Publié le 9 Sep 2020 - 01:26
MALADIES CHRONIQUES

Ces habitudes simples qui sauvent des vies

 

Dans le cadre de la deuxième session des webinaires organisés par l’université Cheikh Ahmadou Bamba, le professeur Abdoul Kane, cardiologue, est largement revenu sur les habitudes de vie pour éviter les maladies chroniques.

 

Période faste dans certaines localités mourides, en particulier à Touba, le mois de Safar est aussi un bon prétexte pour lancer un appel au changement de comportement pour une meilleure hygiène de vie. L’occasion a été saisie par l’université Cheikh Ahmadou Bamba, dans le cadre de sa série de webinaires, en prélude à la commémoration du départ en exil de Serigne Touba, pour consacrer sa deuxième session aux maladies liées aux comportements.

Face aux journalistes Lika Sidibé et Abdoulaye Cissé, les professeurs Abdoul Kane, Massamba Diouf et Fatimata Ly sont largement revenus sur des questions de santé publique qui ne manquent pas de faire des dégâts importants au Sénégal et dans le monde.  

‘’Quelle hygiène de vie pour éviter les maladies chroniques ?’’, s’interroge d’emblée le professeur Abdoul Kane, Chef du Département cardiologie de l’hôpital Dalal Jamm. Dans un premier temps, il a rappelé les facteurs favorisant les maladies chroniques. Souvent, ce sont des facteurs communs à toutes les pathologies. Il s’agit notamment du tabac, l’âge, l’obésité, l’alcool, la sédentarité, le mauvais comportement alimentaire… Sans compter la pollution qui est à l’origine de 20 à 30 % des décès liés aux maladies cardiovasculaires, respiratoires ou aux cancers.

Aussi, alerte le professeur : ‘’La maladie à coronavirus, qui nous hante aujourd’hui, sera aussi probablement une maladie qui va compter demain parmi les causes des maladies cardiovasculaires. Parce qu’elle va probablement donner des séquelles pulmonaires, elle va probablement favoriser des inflammations au niveau des artères… Donc favoriser des maladies cardiovasculaires. Peut-être aussi d’autres types de maladies chroniques.’’

Contrairement à une idée bien répandue, le professeur fait remarquer que ces maladies chroniques ne sont pas seulement des maladies de riches. Elles commencent de plus en plus à se développer dans le continent africain, pendant longtemps considéré comme le terreau des maladies infectieuses, de la malnutrition, de la mortalité maternelle et infantile. Il précise : ‘’Ce n’est pas tout à fait faux, hélas. L’Afrique continue de vivre avec ces maladies qui ont disparu dans d’autres pays. En revanche, il est erroné de penser que ces maladies chroniques ne sont ou ne vont pas être des maladies africaines. Aujourd’hui, on sait que certaines maladies comme les maladies cardiovasculaires, les cancers seront plus des maladies des sujets pauvres, particulièrement des sujets pauvres de nos villes. On risque d’avoir comme un double fardeau en Afrique. Non seulement, on a ces maladies infectieuses et autres, mais les leaders de la mortalité seront les maladies chroniques dans les années à venir.’’

Parmi les causes de cette transition, le professeur cite les bouleversements dans les modes de vie, les changements de comportements, les mauvaises habitudes alimentaires... Il explique : ‘’Nous avons quitté nos villages pour arriver dans des villes polluées ; nous manquons d’activités physiques ; nous avons changé notre style de vie ; nous n’utilisons plus les fruits et légumes de nos campagnes, mais nous allons dans les Macdo… Tout cela est de nature à nous exposer davantage aux maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, les cancers…’’

Dans sa communication, le Pr. Kane a réservé une partie importante à l’alimentation. Dans ce cadre, il mentionne un certain nombre d’interdits pour réduire les risques de tomber malade. Parmi ces interdits : éviter les aliments riches en sel, surtout les aliments industriels ; réduire les sucres et les matières grasses... Selon le professeur, un Sénégalais mange 3 à 4 fois plus de sel que ce qu’il n’en faut.

Aussi, suggère-t-il, il faut limiter la consommation d’alcool à un seul verre pour les femmes, deux pour les hommes. Pour le tabac, il faut purement et simplement l’arrêter.  Selon le cardiologue, 30 % des décès cardiovasculaires – c’est vrai aussi en partie pour le cancer et les autres maladies chroniques - sont liés à l’excès de sel, à l’excès de graisse, au surpoids. Et les maladies rénales sont souvent très liées aux maladies cardiovasculaires. ‘’Si vous réduisez le sel à l’objectif (4 à 5 grammes par jour), vous aurez 80 % d’AVC en moins. En termes de survie, aux Etats-Unis, les chiffres font état de 100 000 décès en moins par an, pour 15 à 20 milliards de dollars économisés. Ceci est encore plus valable en Afrique, puisque ces types de maladies touchent plus des jeunes, donc les populations actives. Et le problème ce n’est pas le sel que je rajoute dans mes plats, mais surtout le sel industriel’’, soutient le spécialiste.

En ce qui concerne les prescriptions, il préconise une alimentation saine, une activité physique régulière, se faire dépisté par un médecin, veiller sur son poids. ‘’Il faut, recommande-t-il, contrôler son poids. Le poids doit ressembler à la taille. Pour un homme, si vous avez un tour de taille de 94 cm, ne dites pas que c’est le ventre d’un patron, vous êtes malade. Chez la femme, 80 cm, ce n’est pas bien. Pour ce qui est de l’activité physique, tous les moyens sont bons. L’essentiel est surtout de bouger’’.

Le professeur d’interpeller les autorités sur certaines décisions prises en matière d’urbanisation notamment et qui causent des problèmes de santé publique certains. En effet, constate-t-il pour s’en désoler, les jeunes ont de moins en moins d’espaces pour pratiquer le sport. ‘’Si nous avions, en notre temps, même à Dakar, des espaces pour s’amuser, nos enfants ne peuvent plus, par exemple, rouler à vélo dans les rues sans courir le risque d’un accident. La situation va donc empirer. Si nous, nous avons commencé à nous sédentariser à 35 ans, nos enfants, eux, ont commencé à se sédentariser dès le berceau’’.

Pour le cardiologue, le meilleur moyen de se prémunir contre les maladies chroniques, c’est de pratiquer le sport. ‘’Le médicament qui soigne le plus de maladies, dit-il, c’est le sport. Ne pas bouger, c’est avoir un risque identique que celui qui est hypertendu ou celui qui a du cholestérol ou un surpoids. C’est presque la même chose que d’être un fumeur. Finalement, plus vous avez tendance à être sédentaire, plus vous avez un risque d’avoir une maladie chronique’’.  

Fumer, l’une des principales causes d’’impuissance

Autre argument pour laisser définitivement le tabac, c’est qu’il serait source d’impuissance. Contrairement à une vieille publicité de l’industrie du tabac, faisant croire que celui-ci augmente la virilité, des études montrent que le tabac rend plutôt impuissant. Mieux, précise le professeur Abdoul Kane, ‘’c’est l’une des principales causes de l’impuissance, parce que la cigarette bouche les artères... Elle peut ainsi entrainer un dysfonctionnement érectile, une impuissance. Ceci dès les premières bouffées’’.

Par ailleurs, indique le professeur, ‘’les femmes et les jeunes sont plus à risque. Quelqu’un qui commence à fumer jeune multiplie ses chances d’être impuissant par 5 par rapport à quelqu’un qui a commencé tardivement. Aussi, les études montrent que fumer trois cigarettes augmente de 50 % le risque d’avoir des complications cardiaques’’.

MOR AMAR

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