Publié le 1 Mar 2016 - 17:53
MAME MBAYE NIANG, MINISTRE ET MEMBRE DE LA DIRECTION DE L’APR

‘’Nous n’avons pas de leçon de morale à recevoir de certains leaders de l’opposition’’

 

Il n’est ni le ministre de la République le plus âgé ni le plus gradé du gouvernement, mais sa parole qui prend souvent sa source dans les allées du pouvoir donne à son discours une tonalité particulière. Mame Mbaye Niang, également membre de la Direction de l’Alliance pour la République (Apr) vide son sac dans cette interview qu'il a bien voulu nous accorder. Dans un contexte de référendum fort chargé, il défend bec et ongles le Président Sall tout en chargeant durement certains leaders du Front  Niani Bagn na (Ndlr, Front du refus). Les accusations sont frontales et le ton tranchant.

 

Beaucoup de gens pensent qu’il n’est plus utile d’organiser un référendum, étant entendu que le texte a été vidé de sa substance, l’actuel mandat en cours du Président...

Ce ne sont pas beaucoup de personnes qui pensent que ce n’est pas utile d’organiser un référendum présentement. Ce sont des responsables de l’opposition qui ont accès aux médias, qui donnent l’impression de représenter les populations, qui le pensent. La nuance me semble importante et il ne faut pas généraliser. Mais ils sont dans leurs droits et les réformes qu’ils sont en train de combattre consolident leur pouvoir en tant qu’opposants.

Ce sont des leaders de partis politiques représentant une opinion significative de la société…

Oui, ce sont effectivement des leaders politiques, des leaders de partis politiques, ou de supposés membres de la société civile qui ne veulent pas s’assumer comme politiques. Mais, ils ne représentent pas la majorité des Sénégalais. Ils sont investis peut-être de responsabilités politiques, mais en dehors de ça, ils ne représentent pas la majorité des Sénégalais. La majorité, ce sont les urnes qui l’indiquent. Et puis quand vous dites que le texte soumis au référendum a été vidé de sa substance, là, je ne suis pas d’accord. Car, le mandat de cinq ans n’a pas été supprimé des réformes. Le quinquennat figure sur les propositions. C’est l’applicabilité du quinquennat au mandat en cours qui a été mise hors de portée. Donc, le mandat présidentiel ramené à cinq ans existe bel et bien dans le projet de réforme. Et je ne pense pas que les 15 points de réformes puissent être annihilés par le mandat en cours. On a parlé de 15 autres points. C’est une disposition transitoire qui a été soustraite par rapport à notre Constitution actuelle.

Aujourd’hui, quelle pertinence il y a à organiser un référendum. Une réforme simplement de plus alors que les priorités sont ailleurs ?

Il faut méconnaître l’histoire du Sénégal pour développer ces idées. La Constitution du 26 août 1960 donnait un mandat de sept ans au président de la République, la Constitution du 7 mars 1963 un mandat de 4 ans. La révision constitutionnelle de 1967 instaure à nouveau un quinquennat. C’est la loi constitutionnelle n°67-32 du 20 juin 1967. La révision constitutionnelle de 1991 ramène le septennat. La révision du 22 janvier 2001 restaure le quinquennat. La révision constitutionnelle de 2008 restaure le septennat et le projet de révision de 2016 restaure le quinquennat et le verrouille totalement. C’est-à-dire, la durée du mandat du président devient intangible. On ne peut pas laisser le Sénégal continuer définitivement, d’ici 100 ans, ce jeu de yoyo constitutionnel. Il faut donc régler le problème à la source. Si le Oui l’emporte, ce problème sera définitivement réglé.

On peut vous rétorquer que l’argent que vous allez dépenser aurait pu servir à régler des problèmes dont celui de l’emploi ou les domaines agricoles prioritaires, par exemple…

Je suis partiellement d’accord mais il faut savoir que la démocratie a un coût. Vous ne pouvez pas ne pas constater avec moi que ça règle définitivement un problème causé depuis l’Indépendance. Je viens d’énumérer toutes les révisions constitutionnelles qui ont eu à coûter de l’argent au contribuable.  Mais, à partir de cette année, elles ne vont plus rien coûter puisqu’il appartient au peuple de verrouiller définitivement le mécanisme. Pour consolider notre démocratie, la Constitution ne devrait pas être tout le temps accessible aux hommes politiques.

On insiste, ces consultations vont coûter plus cher qu’un Domaine agricole communautaire dont vous avez justement la charge en tant que ministre.

Un domaine agricole communautaire coûte environ 7 milliards. Mais, cela règle seulement  le problème de 27 mille Sénégalais. Mais, ce référendum règle le problème de 14 millions de Sénégalais et de façon définitive. Faire ce référendum règle le problème de 14 millions de Sénégalais à stabiliser nos institutions, à avoir un Etat et à consolider aussi notre démocratie. On ne parle que du mandat. Les autres points, on n’en parle pas. Pourtant les réformes annoncées intègrent les devoirs des citoyens, on parle de la capacité des émigrés de désigner leurs propres représentants à l’Assemblée nationale. On évoque aussi des pouvoirs plus étendus à l’Assemble nationale. C’est vrai que les députés contrôlent le gouvernement, mais à partir de maintenant, ils auront la possibilité d’évaluer les politiques publiques. Ça, ce sont denouvelles compétences. Vous allez voir aussi que l’Assemblée nationale pourra convoquer de façon claire et constitutionnelle le Premier ministre ou le gouvernement pour qu’ils répondent aux questions d’actualité et exiger des réponses. Ce sont des dispositions qui consolident notre démocratie.  Mais les gens en font abstraction.

Les arguments que vos pourfendeurs avancent peuvent avoir une certaine pertinence lorsqu’ils disent par exemple que votre leader a fait du ‘’wax waxeet’’…

J’avais décidé de ne plus en parler, parce que pour moi, cette question a été définitivement réglée. Le Président ne s’est jamais dédit ou renié. Il a pris des engagements et il a usé de l’ensemble des dispositions constitutionnelles pour respecter son engagement. Il a soumis l’applicabilité de la réduction de son mandat au Conseil constitutionnel qui a dit le droit. Maintenant, est-ce un avis ou une décision ? Je ne vais plus rentrer dans ce débat-là.

Les gens disent que s’il le voulait réellement, il aurait pu…

Comment aurait-il pu ? En nous léguant nous un pays où il y aurait une jurisprudence Macky Sall avec la possibilité que quelqu’un d’autre vienne étirer son mandat sur 20 ans. Ils ne pensent même pas aux générations futures. Ils ne pensent pas consolider les acquis démocratiques. Barack Obama ou n’importe quel président d’un pays démocratique n’oserait le faire. On me dit qu’il aurait pu passer par l’Assemblée nationale. Mais comment est-ce que des députés peuvent se réunir pour réduire un mandat d’un Président ? Comment des députés peuvent se réunir et décider de la durée d’un mandat du Président ? Je pense que c’est irresponsable de le dire.

Ne craignez-vous pas que cette tournure visiblement morale des débats prenne le dessus sur les contenus des réformes que vous annoncez ?

Moi, je serais touché si les gens qui animaient ce débat-là jouissaient de crédibilité. C’est une chose. Deuxièmement, ils ne peuvent pas apporter un argumentaire sérieux, crédible pour dire que le Président Macky Sall s’est dédit. Il est allé jusqu’au bout de sa logique. Il a proposé et le Conseil constitutionnel qui a dit le droit a rendu une décision.  Les prochaines consultations règlent ces problèmes-là. Le régime des avis et décisions figure dans le texte soumis au référendum. Même le problème auquel le Président Macky Sall est confronté sera dépassé car à partir du prochain référendum, si la majorité l’emporte, le Conseil constitutionnel va pouvoir donner des avis.

Cela figure dans les réformes mais on n’en parle pas. On veut nous camper dans le débat de l’applicabilité en omettant les 14 autres points qui ne font que consolider notre démocratie. Ces 14 autres points ne renforcent en rien les pouvoirs du président de la République. Ces 14 autres vont dans le sens de donner à l’Assemblée nationale, aux citoyens, des droits, des possibilités plus intéressantes. Et même à la justice. Ces soi-disant juristes font abstraction de ces réalités-là. Et ce sont des juristes de quoi ? Des juristes politiques, des juristes qui animent des débats politiques, des partis politiques ? Mais nous avons compris. Nous aussi avons la responsabilité de défendre notre position.

Les 45 signataires du Manifeste sont quand même des enseignants à l’université de Dakar qui sont connus et qui enseignent.

Ce qu’on ne dit pas, c’est que c’est vrai que ce sont des enseignants mais ce sont aussi des responsables de partis politiques de l’opposition. Ils se réfugient derrière des casquettes d’universitaires mais ce sont des politiques.

Venant donc de quels partis exactement ?

Mais l’UDF est dirigée par un professeur de l’université. Un secrétaire général d’un parti de l’opposition qui a décidé d’être dans l’opposition, qui a créé un parti politique pour briguer le suffrage des Sénégalais. Quand ça l’arrange, il donne une position universitaire. Et il devient politique lorsque la situation n’est pas favorable. On ne sait pas où il se situe. Et vous pensez que c’est sérieux ?

Il est sans doute le seul nom que vous pouvez citer ?

Mais non. Il y a un autre professeur qui usurpe son nom. Il accepte qu’on l’appelle professeur alors qu’il n’a jamais été professeur, il n’est qu’un maître assistant. Mais il se réclame professeur de droit. Il était directeur de cabinet de Cheikh Bamba Dièye. Vérifiez. Il est signataire. Donc, on a un secrétaire général de parti politique de l’opposition, un ancien directeur de cabinet membre connu d’un parti politique dirigé par Cheikh Bamba Dièye, ceux qui étaient avec nous et qui ont quitté pour des raisons qui leur sont propres et qui sont d’ordre personnel. Ils animent des positions universitaires sur la base de… (Il ne termine pas la phrase). La crédibilité de ce papier aujourd’hui, on ne peut pas en discuter. On ne peut pas occulter leurs positions. Ils n’ont pas parlé en tant qu’universitaires, ils ont parlé en tant qu’hommes politiques qui veulent briguer les suffrages des Sénégalais.

Mais les arguments qu’ils avancent sont des arguments de droit

Les arguments qu’ils donnent sont des arguments politiques mais habillés avec une argumentation de droit. Je ne pense pas qu’un juriste normal sérieux puisse aller de façon aussi légère à l’encontre d’une décision du Conseil constitutionnel. Les membres du Conseil constitutionnel sont des personnalités crédibles. Et des secrétaires généraux de partis d’opposition, parce qu’ils sont enseignants à l’université, vont se réfugier derrière leurs robes universitaires pour donner des positions politiques. Personne n’est dupe ! A nous d’avoir plus de détermination.

Ils ne sont pas les seuls. D’éminents leaders de l’opposition vous font face ! Le Front est assez costaud ! Non ?

Mais ces gens qui nous parlent d’éthique et de morale, je voudrais bien qu’on me dise qui ils sont. Vous pensez qu’Idrissa Seck peut aujourd’hui me parler de morale. Et vous pensez que le fait qu’Idrissa Seck et Me Mame Adama Guèye se retrouvent autour de la même table ne pose pas problème ? Une personne qui est accusée d’avoir pris 74 milliards Cfa.

Accusation pas encore prouvée

Accusation pas fondée avec des copies de chèques ? Mais comment ? Ce que les gens ne disent pas, c’est qu’il y a des éléments nouveaux dans ce dossier. Les gens ont la traçabilité de certains fonds avec une banque belge. Il y a la traçabilité d’actions achetées au niveau de bourses américaines. C’est à coups de milliards de francs Cfa ! Je crois que le Forum civil n’est pas cohérent sinon il n’aurait jamais accepté d’être sur la même table qu’Idrissa Seck sans avoir éclairé ce problème. 

Les gens peuvent vous rétorquer pourquoi c’est seulement maintenant que vous en parlez ?

Non, ce n’est pas seulement maintenant qu’on en parle, c’est peut-être maintenant qu’on nous entend. Vous parlez de crédibilité, mais pourquoi vous ne vous interrogez jamais sur le fait que c’est Idrissa Seck qui a dit à la face du monde que ce serait une double abomination de retrouver Wade. Pourtant il l’a fait. La seule raison qui motive aujourd’hui son combat, c’est qu’il avait dit qu’il prendrait sa retraite politique à 63 ans. Malheureusement pour lui, ses 63 ans, c’est en 2017. Vous comprenez !

Vous ne faites pas trop focus sur Idrissa Seck. On a l’impression qu’il est le seul opposant qui vous intéresse ?

Non, il n’est pas le seul. Il y a aussi Me Mame Adama Guèye. Les gens de ma génération lui demandent leurs 25 francs et 100 francs. Je rappelle qu’en 1990, il était dans une Commission qui avait décidé de vendre, pour soutenir l’équipe du Sénégal, des calendriers des matches à cent mille élèves sénégalais. Cet argent-là, on ne sait pas où il est passé. Est-ce que cette personne peut nous parler d’éthique ?

Avez-vous la preuve de ce que vous affirmez ?

Vous êtes journaliste, allez chercher ! C’est dans un rapport en 1991 de la Cour des comptes de l’époque.

On a l’impression que vous avez confectionné un dossier sur vos adversaires

Mais non, nous n’inventons rien ! Parlons d’Oumar Sarr. Quelle leçon devrait-on attendre d’un homme qui prend une maison de l’Etat, qui le loue à un privé et qui perçoit des loyers à la fin de chaque mois. De quelle crédibilité peut se réclamer un tel homme ? Pour moi, ce front ne peut pas s’appeler Front du refus… Et leurs discours ne sont pas pour l’intérêt commun mais servent leur intérêt personnel…

A supposer que malgré tout, le ‘’Non’’ l’emporte, comment allez-vous prendre cela ?

Je voudrais d’abord dire que nous défendons une cause, une vision. Le président de la République a été élu sur la base de cette vision et nous avons l’obligation d’expliquer aux Sénégalais le contenu des réformes qui nous semblent utiles pour le pays. Nos adversaires nous disent que nous n’avons pas assez consulté les gens. Mais tout le monde sait que les 90% des réformes proviennent de la CNRI avec Amadou Makhtar Mbow qui a sillonné le pays.

Malgré ces arguments, si au soir du référendum vous mordez la poussière, est-ce que ça sera la fin du monde ?

 Moi, je fais nettement la différence entre ce débat artificiel entretenu par des gens et les réalités. Notre priorité, c’est de régler les problèmes des Sénégalais. Voilà des gens qui n’osent plus nous attaquer sur un bilan. Ils ne parlent plus de réalisations.  Parce qu’il y a des réalisations notoires qui sont en train d’être faites. Le Pds qui se faisait un slogan avec les infrastructures, en trois ans, nous avons fait trois fois ce qu’ils avaient fait en 12 ans. En 12 ans, Abdoulaye Wade a construit 12 ponts et nous, en trois ans, on en  a construit neuf. Si on passe aux rapports, les routes en termes de kilomètres, nous les battons. La demande sociale, nous les dépassons. Trois cent mille familles sénégalaises bénéficient de la bourse de sécurité familiale.

Ce ne sont pas que des mots. Ces Sénégalais qui vivent ces réalités ont une position très différente, de ce club de personnes qui ont toujours vécu sur le dos des Sénégalais et qui entretiennent une polémique parce qu’ils ont été dépossédés de privilèges indus. Ils ne peuvent pas emporter la majorité. C’est une réalité que nous vivons. Nous nous sommes toujours référés à Dieu. Nous sommes des croyants. Nous allons faire notre devoir, sensibiliser les populations, leur montrer les acquis démocratiques qui figurent au niveau de la réforme et, surtout, les convaincre de ne pas suivre ces gens-là qui, de par leur existence, de par leur cursus, ont fini de prouver qu’ils ne sont animés que par des intérêts personnels.  

C’est gênant de le dire, il y en a parmi eux qui sont en train même de monnayer le gaz et le pétrole qu’on a découvert au Sénégal. C’est vrai et il faut le dire. Nous avons un Etat, nous avons des amis et  nous avons plus d’amis qu’eux. De par les fonctions que nous occupons, comment est-ce qu’un homme de l’opposition peut aller voir des consortiums pour leur demander de l’argent pour faire campagne, en échange du pétrole ou du gaz qui a été découvert  au Sénégal ?

Que pensez-vous de la sortie de Imam Mbaye Niang et de la réplique de Moustapha Diakhaté ?

Je préfère ne pas répondre à cette question.

Pourquoi ?

Je préfère ne pas y répondre.

 

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