Publié le 13 Feb 2021 - 21:36
LUTTE CONTRE LA PANDEMIE DE COVID-19

La vaccination, faute de mieux…

 

Malgré le scepticisme autour des vaccins contre le coronavirus, les autorités du ministère de la Santé et de l’Action sociale déroulent leur stratégie de vaccination des populations prioritaires.

 

Il y a un peu plus d’un an, le monde entier s’interrogeait sur le coronavirus, un adversaire face auquel il était totalement désarmé. Doté aujourd’hui d’une réponse satisfaisante sur l’équation posée par la Covid-19, les doutes restent tout aussi vivaces sur les vaccins concoctés pour faire face à la pandémie. La rapidité de leur création, la course effrénée aux gains qu’ils produiront, les nouveaux procédés utilisés ou encore les thèses complotistes sont autant de faits qui amènent beaucoup à être prudents dans le désir de s’injecter le sérum contre le virus mortel.

La population sénégalaise ne fait pas exception à cette règle mondiale. Pour faire évoluer les mentalités, le Comité consultatif pour la vaccination et les vaccins au Sénégal (CCVS), en partenariat avec la Direction de la Prévention du ministère de la Santé et de l’Action sociale ont organisé, hier, un forum de partage sur la vaccination contre la Covid-19. Tenu en visioconférence, il a permis aux intervenants d’expliquer les caractéristiques des vaccins disponibles, de même que la préparation du pays à l'introduction des vaccins anti-Covid-19.

En un an, au moins 81 vaccins ont été créés par les scientifiques du monde et sont déjà en phase clinique. Très tôt identifiée par les autorités sénégalaises comme une étape indispensable, ‘’la vaccination est apparue comme une opportunité de réduire la mortalité et la morbidité autour de la pandémie’’, affirme le Dr El Hadj Mamadou Ndiaye. A cet effet, ajoute le directeur de la Prévention, ‘’le Sénégal est entré tôt dans l’Initiative Covax créée pour aider les pays les moins nantis à accéder au vaccin. Nous travaillons sur la mise en œuvre d’une stratégie élaborée avec les praticiens du ministère de la Santé et de l’Action sociale’’.

En Conseil des ministres, mercredi dernier, le président de la République a demandé la prise en compte de toutes les mesures afin de procéder au lancement, sur l’ensemble du territoire national, des campagnes de vaccination, à la fin du mois de février 2021, au plus tard.

Une opportunité de réduction la mortalité et de la morbidité

Au niveau du Comité consultatif pour la vaccination et les vaccins au Sénégal, l’on a travaillé sur les principaux vaccins disponibles à l’heure actuelle et reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le professeur Tandakha Dièye résume les caractéristiques de ces vaccins : ‘’Il y a quatre vaccins innovants. Deux vaccins à ARM Messager (Biontech/Pfizer, Moderna) qui ont de bonnes réponses anticorps, une bonne neutralisation. Ils ont été fabriqués en respectant toutes les phases requises pour la mise en place d’un vaccin et ont une très bonne efficacité de 95 % pour le premier et de 94 % pour le second. Ils requièrent deux doses de 21 et de 28 jours d’intervalle.’’

Une deuxième catégorie concerne deux vaccins vecteurs que sont l’AstraZeneca et le Spoutnik. ‘’C’est de bons vaccins’’, reconnaît l’immunologiste qui renseigne que leurs approches de fabrication sont celles du vaccin contre Ebola. ‘’Ils ont cet avantage d’avoir fait leurs preuves, lors d’une utilisation antérieure.  Le vaccin britannique a une efficacité de 70 % et le vaccin russe est à 92 % efficace’’, détaille-t-il.

Toutefois, le vaccin qui conserve la stratégie de fabrication la plus simple est celui produit par la Chine (Sinopharm) est qui un vaccin au génome inactivé efficace à 80 %. 

Pour sa première commande, le Sénégal a fait confiance à ce dernier nommé. Le gouvernement a débloqué 2,2 milliards de francs CFA pour l’acquisition de 200 000 doses de vaccin contre la Covid-19 auprès du groupe pharmaceutique chinois Sinopharm, rapporte le quotidien ‘’Le Soleil’’ dans son édition d’hier. Le journal, citant le coordonnateur du Programme élargi de vaccination (PEV), le docteur Ousseynou Badiane, annonce que le Sénégal attend de même 1 300 000 doses du laboratoire britannique AstraZeneca.

Le Sénégal commande des vaccins chinois et britanniques

Si le pays opte, dans un premier temps, pour ces vaccins moins efficaces que les vaccins Biontech/Pfizer et Moderna, c’est en partie pour les conditions de conservation. Pour le premier nommé, ‘’il se conserve dans des chambres froides entre -60 et -90°, pendant six mois. Si on le fait au réfrigérateur, il peut rester entre 2 et 8° pendant 5 jours. Concernant Moderna, il faut une température de -20°’’, explique le Pr. Tandakha Dièye.

Les explications du Dr Mamadou Ndiaye abondent dans le même sens. Selon lui, le Sénégal dispose du matériel adapté pour les vaccins s’alignant sur une chaine de froid classique, y compris des conservateurs à -20°. ‘’Pour ceux qui exigent des températures allant jusqu’à -80°, on devra en acquérir’’, reconnaît-il. L’AstraZeneca, le Spoutnik de même que le Sinopharm nécessitent une conservation entre 2 et 8°.  

Ces premières doses serviront à vacciner les personnes prioritaires sur la liste des autorités. Mais les 200 000 commandés auprès de la Chine ne pourront être administrés qu’à 100 000 personnes. Comme l’a expliqué le Pr. Dièye, il en faudra deux pour chaque individu : ‘’Avec la première dose, nous avons une bonne réponse anticorps. Mais c’est la deuxième qui permet d’obtenir la neutralisation.’’ 

L’objectif du directeur de la Prévention est d’atteindre au moins 90 % des personnels de santé de première ligne, les personnes âgées de plus de 60 ans et les porteurs de maladies chroniques, d’ici la fin de l’année 2021. Un recensement approximatif de ces personnes cibles donne un chiffre autour de 3 500 000 personnes à vacciner, renseigne-t-il. Il faut noter également que, dans le contexte sénégalais, les diabétiques et les hypertendus, parmi les personnes vivant avec des comorbidités, sont particulièrement représentés dans les personnes décédées du virus.

3 500 000 personnes à vacciner

C’est la stratégie classique du PEV (Programme élargi de vaccination) qui va être utilisée pour vacciner les Sénégalais. Ce qu’indique le Dr Ndiaye pour qui, ‘’il y a des unités de vaccination dans tous les postes de santé du pays, certains hôpitaux et même dans le public. Chaque structure de santé ciblera les personnes habitant dans un rayon de 5 km. On pourra se déplacer pour toucher des cibles au-delà de 10 km. Il faudra opérer une accélération au cours du premier mois, car les personnes devront se vacciner deux fois entre 3 et 4 semaines’’.  Les cas de manifestation post-immunité constatés après vaccination seront notifiés.

Malgré le déroulé de ce programme, il faudra, pour les autorités sanitaires, convaincre les Sénégalais de se vacciner. Et le directeur de la Prévention ne s’y trompe pas. ‘’Beaucoup de théories se sont greffées autour de la maladie, d’abord, avant de venir sur le vaccin. Dans la communication, toutes les influences nécessaires seront impliquées. Il faudra l’aide de tous pour vaincre les rumeurs déjà présentes sur les réseaux sociaux’’, regrette-t-il.

Sur ce point, son collègue immunologiste a sa théorie : ‘’Il faut considérer les bénéfices et les risques de la vaccination. Le risque d’attraper la Covid-19 est d’en mourir. Celui de prendre le vaccin est d’avoir des effets secondaires.’’  

Beaucoup de ‘’vaccinosceptiques’’ rejettent les procédés utilisés pour les vaccins Biontech/Pfizer et Moderna avec l’ARN Messager. Mais le Pr. Dièye rassure. ‘’Le Messager n’est pas de l’ADN. Il n’entre pas dans le noyau. Il reste dans le cytozone. On ne touche pas à l’ADN qui est le patrimoine de tout individu’’, assure-t-il, non sans rappeler que l’on est qu’au stade de la première génération des vaccins. Il va y avoir une deuxième génération beaucoup mieux élaborée.

‘’Il faut vacciner vite, avant que les variants ne nous envahissent’’

Des incertitudes subsistent, cependant, sur les vaccins. Les essais n’ont pas été faits chez les personnes vulnérables, cancéreuses, les moins de 16 ans, les femmes enceintes, etc. Mais l’immunologiste reste d’avis que le seul espoir est peut-être la vaccination et qu’il faut ‘’le faire vite avant que les variants ne nous envahissent’’.

Un optimisme forcé que partage le Dr Ndiaye, qui appelle les Sénégalais à faire confiance à l’appareil de contrôle des médicaments entrant dans le pays. ‘’Même homologué par l’OMS, un vaccin doit suivre une procédure pour entrer dans le territoire sénégalais. Il doit recevoir les approbations de la Direction nationale de la pharmacie et du médicament sur les composantes scientifiques, de même qu’un comité d’experts indépendants qui se prononce par rapport à leur efficacité, tolérance, etc.’’, renseigne-t-il.

Lamine Diouf

Section: