Publié le 10 Jan 2020 - 00:30
MAMADOU MBODJ DIOUF, MEMBRE DU BP DU PS

‘’Le constat d’un calme plat est le sentiment le mieux partagé au PS’’

 

Le Parti socialiste survivra-t-il à Ousmane Tanor Dieng, comme cela a été le cas avec les départs de Senghor et de Diouf ? En tout cas, depuis la disparition de son défunt secrétaire général, c’est silence radio. Selon le membre du Bureau politique du PS, Mamadou Mbodj Diouf, c’est le calme plat dans le parti. Dans cet entretien avec ‘’EnQuête’’, le coordonnateur du Projet de modernisation des Daara secoue l’instance dirigeante du PS pour une remobilisation de la base, avant de s’épancher sur les sujets brûlants de l’actualité.

 

Comment se présente le PS, après le décès de son secrétaire général Ousmane Tanor Dieng ?

Le Parti socialiste a traversé une longue période de deuil, tant la disparition de notre regretté secrétaire général a surpris. Dans la pratique, rien ne devrait changer dans le fonctionnement des instances et la vitalité du parti. Je suis de ceux qui avaient rejeté très tôt la vacance du Secrétariat général, pour affirmer que la première adjointe au secrétaire général, en l’occurrence la camarade Aminata Mbengue Ndiaye, assurait la suppléance. Il faut dire que l’organisation du parti est telle qu’aucune vacance, à quelque niveau que ce soit, ne devrait être ressentie. Mais je crois qu’aujourd’hui, le constat d’un calme plat est le sentiment le mieux partagé par les militants !

Justement, on n’entend plus le parti sur certains sujets d’actualité et ses instances ne se tiennent plus régulièrement, comme ce fut le cas sous Tanor. Le parti n’est-il pas en train de sombrer dans une léthargie ?

Effectivement, ce sentiment de vacuité se ressent, donnant l’impression que l’on se cherche encore. Il faudrait mettre cet état de fait dans le lot des conséquences des changements brutaux qui sont intervenus à la tête du parti. Cela devra nécessiter un certain temps d’adaptation avant que les choses ne se remettent vraiment en place. Comme le dit l’adage, ‘’tout changement est difficile au début, compliqué au milieu et magnifique à la fin’’ ! On a tenu une seule réunion du Bureau politique en six mois, et les autres instances n’ont pas assez pris le relai pour répercuter jusqu’aux militants de la base. Gageons que la direction du parti saura entendre cette plainte aphone émanant de la base pour créer l’impulsion nécessaire à la remobilisation et à la reprise des activités. Il y va de notre survie et de notre apport à la coalition BBY.

Pensez-vous que l’actuelle secrétaire générale, Aminata Mbengue Ndiaye, soit à la hauteur pour présider aux destinées de ce parti historique ?

Il faut dire que, pour nous socialistes, remplacer Ousmane Tanor Dieng n’est pas chose aisée. C’était un leader d’une générosité exceptionnelle et qui avait le dos suffisamment large pour supporter tout le monde, sans jamais rechigner. Une impréparation à l’assumation de telles responsabilités peut justifier une atonie dans la redynamisation des instances du parti. Le rôle premier du leadership est d’influencer les autres individus pour atteindre des objectifs et de créer un climat favorable à impulser une dynamique capable de mobiliser tous les éléments constitutifs de l’organisation. Notre secrétaire générale par intérim, la présidente Aminata Mbengue Ndiaye, a fait ses preuves en tant que présidente du Mouvement nationale des femmes socialistes pendant presque trois décennies. Sa loyauté et sa fidélité vis-à-vis de notre regretté SG Ousmane Tanor Dieng n’ont jamais vacillé, ni souffert de doute.

Toutefois, en sa qualité de secrétaire générale par intérim, on a besoin de la sentir plus accessible et ouverte aux militants. La qualité première d’un SG du Parti socialiste est avant tout de savoir ouvrir sa porte et de porter une oreille attentive aux militants. Les chantiers sont nombreux, d’ici le prochain congrès. La poursuite et le suivi du processus de renouvellement des instances du parti, la remobilisation des militants à la base aux quatre coins du pays et l’encadrement des activités du parti sont autant de défis à relever pour rassurer les militants quant à ses dispositions à replacer le Parti socialiste à bonne place sur l’échiquier politique national. On assume les charges de secrétaire général du Parti socialiste pour le meilleur. Pour autant, il ne faudrait pas se garder de gérer le pire. L’un ne peut jamais aller sans l’autre.

La situation du pays est marquée par une tension sociale née de la hausse des prix de l’électricité. Quelle appréciation faites-vous de la situation ?

Ce semblant de tension sociale est orchestré par une société civile politisée qui fait feu de tout bois et cherchant à damer le pion à l’opposition traditionnelle devenue aphone à force d’insuccès auprès des Sénégalais. Il faut dire que l’électricité étant un service de première nécessité, une hausse de prix ne peut pas être perçue comme une bonne nouvelle. Cela va de soi ! Mais il faudrait voir cette hausse de prix sous l’angle coût/avantage.

En effet, s’il faut augmenter pour mieux assurer une meilleure qualité de service ou pour éviter des délestages qui avaient disparu de notre langage courant, pourquoi pas ? Maintenant que cette augmentation ait été faite de manière préférentielle en évitant au mieux de toucher les couches les plus vulnérables des consommateurs, à savoir celles concernées par la tranche sociale, l’investissement subséquent devrait permettre utilement à un plus grand nombre de Sénégalais de bénéficier de l’électricité.  

Avant l’électricité, certains produits comme le ciment, par exemple, ont connu une hausse. Finalement, est-ce que l’opposition, qui avait prédit cette situation à la veille de la Présidentielle de 2019, n’a pas eu raison sur le régime ?

Il faut remettre chaque chose dans son contexte. La hausse de l’électricité s’explique non pas par un souci d’appliquer une vérité des prix, car l’Etat s’est toujours efforcé de faire le choix du maintien du prix de l’électricité durant presque une décennie, mais plutôt par un choix d’investissement pertinent.  Pour le cas du ciment comme vous le dites, l’opposition ne fait preuve d’aucun génie en prédisant une hausse éventuelle du prix. Il faut plutôt voir que les grands travaux en cours un peu partout, notamment en génie civil, créent forcément une hausse de la demande en matériaux de construction face à une offre limitée. La conséquence naturelle est une augmentation des prix.

N’y a-t-il pas risque de hausse des autres denrées, surtout de première nécessité, dans un contexte mondial marqué par la hausse du baril du pétrole liée à la situation qui prévaut dans le Moyen-Orient ?

Effectivement, des facteurs exogènes peuvent bien et doivent normalement avoir des conséquences immédiates sur les prix des denrées qui en dépendent. C’est le cas du pétrole dont la volatilité est susceptible d’impacter le niveau de vie dans la plupart des pays. Toutefois, il faut saluer les efforts de l’Etat qui, jusque-là, est parvenu à minimiser ces impacts. Gageons que cela sera le cas encore pour longtemps.

Globalement, comment appréciez-vous la situation économique du pays ?

Avec un taux de croissance qui environne les 7 % avec des prévisions haussières, un déficit budgétaire assez maîtrisé et autour de 3 % du PIB, une inflation restée faible pour un taux de 1,7 % et qui permet de préserver le pouvoir d’achat des ménages, on peut dire que le Sénégal fait partie des bons élèves parmi les pays sur la voie de l’émergence. Si on ajoute aux perspectives de rentabilisation des ressources pétrolières et gazières nouvellement découvertes, une notation assez favorable et en progression des agences de notation ne peut que confirmer une situation économique maîtrisée et bien contrôlée.

Selon vous, est-ce que les perspectives sont bonnes ?

Le doute n’est pas permis, si l’on est de bonne foi ! Toutefois, ces perspectives heureuses ne doivent pas nous gargariser. Ces efforts doivent être maintenus, voire augmentés. Cela prouve que les résultats escomptés avec la mise en œuvre du PSE, et notamment les perspectives du Plan d’actions prioritaires 2019-2023 (PAP2), pourraient bientôt nous amener à rentrer dans la catégorie des pays comptabilisant un taux de croissance à deux chiffres.

Lors de la conférence de presse qui a suivi le discours du Nouvel an du président de la République, il a surtout été question du mandat du chef de l’Etat. Macky Sall entretient toujours le flou sur un probable troisième mandat. Qu’en pensez-vous ?

Personnellement, je suis contre la limitation des mandats présidentiels. Le jeu démocratique devrait normalement créer ses propres instruments de censure ou de permettre de perpétuer l’œuvre d’un pouvoir qui répond parfaitement aux attentes de son peuple. Je préfère aborder la question, non pas sous l’angle d’un troisième mandat du président Macky Sall, mais plutôt sous celui de la perpétuation de la gestion de la coalition BBY et de la majorité présidentielle. Nous socialistes, nous prônons la logique politique des grands ensembles qui veut que seules les coalitions peuvent maintenant gagner une élection. Nous devons donc être prêts à investir le candidat qui a les meilleures chances pour faire gagner notre coalition. Je milite pour que BBY choisisse un candidat issu des rangs du Parti socialiste. Sinon, toute candidature consensuelle de BBY qui pourrait nous donner une victoire certaine sur l’opposition m’agrée sans exception.

Comment appréciez-vous sa réponse quand il déclare que s’il dit qu’il ne va plus se présenter, personne, dans son gouvernement ne va plus travailler, et s’il dit oui, il y aurait beaucoup de bruit ?

Le président a bien raison de le dire, qui plus est, cela pourrait installer une situation d’instabilité et d’insécurité dommageable à une gouvernance vertueuse. Il est de sa responsabilité de faire travailler sereinement son gouvernement. Il doit être davantage préoccupé par l’objectif de faire un excellent bilan, que de passer son temps à parler de la prochaine élection, s’il veut rester un homme d’Etat et non juste un homme politique.

Le président n’est-il pas en train de faire dans le clair-obscur ?

Un opposant politique peut le penser à juste raison ! Je pense surtout qu’il s’assume et affirme par là sa responsabilité de conduire aux destinées du Sénégal.

N’est-il pas en train de préparer le peuple à un forcing ?

Le peuple sénégalais est mature et le Sénégal est une démocratie mûre. Ce peuple est donc capable d’élire son président ou de sanctionner démocratiquement un candidat qui n’inspire pas sa confiance, et tout cela à partir des urnes.

PAR ASSANE MBAYE

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