Publié le 22 May 2017 - 01:44
PROFIL - MAMADOU DIOUM

Radicalement engagé

 

Mamadou Dioum est un jeune acteur politique à Diourbel. Mais du fait de ses prises de position radicales amplifiées par les radios locales, cet enseignant d’EPS a fini de se faire une notoriété dans la localité.

 

Le vendredi 10 mars, a eu lieu l’adoption du budget 2017 de la municipalité de Diourbel. Ce jour-là, lorsque les noms des orateurs ont été communiqués, le maire Malick Fall a été un peu surpris de n’avoir pas entendu celui d’un conseiller municipal, Mamadou Dioum. Chose curieuse ! Ainsi, l’édile de la ville n’a-t-il pas manqué de lui demander s’il s’était inscrit sur la liste. Sa réponse se passe de commentaire. ʺBindu naa bu yagg !ʺ (je me suis inscrit il y a bien longtemps), rétorque-t-il, provoquant l’hilarité générale dans la salle de délibération de la mairie. L’ambiance se détracte pendant quelques minutes.

En réalité, la question du maire n’a rien d’anodin. Le ton ironique utilisé en dit long d’ailleurs. C’est que ce jeune de 36 ans (30 novembre 1980), membre du parti Rewmi, est une épine dans le pied du patron de l’équipe municipale issue de la majorité présidentielle, Benno bokk yaakaar. Le jour du vote,  Mamadou Dioum, professeur d’éducation physique et sportive (EPS), est venu  très tôt avec une panoplie de documents. Durant les débats, on le voyait impatient d’intervenir.

Lorsqu’il a pris la  parole,  monsieur Dioum, drapé dans un ensemble  blouson bleu-blanc, a tenté  de soulever des irrégularités dans la gestion de la commune  de Diourbel, malgré les murmures de protestation de ses collègues favorables au maire Malick Fall. Après ses observations, il invite ses camarades conseillers à rejeter le budget de l’année 2017, tout en sachant qu’il n’avait aucune chance d’être suivi. ‘’Je  sais que  le  budget sera voté car vous disposez d’une majorité mécanique mais cela ne m’empêche pas de défendre mes convictions’’, admet-il.

C’est parce que depuis 7 ans qu’il est conseiller municipal, il en est toujours ainsi. De 2009 à ce jour, l’ancien élève de l’école primaire Algor Dioum n’a jamais varié dans sa position. ‘’Je ne voterai jamais le budget tant qu’il ne respecte pas deux aspects : l’état nominatif et détaillé du personnel me permettant d’apprécier l’argent de la municipalité destiné au paiement des salaires des travailleurs,  et les préoccupations des Diourbellois’’, affirme-t-il.

En fait, Mamadou Dioum a fait de la contestation  son  cheval  de bataille, il a une vie militante. Cet homme de teint noir est certes d’un commerce facile et ouvert à la discussion, mais il ne lâche pas les acteurs politiques d’une semelle. Grâce aux radios locales, Diomaye, comme l’appellent affectueusement ses amis et proches, a fini par acquérir une notoriété, à force de se faire distinguer par des sorties fracassantes contre le Conseil municipal et la coalition au pouvoir (Benno Bokk Yaakaar).

Mais ses interventions régulières ne sont pas sans conséquence. En politique, quand on donne des coups, il faut s’attendre à en recevoir. Ainsi  ses adversaires  le qualifient-ils souvent de personne téméraire, belliqueuse, impulsive etc.  Mais Mamadou Dioum lui, n’en a cure. Il  refuse  de changer de fusil d’épaule.

Moussa Diaw Dieng, l’ancien président de l’Organisation nationale de coordination des activités de vacances (ONCAV), le dépeint d’ailleurs comme un homme qui se donne à fond, porté par ses convictions. Ainsi son ‘’excès d’engagement’’ lui a déjà valu deux arrestations. En janvier 2012, pendant la période préélectorale,  l’ancien élève du lycée d’enseignement général de Diourbel  a été arrêté deux fois en une semaine.  

La première a eu lieu le 21 janvier 2012 devant le Palais de la République. Ce jour là,  Mamadou Dioum et  cinq autres  jeunes du parti Rewmi (Thierno Bocoum, Ndiassé Mbengue, Moussa Thiombane, Bacary Faty  et Amadou Sidibé)  étaient partis au Palais pour exiger le départ de Maître Abdoulaye Wade, ancien président de la République du Sénégal dont ils jugeaient illégale la candidature à un troisième mandat. Ils seront libérés après 24 heures de garde à vue.

Cette première interpellation n’a nullement ébranlé cet enseignant du collège d’enseignement moyen (CEM) Keur Gou Mack de Diourbel. Il récidivera quatre jours plus tard, le 26 janvier 2012,  en se présentant à la place de l’Obélisque (aujourd’hui Place de la Nation) pour  protester  à nouveau contre la validation de  la candidature de Me Wade. Diomaye  est encore arrêté et  gardé à vue au Commissariat central de Dakar. Placé sous mandat de dépôt pour voie de fait et destruction de biens appartenant à autrui, il  a séjourné  à la Maison d’arrêt et de correction de  Rebeuss  pendant  une semaine avant d’être relaxé par le Tribunal hors classe de Dakar. 

L’homme est également actif dans  le mouvement associatif, particulièrement le championnat populaire appelé ‘’Nawétane’’, où il a gravi tous les échelons avant  de se faire exclure. Une preuve, s’il en est, qu’il n’a pas que le maire comme adversaire.

Oumar Bayo (Diourbel)

Section: