Publié le 12 Oct 2020 - 18:12
MARCHE PACIFIQUE DOYNA

Les Sénégalais appellent au respect de leurs droits

 

La plateforme Doyna a organisé une marche, samedi, pour rendre audible les difficultés de bon nombre de citoyens sénégalais. Ses membres entendent continuer le combat pour la résolution des problèmes des 20 collectifs participants.

 

Une vingtaine de collectifs se sont donné rendez-vous samedi à la place de la Nation, pour dire ‘’doy na’’ (ça suffit) à toutes les injustices subies au quotidien. Ces Sénégalais, derrière leur porteur de voix Guy Marius Sagna, ont, durant trois tours d’horloge, égrené le chapelet de leurs doléances.

En première ligne, les familles expulsées, le 30 septembre dernier, de Terme-Sud, qui réclament les maisons qu’elles ont habitées depuis plus de 40 ans. Sauf que, selon l’activiste, les choses prennent une nouvelle tournure, parce qu’un deal est en cours dans la sphère étatique. ‘’Les documents que vous voyez-là expliquent le silence du ministre Abdou Karim Fofana et du président Macky Sall. Ils émanent du ministère de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique et qu’en fait, Terme-Sud fait partie du programme ‘Zéro bidonville’. L’objectif est de bâtir des immeubles R+4. Ce projet va se dérouler en plusieurs phases et la première concerne les quartiers de Terme-Nord, Terme-Sud et Taïba à Grand-Dakar. Le gouvernement prévoit de construire 3 200 appartements de 120, 100, 75 mètres carrés à commercialiser’’, explique Guy Marius Sagna.

Il affirme que ledit ministère a opéré un recensement de tous les habitants du site. ‘’C’est cela la vérité. L’armée n’est qu’un prétexte. C’est plutôt un deal, car la Comico n’a que trois hectares. Pourquoi chasse-t-elle des populations sur 13 hectares ? En réalité, c’est ce projet de ‘Zéro bidonville’, de construction d’appartements qui se cache derrière tout ceci. C’est pour cette raison qu’on a chassé comme des malpropres 79 familles. Ce n’est pas normal, ça suffit ! Il faut que le ministre Abdou Karim Fofana nous donne des explications et nous exigeons la libération de Ndiogou Guèye, un militaire mis aux arrêts, parce qu’il a refusé de quitter sa maison à Terme-Sud’’, poursuit-il.

Il se trouve que le même scénario s’est produit le 15 août à la cité Claudel, à l’encontre de six familles d’anciens militaires sénégalais recrutés par l’armée française. ‘’On a été chassé de nos maisons par l’armée, sous l’ordre du général Birame Diop. Nous étions six familles. Donc, il y a eu moins de bruit. C’est l’armée française qui a octroyé ces maisons à nos pères. Abdoulaye Wade a donné des instructions au ministre d’alors pour qu’il nous donne des titres fonciers, afin qu’on soit propriétaire, mais rien n’a été fait.  Après le départ d’Abdoulaye Wade, l’armée a amené le dossier au tribunal. Après, on a eu raison. La justice a dit à l’armée qu’elle n’avait pas le droit de nous mettre dehors. Depuis 2020, l’armée n’a plus rien jusqu’à ce 15 août où elle nous a sortis de force et ce jour-là, mon père Babacar Sarr a perdu la vie, suite à un malaise’’, détaille Mamadou Lamine Sarr, fils de feu Babacar Sarr, ancien militaire.

Le collectif des habitants de la cité Claudel compte se battre pour récupérer ses maisons. ‘’On a toujours vécu là-bas, nos pères ont payé l’impôt pendant 35 ans. On entend des rumeurs selon lesquelles on a reçu 20 millions ; il n’en est rien. Qu’ils sortent juste nos titres fonciers. On ne va pas accepter les rumeurs. Je peux donner toutes les coordonnées du compte de mon père pour vérification. Nous n’avons rien reçu. On interpelle le président de la République ; qu’il prête attention à nos revendications’’.

La manifestation a également enregistré la participation des préparateurs en pharmacie. Ils se désolent du fait que depuis 10 ans, l’Etat ne recrute plus. ‘’Nous fustigeons le comportement de nos autorités sanitaires par rapport au recrutement des préparateurs en pharmacie dans les structures sanitaires et même dans les districts et postes de santé. Là où il y a le médicament, à part le pharmacien, c’est le préparateur en pharmacie qui devait être présent. Le médicament est une sorte de drogue et ce sont donc les gens qui en ont la connaissance qui doivent être dans ce milieu. Mais, à leur place, on utilise des gens qu’on a formés sur le tas. Le risque est là. Pour les enfants qui ont des maladies cardiaques, on n’a pas au Sénégal des doses usuelles. Seuls les préparateurs en pharmacie sont habilités à pouvoir faire une dilution et ramener la dose adulte à une dose enfant’’, indique le président de l’Association des préparateurs en pharmacie, Nouah Diédhiou.

Ses collègues et lui demandent, par ailleurs, la réouverture du concours à l’Ecole nationale de développement sanitaire et social. A ce jour, plus de 1 300 bacheliers de l’année 2019 ne sont toujours pas orientés et cette année, s’ajoute un total de 70 000 bacheliers. De l’avis de Guy Marius, il y a de quoi s’inquiéter pour ces derniers. Si les travailleurs de PCCI (centre d’appel) ont fini par avoir gain de cause, plusieurs autres réclament justice. C’est le cas de ceux de l’Aéroport bus service (ABS) chassés de leur lieu de travail depuis le 30 octobre 2016.

Ainsi, le membre du front anti-impérialiste Frapp, se demande si le Sénégal a réellement un ministre du Travail. ‘’Des travailleurs licenciés, des travailleurs victimes d’injustices, d’autres maltraités… Est-ce que le Sénégal a un ministre du Travail ? Ce ministre est membre du PIT et en plus de ça, c’est un parti qui se réclame du communisme. Mais jamais des travailleurs n’ont été aussi exploités aussi piétinés aussi maltraités qu’aujourd’hui où il y a un ministre communiste. C’est incroyable !’’, a martelé G. M. Sagna.

Dans ce tableau de revendications, les problèmes liés au foncier ont refait surface. Pour exemple, les habitants de Keur Moussa (département de Thiès) courent après 900 hectares de leurs terres, depuis des années. ‘’Un riche libanais s’est accaparé nos terres. On vivait sur ces terres, on cultivait paisiblement. Mais aujourd’hui nous n’avons plus rien. Cette superficie concerne trois villages et sept communes. Et cela s’est fait avec la complicité de nos autorités locales’’, fustige le porte-parole des habitants.

Les 150 familles expulsées de Kounoune Dalal Jamm réclament, pour leur, part justice.

Violences policières

 ‘’J’interpelle le ministre Aly Ngouille Ndiaye. On ne paie pas l’impôt pour se faire attaquer. On ne paie pas l’impôt pour se faire harceler, ni pour se faire tirer dessus. Les violences policières, ça suffit !’’, lance G. Sagna. Par la même occasion, il estime que le Sénégal a besoin d’une justice indépendante, tout en affirmant son soutien au juge Téliko. ‘’On marchera de nouveau. Il y aura d’autres manifestations. Les Sénégalais iront au ministère de l’Intérieur et au palais, parce qu’on ne peut pas accepter qu’on spolie nos terres. Je lance une campagne de boycott dans les entreprises qui piétinent les droits des travailleurs, de celles qui donnent nos forages à des privés. On va même passer à la grève de l’impôt et sachez que tout cela va impacter nos choix pour les Locales à venir. On ne va pas voter pour des gens qui nous arrachent nos postes, nos maisons et nos terres’’, a-t-il déclaré.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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