Publié le 12 Jan 2021 - 00:27
Me DOUDOU NDOYE, SUR LA CANDIDATURE DE MACKY SALL EN 2024

Le Conseil constitutionnel ne pourra pas la refuser 

 

L’ancien garde des Sceaux voit un scénario à la Abdoulaye Wade se représenter en 2024, si Macky Sall décide de se présenter pour la Présidentielle. 

 

Le président de la République aurait-il piégé les Sénégalais, lors des réformes constitutionnelles opérées en 2016 ? Sans l’affirmer, Me Doudou Ndoye semble le penser. Ces changements apportés à la loi fondamentale sénégalaise pour interdire un troisième mandat, l’avocat est d’avis que Macky Sall ne se les a pas appliqué en tant que chef d’Etat en exercice, au moment des modifications.

Hier, sur le plateau d’iRadio, l’ancien ministre de la Justice a soutenu que le président Macky Sall peut se présenter à la Présidentielle de 2024 : ‘’Aucune loi, aucune Constitution ne lui interdit d’être candidat. Tant que cette Constitution existe, personne ne pourra l’en empêcher.’’

Les principales mesures institutionnelles de cette révision constitutionnelle furent la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans à partir de 2019 et la précision sur le nouveau texte que ‘’nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs’’. Mais ce dernier point fait débat, depuis la réélection effective de Macky Sall pour un mandat de 5 ans. La loi étant en principe non-rétroactive, la prise en compte du premier mandat de 7 ans pose bon nombre de questions et occasionne de multiples réactions.   

L’ancien garde des Sceaux sous la présidence d’Abdou Diouf, estime que cette divergence de position ne s’explique donc pas, du point de vue de la Constitution sénégalaise. Et les magistrats chargés de trancher ne s’y tromperont pas. ‘’Si Macky Sall est candidat, aucun Conseil constitutionnel n’aura le droit de lui dire qu’il ne peut pas le faire. S’il est candidat et perd l’élection présidentielle, la question du troisième mandat ne se pose plus. Mais s’il gagne, le droit constitutionnel fera de lui le président’’, assure Doudou Ndoye.

Ainsi, le spécialiste du droit précise que si la Constitution règle le problème du troisième mandat, c’est pour les successeurs de l’actuel chef de l’Etat. En ce qui concerne Macky Sall, l’ambiguïté reste entière et n’a certainement pas été dissipée par la mention : ‘’Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.’’

Cette logique suivie par le leader de l'Union pour la République (UPR) laisse quand même un air de déjà-vu. L’histoire récente du Sénégal aurait bien pu enseigner au président de la République la démarche à suivre pour valider une éventuelle candidature à la Présidentielle de 2024. La configuration actuelle le place dans les mêmes conditions qui ont conduit à la validation de la candidature de l’ancien président Abdoulaye Wade par le Conseil constitutionnel.

Macky sur les pas de Wade

L’ex-président avait vu des constitutionnalistes internationaux défendre la recevabilité de sa candidature, lors d’un séminaire organisé à Dakar. Leurs arguments se fondaient sur la non-rétroactivité de la loi. L’ancien professeur de droit public à l’université Cheikh Anta Diop, Jacques Mariel Nzouankeu, soutenait à l’époque qu’en étant élu en 2007, Abdoulaye Wade n’avait pas renouvelé son premier mandat. Ceci, sur la base de la Constitution de 2001.

Professeur à la faculté de Droit de l’université Paris Descartes, Directeur exécutif de l’université Paris Sorbonne Descartes Abu-Dhabi, Jean-Yves Carra estimait, quant à lui : ‘’Dès lors que la limitation à deux mandats est une condition d’éligibilité, elle n’est opposable qu’au président candidat sous l’empire de la Constitution de 2001. Cette condition ne pouvait affecter le mandat en 2000 et elle ne peut s’appliquer de façon rétroactive.’’

Entre 2012 et 2024, la situation sera pareille. En mars dernier, le Pr. Nzouankeu apportait son jugement sur la mention ‘’Nul ne peut exercer deux mandats consécutifs’’. Selon lui, il s’agit, en fait, de deux mandats de cinq ans. Comme avec Abdoulaye Wade, le premier n’est pas de cinq ans. ‘’A l’époque (de la rédaction de la Constitution de 2016, NDLR) on avait proposé que, si l’on voulait que le septennat compte, comme le premier des deux mandats prescrits par l’article 27, il fallait l’inscrire dans une disposition transitoire de la Constitution au plus tard 6 mois avant la fin du septennat, pour respecter les contraintes du Protocole de la CEDEAO. Cela n’a pas été fait. Par conséquent, la possibilité d’un deuxième mandat constitutionnel pour le président Macky Sall fait partie du droit positif’’, détaillait-il.

Toutefois, le principal concerné a décrété une omerta sur la question, depuis sa réélection. Tous ceux qui se sont prononcés, en défendant la thèse de l’impossibilité de voir Macky Sall se représenter, ont été sortis de l’appareil gouvernemental.

Si, au plan juridique, Macky Sall semble marcher sur les pas de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, convaincre les Sénégalais de ne pas lui appliquer la même sanction reste un autre défi qu’il devra relever, s’il souhaite se représenter en 2024.

Lamine Diouf    

 

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