Publié le 2 Dec 2019 - 21:18
MANIFESTATION DE GUY MARIUS SAGNA DEVANT LES GRILLES DE LA PRESIDENCE

La tentation de la bunkérisation

 

Si, à l’Assemblée, les députés de la majorité ont été très remontés contre la manifestation de Guy Marius Sagna devant les grilles de la présidence vendredi dernier, au palais, on n’est pas embarrassé. L’avenue Roume ne trouve rien d’extraordinaire à l’acte posé par l’activiste et ses camarades contestataires. ‘‘L’acte de Guy ne relève pas de l’audace, mais d’une irresponsabilité illimitée’’, a déclaré une source proche du palais.  Un acte qui risque grandement de raffermir les restrictions dans la zone de l’avenue Roume.

Il nous revient que l’intrusion de Guy Marius Sagna pourrait avoir comme conséquences de donner raison à ceux qui pensent que le palais devrait être une zone d’exclusion interdite à la circulation piétonne. Ce contre quoi le président Sall s’est toujours opposé, estimant qu’une ouverture démocratique et un rapprochement populaire sont toujours préférables à une tour d’ivoire. ‘‘Guy Marius Sagna savait très bien que les gardes allaient jouer le jeu et n’oseraient pas user de leurs armes, et il en a profité. On est tous d’accord sur le principe de la liberté, mais il faut de la responsabilité. Cet acte vient apporter de l’eau dans le moulin de ceux qui pensent qu’on doit fermer le palais à la circulation’’, se plaint-on à l’avenue Roume.

 Au palais, l’activiste est vu comme un contre-modèle dont le ‘‘courage est un simple abus de la liberté, car il est facile d’être courageux quand on est protégé par les lois et règlements qu’on bafoue’’. Cet acte est attentatoire à l’image du Sénégal et à la viabilité des libertés. La source n’a pas hésité à rappeler les efforts que Macky Sall a dû déployer pour tirer d’affaire les membres de Y en a Marre, en 2015, au Congo où le mouvement de la société civile, en association avec Filimbi et le Balai citoyen, était en délicatesse avec la justice congolaise.

‘‘Il a fallu que Y en a marre aille jusqu’au Congo pour comprendre les vertus d’une société ouverte’’, fait-on remarquer. D’ailleurs, à l’avenue Roume, on se félicite de la particularité sénégalaise, assimilable aux démocraties occidentales, qui consiste à ne pas faire de ce lieu un blockhaus imprenable et inapprochable. ‘‘En Afrique, on ne s’approche pas des palais bunkers, parce que la sécurité tire à vue. En Europe et en Amérique, on passe devant sans oser profaner le plus grand symbole de la nation. Au Sénégal, les activistes profitent des pouvoirs de la liberté d’une grande démocratie sans en assumer la responsabilité’’, regrette la source.

 Elle avance qu’il faut éviter tout triomphalisme populiste et condamner à l’unisson cette atteinte à l’institution. ‘‘C’est pourquoi, majorité, opposition, société civile et citoyens ordinaires doivent dénoncer cette irresponsabilité, surtout dans un contexte mondial de lutte contre le terrorisme où, dans beaucoup de démocraties, la liberté a été sacrifiée à l’autel de la sécurité et le Sénégal est l’une des rares exceptions où on jouit encore pleinement des deux’’.

Seul point qui contrebalance la ‘‘profanation’’ de l’institution ce vendredi, les retombées diplomatiques du document administratif accordé à l’intellectuel camerounais qui rehaussent l’image du ‘’pays de la Téranga’’. ‘‘Après avoir l’honneur de recevoir le passeport diplomatique sénégalais, Achille Mbembe a qualifié le Sénégal de ‘seule société ouverte’ en Afrique’’. 

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