les populations de Touba, Diourbel, Mbacké, Thiès, etc., c’était hier au tour de celles de Dakar de sortir dans les rues. Ça a chauffé hier soir à Grand-Yoff, Niary Tally et Grand-Dakar. Dans des vidéos circulant sur Internet, dans les quartiers jumeaux de Niary Tally et Grand-Dakar, on voit des jeunes, hommes et femmes, sortir en masse et crier ‘’On en a marre du couvre-feu !’’. Pendant au moins une heure, ils ont dicté leur loi dans leur quartier avant que n’arrivent la police avec, en renfort, l’armée pour les pousser, à l’aide de gaz lacrymogènes, à regagner l’intérieur de leurs domiciles.

Contrairement à ce qui a été rapporté hier sur différents réseaux sociaux, l’armée n’est pas sortie pour disperser les manifestants. D’après une source officielle, depuis le couvre-feu, l’armée, comme la police et la gendarmerie, investissait certains coins de la capitale pour faire respecter la mesure. Ainsi, hier, comme tous les autres soirs depuis près de 3 mois, les militaires étaient aux commandes. L’occasion faisant le larron, ils ont aidé à disperser les manifestants par endroits, dans d’autres quartiers, à dissuader les populations de sortir.

A Grand-Yoff, il y avait différents foyers de tension. Entre Arafat, en face des HLM Grand-Yoff, et la cité Millionnaire, les policiers ont eu du mal avec ceux qui étaient dans la rue. C’était une véritable ‘’Intifada’’. Des jeunes, armés de pierres, s’en sont pris aux forces de l’ordre. Ils ont également brûlé des pneus sur la chaussée. Malgré les gaz lacrymogènes, ils ont tenu tête pendant un moment avant que les militaires n’entrent en jeu.

Par ailleurs, la capitale sénégalaise n’a pas été le seul foyer de tensions, hier. Des manifestations ont éclaté à Kaolack pour exiger la levée du couvre-feu. Tout a commencé à Touba Ndorong. Les jeunes des quartiers Ocass, Passoire, Dialègne, Mbaba et même Médina Baye ont pris le relais, en investissant plusieurs autres quartiers de la ville. Ils ont brûlé des pneus sur différents axes de la commune. La police a procédé à des arrestations et usé de gaz lacrymogènes pour disperser la foule.

Dans une vidéo circulant sur Internet, est montré l’accident d’un jeune. Il est heurté par un L200 de la police roulant à vive allure. Les faits se sont passés à Kaolack hier, lors des manifestations. Donnée pour mort par des internautes, la victime serait vivante, d’après divers sites d’informations basés à Kaolack. D’ailleurs, ils informent que l’accidenté s’appelle Aliou Diouf ; il est âgé de 23 ans et habite aux Abattoirs, à Ndagane. Admis aux urgences de l’hôpital régional El Hadj Ibrahima Niass, il y a été pris en charge dès son arrivée. Selon des sources policières, il y a eu un second blessé, lors des affrontements.

A quelques kilomètres de Kaolack, d’autres Sénégalais sont sortis réclamer la levée de l’état d’urgence. Des jeunes de Nioro ont crié leur ras-le-bol dans les rues et devant la brigade de gendarmerie de la ville. A Kaffrine également, des voix se sont élevées. Quelques manifestations spontanées y ont été notées. La route nationale et divers quartiers de cette commune ont été pris d’assaut par des jeunes. Ils ont brûlé des pneus et barré la route.  

 
MANIFS CONTRE COUVRE-FEU TOUBA, MBACKE ET DIOURBEL  
 
Plusieurs personnes interpellées
 
Les auditions se poursuivent à Mbacké, Touba et Diourbel où des jeunes qui ont manifesté pour la levée du couvre-feu ont été interpellés.  Ils seront déférés au parquet. Des scènes de violence ont été notées dans ces trois villes. Ce qui a nécessité une intervention du khalife général des mourides.  
 
Des chars de combat bien visibles à des endroits stratégiques, des camions remplis de forces de défense et de sécurité prêtes à en découdre avec les contrevenants. Ces images constituent le décor des villes de Touba et Mbacké. La grosse artillerie a été déployée dans ces deux villes de l’intérieur du pays pour y ramener le calme, suite aux scènes de vandalisme perpétrées mardi soir par des jeunes surexcités qui manifestaient pour que le couvre-feu soit levé. Ces manifestations ont conduit à des saccages de biens publics comme la Postefinances sise avant la sous-préfecture de Ndame en quittant Mbacké, ainsi que des vitres plus l’enseigne de la station RFM (Radio futurs médias) de Mbacké. L’infrastructure, qui abrite la Postefinances est méconnaissable.
 
Les vandales ont tout saccagé et mis sens dessus dessous ce service névralgique de La Poste. Des documents ont été brûlés. Un agent de la boite nous souffle : ‘’Il va nous falloir plusieurs mois pour reconstituer les dossiers des clients.’’ Plus loin, le centre de traitement des malades de Toscana sis près du marché aux poissons. Il a aussi subi la furie des jeunes de la cité religieuse. La noirceur des infrastructures, l’ambulance incendiée témoignent du passage des manifestants. Un malade confie : ‘’Nous avons eu la vie sauve. Je me demande jusqu’à présent ce qu’ils nous voulaient. Comment ils ont pu commettre de telles atrocités ? Ne savent-ils pas que même en période de guerre, les structures de santé sont épargnées et protégées ? N’eût été le message du khalife, je me demande encore si nous resterions en vie.’’ 
 
Dans cette ville de Touba, la principale avenue 28 était encore jonchée de détritus, de pneus calcinés et de grosses pierres pour barrer la route aux véhicules. 
 
L’Etat au banc des accusés
Après Touba, cap sur Mbacké. L’attention du visiteur est portée sur le bâtiment abritant la station RFM de cette ville. Ici, il y a eu plus de peur que de mal. L’enseigne lumineuse qui informe le visiteur a été caillassée plus quelques lampadaires. La police est intervenue très tôt. Dans les deux villes, les stigmates des violences et actes de vandalisme perpétrés la veille sont encore visibles. D’ailleurs, elles occupent l’essentiel des sujets de discussion. 
 
‘’C’est la conséquence logique des mesures que l’Etat a prises. On ne peut confiner tout ce temps des gens et en retour, on ne leur donne rien du tout. C’est injuste. Ce qui est plus ahurissant et incompréhensible dans tout cela, c’est que la plupart des manifestants se débrouillaient bien à Dakar et dans les villes de l’intérieur du pays. Avec l’état d’urgence et la restriction des déplacements, tous les secteurs sont impactés, surtout ici où tout repose sur l’informel’’, laisse entendre Cheikh Anta Ndiaye. 
 
A ses côtés, Ndèye Sène renchérit : ‘’Nous ne savons plus que faire, parce que ceux qui prenaient nos relais en envoyant la dépense quotidienne et la ration alimentaire sont là confinés sans aucun appui. Nous avons écouté le khalife, mais nous nous attendions à mieux.’’
 
Outre Mbacké et Touba, Diourbel aussi a été le théâtre d’affrontements entre forces de défense et de sécurité et les populations. Des jeunes du sous-quartier Ocass sont sortis pour braver le couvre-feu. Ils ont jeté des pierres sur le camion de la gendarmerie venu en renfort.  
 
Hier, aussi bien à Touba qu’à Mbacké et Diourbel, des arrestations ont été opérées. Des sources sécuritaires parlent de plusieurs arrestations. Une centaine, d’après certaines indiscrétions. Les policiers et les gendarmes auraient visionné des vidéos et autres images pour interpeller des personnes. Les commissariats sont remplis à ras bord. Cette situation à Diourbel a nécessité une réunion à la préfecture avec comme ordre du jour la sensibilisation des délégués de quartier sur le couvre-feu. L’occasion a été saisie par le préfet pour demander aux chefs de quartier de demander aux jeunes de respecter les directives concernant cette mesure. 
 
Boucar Aliou Diallo 
 

BIGUÉ BOB

 

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