Publié le 16 Mar 2015 - 18:38
ME BASSIROU SAKHO (AVOCAT A LA COUR)

‘’La  loi  antitabac  a  des  tares  congénitales ‘’

 

Votée le 14 mars 2014, la loi antitabac tarde à être appliquée. Un blocage  dû selon Me Bassirou Sakho à l’ambiguïté de la dite loi mais aussi au silence des autorités.

 

Depuis son vote le 14 mars 2014 et sa promulgation le 28 du même mois par le président de la République, la loi antitabac tarde à être appliquée au Sénégal. Rien n’a bougé après un an. Ce qui a fait dire hier,  à l’avocat  Me Bassirou Sakho au cours d’un atelier de partage avec les journalistes que  « lorsqu’une  loi  n’est  pas  claire,  son  application  pose  problème »  et  le  juge  dans  son    office  a  du  mal  à  avoir  une position  tranchée.  ‘’La loi antitabac a des tares congénitales qui constituent sa faiblesse. Le Sénégala ratifié en 2004 la  convention  cadre  de l’OMS et  s’était  engagé  à  transposer  les  dispositions  internationales  dans  son  dispositif  interne. C’est  déjà  à  ce  niveau  que  cette  loi  pèche parce  qu’on sent un  écart  important  par  rapport  aux dispositions  de  la  convention. Tant qu’il y a cette valse du juge par rapport à l’application des textes de loi ça pose problème’’, a soutenu Me Sakho.

D’après les explications de l’avocat à la Cour, il ressort que  si l’on  fait  une  étude comparative  entre  les  dispositions  de  la  convention  cadre qui  doivent  être reproduites  dans  la  loi  en  intégralité , l’on  note l’absence  d’un  seul  décret  d’application  depuis la  promulgation  de  la  loi.  ‘’Il  y a   un  an   jour  pour jour  qu’on  attend  encore  les  textes   réglementaires.

Cela  dépend  de la  pensée  et  de  l’esprit  du  législateur et  tant  qu’on  a   pas  ces  éléments  on  ne  peut  pas  de  façon  précise  et concrète appliquer une  loi’’, dit-il,  avant de citer en guise d’exemple, le point  portant  l’étiquetage  déterminé  par  l’article 6 alors que l’application est assujettie à un décret d’application.  Mais, ‘’on  n’a  pas  encore  ce décret  et  cela  freine  un  peu  l’application  de  cette  disposition   sur  le  conditionnement  et  l’étiquetage  Il  faudrait  que le  législateur  prenne des dispositions pour compléter  la  loi’’.

Silence des autorités  C’est le cas de la  publicité et de la  promotion car les  conditions  d’utilisation  des  panneaux  et  insignes  publicitaires   des  produits  relatifs  au  tabac  déterminées  par  l’article  9 restent encore floues .‘’Il  y a  un  vide  qui  devrait  donc  être  complété  par  le  législateur  et  qui  ne  l’est  pas. Il n’empêche que les  industries  du  tabac  font  l’effort  de se  conformer  à  cette loi .Même si  on  sait  qu’elles sont  en train  de  mener un lobbying.  Et  de   l’autre  coté  on  ne  sent  pas  la  volonté  du gouvernement d’appliquer cette  loi’’, a dénoncé Me Sakho.

Pour ce dernier le  dysfonctionnement  se situe  donc  du  coté  de  l’Etat du  Sénégal  mais aussi du coté  des organismes  qui  luttent  contre  le  tabac.  ‘’Une  loi,   quand  elle  n’est  pas   appliquée,    reste juste  une  intention,  je précise.   Mais cela ne  veut  pas  dire  que  la  loi n’est pas  applicable.  Depuis  qu’elle est  entrée   en vigueur  elle  l’est. Il  faut  des gardes  fous  pour  le  respect  des dispositifs pris  par  la  loi  et  du  respect  des  règles  qui  sont  édictées’’, conseille-t-il.

APPLICATION DE LA LOI ANTITABAC

9 décrets  et arrêtés à mettre en place

Le tabac constitue toujours un danger public. Il appauvrit les familles et fait perdre 23 milliards par an à l’Etat. Face à cette situation, l’application de la loi antitabac demeure une nécessité. Car selon le Professeur Abdoul Aziz Kassé président de la Ligue Sénégalaise contre le Tabac (LISTAB), la loi antitabac est d’une importance capitale.  Il y a dit-il, 9 décrets et arrêtés à mettre en place pour appliquer les cinq dispositions capitales de la loi.

‘’Il est de la responsabilité du gouvernement de mettre en application par des décrets les dispositions réglementaires qui ont été votées. La société civile ne peut pas se substituer à l’autorité, elle est juste une unité de veille. Nous avons écouté le gouvernement pendant un an et il n’y a pas encore un seul décret d’application ‘’, a déploré le Professeur Kassé. Selon ce dernier, il n’y a pas encore  de budget pour l’exécution de la loi. ‘’On n’est pas dans les dispositions affichées d’implémenter cette loi. La société civile se propose d’offrir son assistance pour aller vers cette exécution’’, a-t-il souligné.

En effet, dans ses cinq dispositions capitales, la loi interdit toute ingérence, elle interdit la publicité la promotion et les parrainages,  demande l’augmentation des taxes, interdit également de fumer en public, et conditionne les avertissements simples sur les paquets de tabac.

VIVIANE DIATTA

 

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