Publié le 23 Jul 2020 - 06:03
ME AUGUSTIN SENGHOR, MAIRE DE GOREE

‘’Si l’Etat ne nous aide pas, on aura des problèmes pour payer les salaires et entretenir l’île’’

 

Au niveau de la municipalité, l’on s’efforce d’assister la population. Toutefois, il n’y a aucune garantie que la situation pourra perdurer. Le maire en donne les raisons…

 

Comment se porte l’île de Gorée, depuis le début de la pandémie ?

L’île se porte bien sur le plan sanitaire. A ce jour, nous n’avons pas de cas déclaré positif à la Covid-19 à Gorée. On espère que cela va continuer ainsi. Mais c’est très difficile, d’un point de vue économique. L’île est fermée aux visiteurs, aussi bien nationaux qu’étrangers, depuis 4 mois. Toute la chaine touristique est affectée, aussi bien la liaison maritime Dakar - Gorée que la mairie, sans compter les opérateurs privés. C’est le contraste que nous vivons : une santé de fer combinée à une économie complètement affectée par la pandémie.

Combien de personnes dépendent du tourisme sur l’île ?

Nous avons 70 à 74 % de notre population qui travaille dans les différents secteurs du tourisme. Que cela soit dans le guidage, la restauration, la vente de produits d’arts, l’hôtellerie, etc. Et toutes ces personnes sont affectées par la situation actuelle.

Comment la municipalité parvient à tenir ?

La municipalité avait pris les devants pour veiller à ce que les populations ne soient pas privées de produits de base. Jusqu’à présent, tout a été bien géré à ce niveau. Mais la mairie est très affectée sur le plan budgétaire. La principale ressource de la mairie est la taxe de cession de services municipaux que payent les visiteurs. Cela nous rapportait 70 millions par an. Nous n’avons plus ces rentrées. Et si l’Etat ne nous aide pas, cela va être très difficile, à la fin de la saison. Cela va toucher les salaires du personnel, la gestion de l’île, la préservation de l’environnement et de la salubrité.

Quel est l’apport du gouvernement ?

Comme toutes les communes du Sénégal, nous avons reçu les kits alimentaires de l’aide d’urgence du gouvernement. La mairie n’avait pas attendue cela, en comptant sur l’aide de certaines entreprises partenaires, la ville de Dakar, la mobilisation des Goréens. Cela a permis d’assurer 5 distributions d’aides en attendant celle de l’Etat.  Nous espérons faire une nouvelle distribution de kits alimentaires après la Tabaski, car les ménages seront éprouvés par la préparation de la fête. A travers le crédit hôtelier, l’Etat souhaite accompagner les acteurs du tourisme. Les guides ont reçu leur soutien. Il reste la matérialisation de ceux des restaurateurs, des artisans et des hôteliers. Ce qui est en cours.

Qu’est-ce que cela vous fait d’être la commune qui ne compte pas de cas confirmé de malade du coronavirus ?

C’est une satisfaction, car nous nous sommes battus pour cela, en prenant des dispositions pour y arriver. En même temps, c’est une lourde responsabilité. On sait qu’il sera difficile de maintenir notre île à l’abri de cette pandémie, avec la levée de l’état d’urgence et du couvre-feu, la réouverture des écoles, les visites professionnelles, etc. Les risques sont plus intenses. C’est pourquoi nous dévons rester lucides et ne pas oublier que nous faisons partie d’un pays. On ne sait pas de quoi demain sera fait, mais nous nous battrons pour rester indemnes, le plus longtemps possible, face à cette pandémie. Les Goréens se sont sacrifiés et ont essayé, autant que possible, de respecter les gestes barrières et ont limité leurs sorties sur le continent, pour le bien de l’île.    

Quand est-ce que les visites reprendront sur Gorée ?

Il y a d’abord l’arrêté du ministre de la Pêche et des Transports maritimes qui n’a pas encore été levé. Même si la décision était prise de l’enlever, les visites reprendront progressivement. Nous sommes en plein été et si on ouvre brusquement, Gorée sera envahi par des milliers de visiteurs, avec tout ce que cela comporte comme risque de contamination à grande échelle. Il faudra respecter des mesures drastiques pour les personnes autorisées à venir. Peut-être des quotas de 500 ou 1 000 personnes tout au plus. Et la maitrise d’un protocole aussi bien sur l’île qu’à l’embarcadère.

Qu’est-ce que vous avez appris de cette crise ?

J’ai été rassuré sur la capacité de résilience de nos populations. Les Goréens ont compris que l’on ne pouvait résister à cette pandémie qu’en travaillant ensemble. Spontanément, des jeunes volontaires se sont mobilisés pour mener le combat aux côtés de la mairie, en s’attelant à la collecte des denrées, la distribution, la sensibilisation, etc. C’est important de magnifier leurs actions. Le futur économique de l’île doit aussi prêter à réfléchir, car ne dépendre que du tourisme peut nous rendre vulnérables lors de situations pareilles, de sorte que nous devrons penser à diversifier nos activités économiques. Ce sera notre défi des prochaines années et la municipalité va repenser sa politique économique. 

Lamine Diouf

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