Publié le 8 Jul 2020 - 21:24
LUTTE CONTRE LE VIH EN AFRIQUE

L’objectif des 90-90-90 n’est pas atteint 

 

Depuis 2015, 3,5 millions d’infections au VIH et 820 000 morts supplémentaires liées au sida sont imputables à des objectifs non atteints. Elles auraient été évitées, si les objectifs 2020 avaient été réalisés (90-90-90). Mais il y a un échec accentué par la Covid-19, d’après un nouveau rapport de l’Onusida intitulé ‘’Agissons maintenant’’.

 

La pandémie de Covid-19 a lourdement perturbé la riposte contre le sida et pourrait continuer sur cette lancée. Une interruption totale de six mois du traitement contre le VIH entraînerait plus de 500 000 morts supplémentaires en Afrique subsaharienne, l’année prochaine (2020-2021). Ce revers ramènerait le taux de mortalité liée au sida dans la région à celui de 2008. Une interruption, ne serait-ce que de 20 %, provoquerait 110 000 morts supplémentaires. C’est ce qui ressort d’un nouveau rapport de l’Onusida publié hier.

Le rapport sur la pandémie de sida fait état d’un échec accentué par la Covid-19. C’est pourquoi la présidente de l'Association nationale de soutien aux séropositifs et malades du sida au Burundi, Jeanne Gapiya, affirme que mettre fin à la pandémie de Covid-19 dès 2020 et à celle de VIH ne constituent pas deux combats, mais une seule et même bataille.

L’Onusida presse également les pays à augmenter leurs investissements pour combattre ces deux maladies. Car le rapport révèle que les investissements pour riposter au VIH ont chuté de 7 %, entre 2017 et 2019, et représentent 18,6 milliards de dollars US. Ce revers signifie qu’il manque 30 % au budget de 26,2 milliards de dollars US nécessaires à une riposte efficace au VIH pour 2020. ‘’Nous ne laisserons pas les pays pauvres passer en dernier. La protection contre ces virus mortels ne doit pas dépendre de votre compte en banque, ni de la couleur de votre peau’’, déclare directrice exécutive de l’Onusida Winnie Byanyima. Elle considère qu’on ne peut pas prendre les financements destinés à la gestion d’une maladie déterminée pour en soigner une autre. ‘’Le VIH et la Covid-19 doivent bénéficier de financements exhaustifs, pour éviter la perte massive de vies humaines’’, insiste-t-elle.

Quatorze pays ont atteint le triple objectif 90-90-90 du traitement contre le VIH (90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique ; 90 % des personnes se sachant séropositives suivent un traitement antirétroviral ; 90 % des personnes sous traitement antirétroviral présentent une charge virale indétectable). Parmi ces derniers, l’Eswatini qui a, en outre, l’un des taux de prévalence les plus élevés au monde, 27 % en 2019. Mieux, il a même déjà dépassé ces objectifs pour atteindre le suivant : 95-95-95.

Par ailleurs, renseigne le document, le déploiement de la thérapie antirétrovirale a sauvé des millions de vies et évité des millions de nouvelles infections. Pourtant, 690 000 personnes sont mortes de maladies opportunistes liées au sida, l’an dernier. 12,6 millions sur les 38 vivants avec le VIH n’avaient pas accès au traitement vital.

Il ressort de l’enquête que le monde a accusé un grand retard dans la prévention de nouvelles infections au VIH. C’est ainsi que 1,7 million de personnes a contracté le virus, soit plus du triple de l’objectif mondial. On constate des progrès en Afrique orientale et australe, où les nouvelles infections au VIH ont reculé de 38 %, depuis 2010. Ces chiffres contrastent dramatiquement avec ceux d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, où les nouvelles infections au VIH ont explosé de 72 %, depuis 2010. Leur nombre a également bondi de 22 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et de 21 % en Amérique latine.

62 % des nouvelles infections au VIH concernent les populations clés et leurs partenaires sexuel (lles)

Le rapport ‘’Agissons maintenant’’ fait état d’avancées disparates délaissant trop de personnes vulnérables. Soixante-deux pour cent environ des nouvelles infections au VIH concernent les populations clés et leurs partenaires sexuel (lles) comme (les gays, les professionnel (lles) du sexe, les consommatrices et consommateurs de drogue et la population carcérale). Alors même qu’elles ne représentent qu’une très faible part de la population globale.

La stigmatisation, la discrimination, les autres inégalités sociales et l’exclusion forment autant d’obstacles stratégiques. Les populations marginalisées qui redoutent le jugement, la violence ou les arrestations rencontrent des difficultés à accéder aux services de santé sexuelle et de la reproduction.  Le rapport note que la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH demeure monnaie courante. Au moins 82 pays criminalisent une forme de transmission du VIH, l’exposition au virus ou la non-divulgation de son statut sérologique. Le commerce du sexe relève du Code pénal dans au moins 103 pays, et pas moins de 108 pays criminalisent la consommation ou la possession de drogue destinée à une consommation personnelle.

Les femmes et les filles, en Afrique subsaharienne, continuent de former la majeure partie de la population concernée. Elles représentent 59 % des nouvelles infections dans la région en 2010, selon toujours le rapport. Ainsi, 4 500 adolescentes et jeunes femmes entre 15 et 24 ans contractent le VIH chaque semaine. Les jeunes femmes comptent pour 24 % des nouvelles infections au VIH en 2019, alors même qu’elles ne forment que 10 % de la population en Afrique subsaharienne.

Cependant, lorsque des services exhaustifs de lutte contre le VIH sont accessibles, le taux de transmission chute littéralement. Une couverture efficace a réduit les inégalités et le taux d’incidence des nouvelles infections au VIH en Eswatini, au Lesotho et en Afrique du Sud. Elle combine les options de prévention comme le soutien socio-économique des jeunes femmes et une couverture de traitement étendue permettant d’obtenir une charge virale indétectable chez des populations jusque-là délaissées.

Pour lutter contre les épidémies conjuguées du VIH et de la Covid-19, l’Onusida et ses partenaires mènent une campagne mondiale en faveur d’un vaccin universel contre le coronavirus. L’appel a déjà reçu la signature de 150 responsables et spécialistes du monde entier. Ils exigent que tous les vaccins, traitements et tests soient libres de brevet, produits en masse et distribués gratuitement et équitablement à l’ensemble de la population.

VIVIANE DIATTA

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