Publié le 12 May 2020 - 19:45
LUTTE CONTRE LA COVID-19

L’ère du ‘’déconfinement’’

 

Après plus de deux mois de pandémie, malgré la dégradation continue de la situation épidémique, le président de la République a décidé d’assouplir les mesures.  

 

L’Etat tourne casaque. Après plus de deux mois d’observation de la maladie, de prudence maximale, le gouvernement est revenu sur beaucoup de ses mesures pour lutter contre la pandémie du coronavirus. Hier, lors de son adresse à la Nation, le président de la République, Macky Sall, a dévoilé son nouveau plan de lutte contre le virus mortel. Là où d’aucuns préconisaient un confinement total, lui a plutôt opté pour un ‘’assouplissement’’. Il déclare : ‘’Aujourd’hui, après deux mois de mise à l’épreuve, nous devons sereinement adapter notre stratégie, en tenant compte, une fois de plus, de notre vécu quotidien. J’ai consulté à cet effet une équipe pluridisciplinaire d’éminents experts nationaux. Il ressort de leurs analyses et évaluations minutieuses que, dans le meilleur des cas, c’est-à-dire si nous continuons d’appliquer les mesures édictées, le Covid-19 continuera encore de circuler dans le pays jusqu’au mois d’août, voire septembre.’’

Autrement dit - et c’est le scénario le plus probable - au cas où les mesures actuelles ne seraient pas respectées, le virus circulera encore plus longtemps. Suffisant pour que le gouvernement revoie totalement sa copie, ne pouvant pas éternellement arrêter l’activité économique. ‘’Dans cette nouvelle phase qui va durer non pas quelques semaines, mais au moins trois à quatre mois, informe le président Sall, ‘’nous devons apprendre à vivre en présence du virus, en adaptant nos comportements individuels et collectifs à l’évolution de la pandémie’’.

Ainsi, souligne-t-il, ‘’il nous faut adapter notre stratégie, de façon à mener nos activités essentielles et faire vivre notre économie en veillant à la préservation de notre santé et celle de la communauté’’. Mais, estime le président de la République, les projections susmentionnées montrent que ‘’l’heure ne doit pas être au relâchement, mais à l’adaptation. Plus que jamais, l’Etat continuera donc de veiller à l’application des mesures de contingentement de la maladie. Mais plus que jamais, la responsabilité de chacune et de chacun de nous est engagée’’.  

Rapatriement des Sénégalais décédés de Covid-19 à l’étranger

L’heure est donc au ‘’déconfinement’’, de l’assouplissement, comme le dit le chef de l’Etat. Dans le nouveau schéma gouvernemental, les conditions de l’état d’urgence ont été totalement assouplies. La première grande mesure annoncée par le président de la République porte sur le rapatriement des Sénégalais décédés de Covid-19 à l’étranger. Jusque-là, les familles et proches de ces derniers n’avaient pas le droit de faire rapatrier leurs corps. Désormais, Macky Sall a donné son feu vert, en s’appuyant sur l’expertise médicale. ‘’Tenant compte de la forte demande de rapatriement de corps de nos compatriotes décédés du Covid-19 à l’étranger, et sur la base d’avis motivés que nous avons recueillis en ce qui concerne les conditions sanitaires, il sera désormais possible de procéder à ces rapatriements. J’ai donc instruit le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, en rapport avec le ministre de la Santé et de l’Action sociale, de faciliter les rapatriements, pour les familles qui le souhaitent, dans le respect des conditions sanitaires requises’’, affirme Macky Sall.

En plus de cette mesure, le président de la République a annoncé une panoplie de décisions qui vont certainement donner du baume au cœur des acteurs économiques, croyants, entre autres. Parmi ces décisions, à compter du mardi 12 mai 2020, les horaires du couvre-feu seront de 21 h à 5 h, au lieu de 20 h à 6 h. Les horaires de bureau sont réaménagés de 9 h à 16 h. Les marchés et autres commerces qui étaient astreints à des jours particuliers d’ouverture, selon le président, seront ouverts 6 jours et resteront fermés un jour dédié au nettoiement. Il en est de même des marchés hebdomadaires qui seront rouverts, mais dans les limites de chaque département. 

Autre décision qui va faire plaisir à certaines franges de la population, mais qui n’est pas approuvée par tout le monde, c’est la réouverture assortie de conditions des lieux de culte. ‘’Le ministre de l’Intérieur, en rapport avec le ministre de la Santé et de l’Action sociale, engagera les consultations nécessaires à cet effet avec les guides spirituels et les associations religieuses, pour convenir des conditions et modalités’’, soutient le président de la République qui a aussi rappelé la date d’ouverture des écoles, prévue le 2 juin prochain pour les classes de CM2, 3e et terminale, ‘’soit 551 000 élèves, du public et du privé réunis, sur les 3 500 000’’, a-t-il précisé. Avant d’ajouter que les élèves des autres classes continueront de suivre les cours à partir du dispositif ‘’Apprendre à la maison’’. Quant à l’université, le ministre en charge de l’Enseignement supérieur poursuivra les concertations avec les différentes académies pour aménager les enseignements à distance. 

Une reprise assujettie à des conditions

Par ailleurs, cet assouplissement, de l’avis du chef de l’Etat, ne traduit nullement un laisser-aller. ‘’Le gouvernement, souligne-t-il, veillera particulièrement à ce que la fréquentation des lieux de culte, des établissements scolaires et autres espaces publics, des marchés et autres commerces, y compris les restaurants, obéisse strictement aux mesures de distanciation physique et aux gestes barrière, notamment le port obligatoire du masque et le lavage des mains’’. Selon lui, le respect de ces conditions est essentiel pour éviter des risques de contamination. Déjà, renchérit le président Sall, 10 millions de masques ont été produits localement. ‘’Ils seront distribués dans les écoles, les lieux de culte, les marchés et les transports publics’’, annonce-t-il.

Ensemble, poursuit le chef de l’Etat, chacun jouant pleinement son rôle, ‘’nous réussirons le pari de redynamisation progressive de la vie nationale. Dans le même esprit, avec l’hivernage qui s’annonce, j’ai demandé au gouvernement de prévoir les assouplissements nécessaires au transport public, afin de permettre aux travailleurs agricoles de rejoindre leurs localités’’. 

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MACKY SALL AUX TAILLEURS, ÉTUDIANTS, CHERCHEURS

‘’Rien ne peut épuiser la force mentale d’un peuple résolu à affronter les épreuves…’’

Au cœur de la crise, il existe tout de même quelques motifs de satisfaction salués par le président de la République. ‘’Je suis heureux, dit-il, de constater que loin de céder à la résignation, nous puisons chaque jour dans le génie créateur de notre peuple les ressources nécessaires à notre résilience commune’’. Ainsi, pense-t-il à toutes ces initiatives locales qui fleurissent face au coronavirus, aux tailleurs qui confectionnent des masques, aux étudiants, enseignants et chercheurs qui fabriquent des gels hydro-alcooliques, qui inventent des robots, des respirateurs artificiels et des machines à laver les mains.

‘’Je pense, soutient-il, aux concepteurs de plateformes de commerce électronique et aux livreurs qui offrent leurs services pour nous éviter des déplacements propices aux risques de contamination’’. Toutes ces compétences et ces savoir-faire locaux, estime le président Sall, ‘’nous parlent, pour nous dire que rien ne peut épuiser la force mentale d’un peuple résolu à affronter les épreuves et maîtriser son destin’’. Fort de ce constat, il annonce, dans le cadre du plan de relance de l’économie nationale, post Covid-19, sa ferme intention de soutenir toutes ces énergies positives et toutes ces intelligences créatives, parce qu’elles portent les promesses généreuses d’un futur plus moderne et plus prospère.  

Le paradoxe des chiffres

Le seul hic qui fait fureur dans ces nouvelles directives présidentielles, c’est leur contradiction avec la situation pandémique actuelle plus désastreuse. En effet, le 13 mars dernier, quand le gouvernement interdisait tous rassemblements dans les lieux publics (marché, lieux de culte…), il n’y avait que 19 cas, dont 17 dans la seule ville de Touba et 0 décès. Aujourd’hui, le pays, selon le décompte officiel, en compte 1 886 cas positifs, dont 19 décédés et 1 151 malades encore sous traitement. Ce, compte non tenu des 7 182 contacts qui sont suivis par les services de santé. Sur les 45 départements, seuls 22 ne comptent aucun cas de Covid-19. Mais pour le chef de l’Etat, c’est là un motif de satisfaction et d’efforts supplémentaires dans la vigilance. 

REOUVERTURE MOSQUEES

Aly Ngouille Ndiaye douche les ardeurs

Après l’adresse à la Nation du président de la République hier, beaucoup de Sénégalais ont compris que mosquées et églises rouvriraient aujourd’hui. Mais il n’en est rien, selon le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye, interrogé par iRadio. En effet, il a indiqué que la décision ne pourrait être effective que d’ici vendredi prochain. Des discussions sont entamées depuis quelques jours, a-t-il fait savoir, pour définir les conditions de la réouverture avec les chefs spirituels et religieux du Sénégal.

‘’Le président de la République m’a donné des instructions pour mettre en œuvre cette décision. Nous allons donner des directives aux gouverneurs, aux préfets et sous-préfets de discuter avec les imams et autres chefs religieux des différentes localités pour voir comment rendre effective cette mesure tout en respectant les mesures’’, a-t-il déclaré. Il entend par-là, entre autres, le respect de la distanciation sociale.

Pour cela, il faut un nombre limité de fidèles dans les lieux de culte. ‘’Nous n’allons pas accepter que les mosquées soient assaillies par les fidèles. Il faut un nombre limité dans les mosquées. Dans le rite de l’imam Malick, un nombre minimal de 12 musulmans en dehors de l’imam est une des conditions pour que la prière du vendredi puisse être effectuée. Je pense qu’on ne va pas dépasser ce nombre, parce qu’il faut que les mesures barrières soient respectées’’, a-t-il averti.

MOR AMAR

 

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