Publié le 15 Feb 2020 - 00:51
LOI INTERDISANT LES SACHETS PLASTIQUES

L’application à tout prix

 

Le Sénégal a adopté, depuis janvier dernier, une nouvelle loi sur l’interdiction de sachets plastiques sur le territoire national. Une disposition juridique qui remplace celle de 2015. Le ministère de l’Environnement et du Développement durable travaille à son application et brandit les sanctions encourues en cas de violation.

 

Le Sénégal s’est engagé, à l’instar des autres pays de la sous-région, depuis 2015, dans la lutte contre l’utilisation des sachets plastiques. La loi n° 2015-09 du 04 mai 2015 relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastiques de faible micronnage et à la gestion rationnelle des déchets plastiques a été votée par l’Assemblée nationale. ‘’Toutefois, force est de constater, que plus de quatre années après l’adoption de cette loi, la tendance ne s’est pas inversée. Le plastique est toujours utilisé et jeté dans la nature, souvent après une seule utilisation. Plus grave encore, les importations de produits plastiques ont augmenté de 20, alors que la production industrielle de plastique connait une hausse de 7%’’, a regretté, hier, le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Abdou Karim Sall, lors d’un atelier de vulgarisation de la loi sur le plastique à l’intention des gouverneurs de région et des forces de sécurité.

Cette situation démontre à plusieurs égards que la loi de 2015 comportait d’importantes lacunes. Qui sont liées, entre autres, à son champ d’application étroit et à l’impossibilité de distinguer à l’œil nu les sachets plastiques interdits de ceux qui ne le sont pas. ‘’Ainsi, l’illustration de la volonté renouvelée du gouvernement du Sénégal à éradiquer la pollution plastique est marquée par l’adoption de la loi n° 2020-04 du 08 janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques qui abroge et remplace la loi n° 2015-09 du 04 mai 2015’’, souligne le ministre. Abdou Karim Sall renseigne que la nouvelle loi comporte de nombreuses innovations. Et elle repose sur une stratégie holistique de réduction de la quantité de déchets plastiques produits. Mais aussi, une modification des procédés de valorisation de ces déchets, avec pour objectif ultime l’élimination totale du stockage en décharge ou de la combustion partielle en incinérateur ou à l’air libre.

Egalement, la loi introduit l’interdiction de certains produits plastiques à usage unique ou produits plastiques jetables (tasses à jeter, plats à jeter, pailles etc.), le bannissement total des sacs plastiques sortie de caisse. La consignation des bouteilles en plastique, afin notamment d’améliorer la collecte de ces contenants et, par suite le recyclage, l’obligation pour les producteurs, au titre de la responsabilité élargie, d’assurer la gestion des déchets issus des produits qu’ils mettent sur le marché, sont aussi, entre autres, prises en compte par cette nouvelle disposition juridique. ‘’Le défi aujourd’hui réside plus que jamais dans son application effective. Et pour cela, chaque citoyen, chaque acteur devra jouer sa partition. Notre objectif à travers cette loi n’est pas d’entraver des activités économiques. Bien au contraire. Il s’agit plutôt de mettre un terme à la prolifération anarchique des déchets plastiques qui menace notre économie, notre santé et notre environnement’’, souligne le ministre.

Des propos corroborés par le directeur de l’Environnement et des Etablissements classés (Deec), Baba Dramé, qui fait savoir que le sachet plastique a des incidences sur la santé humaine. ‘’Quand on brûle le plastique, avec tout qu’il a comme additifs, ce sont des substances dangereuses qui sont émises dans l’atmosphère. Ce sont souvent des Pop (Polluants organiques persistants), les dioxydes, etc., qui sont cancérigènes. Or, dans nos villes, le meilleur moyen ou le plus utilisé, pour l’élimination des déchets plastiques, est le brulage. Donc, c’est un tueur silencieux avec lequel, nous vivons et nous ne prenons pas souvent conscience de ce danger’’, dit-il. Devant ce scénario, M. Dramé estime qu’il faut que des actions soient menées au niveau national et international pour arriver à bout de ce fléau.

Des peines allant de 1 à 3 ans d’emprisonnement

Le directeur de l’Environnement et des Etablissements classés informe qu’avec la nouvelle législation, la fabrication ou l’importation de sachets plastiques sortis de caisse est punie d’une peine d’emprisonnement de 1 à 3 ans et d’une amende de 5 à 10 millions de francs CFA ou de l’une de ces deux peines. ‘’Aujourd’hui, un travail extrêmement important d’information et de sensibilisation des agents doit être mené pour permettre aux acteurs de comprendre les peines qui sont encourues et abandonner ces pratiques qui sont bannies par la loi’’, renchérit M. Dramé. Le Deec explique, également, qu’il y a un certain nombre de mesures d’accompagnement que la loi prévoit pour les bouteilles en plastiques.

Les vendeurs sont obligés de prendre les bouteilles vides et de les acheminer aux points de collecte les plus proches. Les producteurs sont également tenus de mettre en place, sur les lieux d’exercice de leurs activités professionnelles ou tout autre lieu, des points de collecte des bouteilles en plastique. Ces derniers sont aussi tenus de valoriser la réutilisation de ces bouteilles, afin de favoriser l’économie circulaire, dans le cadre de la lutte contre le plastique. Il y a aussi la responsabilité élargie des distributeurs.

Concernant l’importation et l’exportation des déchets plastiques, il précise que c’est ‘’formellement interdit’’. ‘’En cas d’importation de déchets plastiques, ils seront saisis et réexportés vers le pays d’origine ou de provenance aux frais de l’importateur sans préjudice ni poursuite pénale. Aussi, les déchets produits au Sénégal ne peuvent être exportés qu’après autorisation du ministre de l’Environnement et du développement durable. Il y a également des sanctions qui sont prévues pour ces cas’’, indique-t-il.

Ainsi, l’importation de déchets est punie d’une peine d’emprisonnement de 3 à 5 ans et d’une amende de 50 à 100 millions de francs CFA. Ces mêmes sanctions sont aussi prévues pour les exportations sans autorisation de la tutelle. En plus, tout produit interdit trouvé sur le marché doit être saisi par les autorités compétentes. Pour rappel, au Sénégal, 2,5 tonnes de déchets sont produites par an, seules 800 000 tonnes sont traitées et 13 millions tonnes de plastiques se retrouvent dans les océans.

MARIAMA DIEME

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