Publié le 9 May 2017 - 22:38
MALICK FALL (SG SAES)

‘’Le Président doit d’abord se renseigner avant de se prononcer’’

 

Le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur a décidé de sortir la hache de guerre. Après une grève de 48 heures (jeudi et vendredi dernier), les enseignants ont décrété 24 heures pour aujourd’hui. Le Secrétaire général Malick Fall revient ici sur les raisons de cette radicalisation.

 

À l’issue de la conférence sociale, le Saes a sorti un communiqué pour rejeter les résultats. Après 48 heures de grève, vous avez décrété à nouveau 24 heures. Qu’est-ce qui explique cette posture ?

On avait eu un accord avec le gouvernement en mai 2016. Le protocole portait sur 4 points dont un relatif à la retraite. Nous avions pu trouver un compromis avec le gouvernement à cette époque-là. Mais on nous a demandé d’attendre la conférence sociale pour que ces questions-là puissent être entérinées. Nous avons essayé autant que faire se peut de pacifier l’espace universitaire. C’est ce qui a fait que durant tout ce temps-là, l’université était dans un calme plat. Nous avons attendu la conférence sociale à l’issue de laquelle des conclusions sont sorties relatives au Fonds national de retraite (FNR) et qui ne nous satisfont pas.

En quoi les conclusions ne vous satisfont-elles pas ?

Nous étions d’accord avec le gouvernement sur une pension de retraite à revenu défini, suivant un pourcentage et avec des mécanismes. Mais nous nous sommes rendu compte que les conclusions proposent un nouveau schéma totalement différent de ce sur quoi nous nous étions entendus avec le gouvernement. Mais ce qui nous a fait le plus mal dans cette affaire, c’est qu’on a voulu nous faire porter un déficit cumulé au FNR qui est du ressort total et exclusif de l’Etat. C’est l’Etat qui a la responsabilité de faire des  prévisions. Il a la responsabilité de la politique de recrutement pour savoir quelle est la situation du FNR. Aujourd’hui, ce qu’ils veulent, c’est que le déficit qui a été creusé au niveau du FNR et qui porte sur un cumul de 15 milliards sur les 5 dernières années, que nous travailleurs, nous portions ce déficit-là.

On ne l’acceptera  pas. Ce n’est pas un déficit que nous avons créé. C’est plutôt l’Etat. Il s’y ajoute que nous avons des problèmes pour savoir s’il y a effectivement un déficit. Le problème qui se pose, c’est un transfert. Le FNR est une ligne au Trésor. Est-ce que l’Etat a réellement versé ses 23% ? C’est  un problème qui nous interpelle. Si l’Etat n’a pas versé ses 23%, il est évident qu’on puisse avoir un déficit. L’autre élément fondamental est que pendant des années, de 2002 à 2011, le FNR était dans un état excédentaire. Qu’est-ce qu’on a fait de cet excédent-là pour que de 2012 à 2017, on dise qu’il y a un déficit. C’est fondamentalement des problèmes qui nous opposent à l’Etat.

Il se trouve également que l’université a une certaine spécificité. Nous avons des enseignants qui sont recrutés à un âge avancé. Nous avons également un problème de démographie. Nous avons fait une étude qui a montré que les Sénégalais qui sont entre 15 ans et 25 ans sont dans une progression constante et exponentielle. Quand vous allez dans l’enseignement supérieur, nous avons fait des études qui ont montré que la tranche d’âge comprise entre 55 et 65 ans est la plus importante. Et c’est là où on compte les enseignants de rang magistral, c’est-à-dire de rang A. Presque 60% de ces enseignants-là vont partir à la  retraite. Il ne reste donc que les enseignants de rang B. Or, dans le système du Cames, ce sont les enseignants de rang magistral qui ont l’obligation et le devoir d’encadrer les thèses. Nous sommes donc dans une situation extrêmement compliquée où vous avez énormément de départ à la retraite d’enseignants de rang magistral.

Il se trouve également que nous avons des universités qui viennent d’être créées et qui doivent être managées par  ces gens-là. De façon patriotique, nous  avons  demandé à l’Etat si ce n’est pas possible de permettre aux enseignants  de rang magistral, une fois à 65 ans, de pouvoir prolonger jusqu’à un certain niveau, pour non seulement prendre en charge les nouvelles universités, mais également encadrer les doctorants.

Quelle est le délai de la prolongation que vous préconisez ?

De 3 à 5 ans, ça  dépend. Mais  ce n’est pas obligatoire. Il appartient à la personne de dire si elle veut continuer ou non. Si la personne se sent prête pour continuer, qu’on le lui permette. La question de la retraite dans l’enseignement supérieur est difficile, mais nous avons des mécanises sur lesquels nous avons réfléchi et nous avons des propositions concrètes sur la table.

Mademba Sock a interpellé le Président Macky Sall sur la question, lors de la cérémonie de remise des cahiers de doléances. Mais celui-ci lui a fait comprendre que le gouvernement ne peut pas négocier par secteur.

Ça été une grosse erreur. Je pense que le président de la République n’a pas eu la bonne information. Quand il y a des problèmes, le Président doit d’abord se  renseigner avant de se prononcer. Dans les préparatifs de la conférence sociale, nous avions demandé à ce qu’il y ait des négociations sectorielles. Et le Premier ministre, le ministre de l’Economie et des Finances, le ministre de l’Enseignement supérieur, étaient tous d’accord qu’il fallait d’abord des négociations sectorielles, parce qu’il y avait un certain nombre de spécificités inhérentes aux différents secteurs. La conférence sociale ne devait être qu’un moyen de valider ce qui a été fait en amont. C’est ce que nous avions demandé. Malheureusement, ça n’a pas été fait. Ce qui a conduit à la situation d’aujourd’hui, c’est-à-dire que nous sortons d’une conférence sociale et les conclusions sont rejetées.

Les conclusions étant rejetées, comme vous dites, quelle est la suite ?

Nous sommes en ordre de bataille. On nous avait demandé d’attendre la conférence sociale, nous avons attendu pendant tout ce temps-là. Maintenant que les conclusions ne nous satisfont pas, nous  allons, comme on le dit, ‘’deloo buum ca booy booy ba’’ (littéralement, ça se traduit par : remettre la corde à la plaie. Ce qui veut dire reprendre la lutte).    

PAR BABACAR WILLANE

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