Publié le 3 Apr 2012 - 11:37

M. le Président, brisez les chaînes !

 

Alea jacta est. Ce qui sans doute semblait surréaliste aux yeux de bien des Sénégalais, vient de se réaliser, grandeur nature. Macky Sall sur les jardins de l'Hôtel Méridien Président prêtant serment, devant les chefs d'Etat de plusieurs pays de la sous-région. La page Wade est définitivement tournée. Mais quelle page donc va-t-on vraiment ouvrir ? That is the question.

 

Quelle sera donc la griffe Macky Sall ? Les Sénégalais, pas encore habitués au tout nouveau rituel qui se donne à voir depuis hier, attendent encore de voir. On a bien vu le Président Wade plier bagages. On l'a vu tout à fait crispé. Comme un enfant qui ne peut pas cacher ses émotions, on a senti l'amertume au bout de ses lèvres, sur le masque de son visage et dans son regard. Le talent d'un Bruno Diatta ne pouvait en aucune façon cacher les fausses notes notées dans la gestuelle de Gorgui. Il était mal à l'aise et ne pouvait le cacher. N'empêche ! Wade est bien parti. Avec la Pointe de Sarène, on ne sait d'ailleurs au nom de quoi. Si la Pointe de Sangomar avait été prêtée au Président Diouf, cela n'a duré que 48 heures, alors qu'en plus, le Président sortant devait représenter le tout nouvellement élu, Me Wade en l'occurrence à un sommet mondial au Caire, capitale d'Egypte. L'avion présidentiel avait ensuite piqué sur Dakar, après avoir déposé Abdou Diouf à Rabah au Maroc. Mais la Pointe de Sarène devra faire plus que Sangomar. Il faut bien qu'elle satisfasse les appétits de notre roi sortant, Sa Majesté l'ex-Président Wade, ainsi que sa famille.

 

La politesse commence en vérité au Palais avec l'accolade bien planifiée avec Karim Wade. On ne sait d'ailleurs pas au nom de quoi, Karim Wade devait bénéficier d'une accolade avec le tout nouveau Président, sous les caméras bien disciplinés de la Télévision nationale, alors que Pape Diop et Mamadou Seck, respectivement Président du Sénat, de l'Assemblée nationale et du gouvernement sont presque invisibles. Au nom de quel statut lui aménage-t-on une telle brèche ? Quel signal par rapport aux audits qui l'attendent ? Là encore mystère et boule de gomme.

 

Mais à supposer que tout cela ne soit que le résultat de l'inexpérience par rapport aux us de la fonction présidentielle, il faudra bien que le tout nouveau Président s'affranchisse des lobbies de toutes sortes qui essaient de le phagocyter. Les audiences qui se sont poursuivies jusqu'à la prestation de serment renseignent sur la puissance de feu de réseaux qui se refusent à dévoiler leurs visages. Le nouveau Président saura-t-il garder ses distances par rapport à ces forces non négligeables ? Saura-t-il défendre les intérêts nationaux comme par exemple Sarkozy et Obama le font pour la France et les Etats-Unis ? Quel que soit le coup de pouce que ces pays ont donné au Sénégal, bien appréciable au regard des résultats obtenus, il ne faudrait surtout pas que cela se paye rubis sur ongle. Le Sénégal n'est point une terre à re-coloniser, surtout que les puissances d'argent sont déjà bien présentes dans notre pays, dans des secteurs clés de l'Economie nationale. Et puis, si les citoyens de ce pays étaient si serviles, Me Wade qui a émis sur tous les registres possibles ne serait pas évincé du pouvoir.

 

En vérité, la nouvelle réalité, expérimentée depuis 2000, c'est que la conscience citoyenne a atteint dans ce pays un point culminant. Le Président Macky Sall ne pourra pas bénéficier de la même patience dont on a fait montre le peuple sénégalais par rapport à Me Wade au tout début de l'alternance. Les choses vont vite. On a bien sûr cherché l'efficacité, en votant pour celui qui était le plus apte à battre le Pape du Sopi, redoutable politicien. Après le départ de Wade, toutes les énergies «positives» de ce pays sont orientées dans le sens d'aider Macky Sall à aller de l'avant. Voudrait-il faire machine arrière que les mêmes forces n'hésiteraient pas à le combattre. Le philosophe français Descartes nous enseigne à emprunter la ligne lorsqu'on se perd dans la forêt. Cela donne plus de chance de sortir du piège. Le Président nouvellement élu ne doit jamais oublier que ce ne sont pas les djinns qui l'ont porté au pouvoir. Puisse donc Macky Sall rester fidèle au pouls du peuple... souverain !

 

MAMOUDOU WANE

 

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