Publié le 2 Apr 2020 - 23:17
MESURES DE PREVENTION COVID-19 ET ECOULEMENT DES PRODUITS MARAICHERS

Le casse-tête des producteurs de la zone des Niayes

 

Les agriculteurs de la zone des Niayes sont dans le tourment. L’interdiction de la tenue des marchés hebdomadaires et les mesures de restriction prises dans le secteur du transport les ont obligés à cesser leurs activités. L’écoulement de la production légumière, activité principale de la zone, est devenu un vrai casse-tête pour ces agriculteurs. Ils réclament une dérogation des préfets pour pouvoir sortir de ce tracas.

 

Considérée comme le grenier à légumes du Sénégal, la zone des Niayes est un véritable foyer potager. Les agriculteurs y travaillant sont actuellement en pleine saison de récoltes et éprouvent d’énormes difficultés pour écouler leurs productions, à cause de l’interdiction des ‘’loumas’’ (marchés hebdomadaires). Les dernières mesures prises par les autorités pour freiner la propagation du coronavirus ont un impact négatif sur les activités de la zone essentiellement orientée vers la culture maraîchère.

A en croire les producteurs joints par ‘’EnQuête’’, des tonnes de légumes pourrissent actuellement dans les champs, faute de preneurs. ‘’On peine à écouler nos productions, à cause de la fermeture des ‘loumas’. Toutes les activités de la zone sont orientées vers le maraîchage ; et les marchés hebdomadaires nous permettaient d’écouler nos récoltes. Il y a également le couvre-feu qui complique le transport des produits vers les grandes villes comme Touba, Saint-Louis, Kaolack. Des tonnes de légumes sont malheureusement en train de pourrir dans les champs’’, se désole El Hadj Sow, producteur de légumes établi à Loumpoul-sur-Mer, un village situé dans le département de Kébémer, dans la région de Louga. Selon lui, depuis que le marché hebdomadaire qui se tenait du vendredi soir au samedi est interdit, certains agriculteurs de la zone peinent même à se ravitailler en denrées alimentaires, car tout est à l’arrêt.

‘’L’interdiction des ‘loumas’est une vraie catastrophe pour la population. Plusieurs familles n’ont plus de quoi se mettre sous la dent. C’est une vraie crise. Non seulement les producteurs n’arrivent plus à écouler leurs récoltes, mais ils n’ont plus de revenus pour se ravitailler. Pis, dans certaines localités enclavées, l’on n’y trouve même plus les denrées alimentaires, puisque tout s’achetait dans les ‘loumas’’’, s’indigne Alioune Ba, agriculteur habitant dans un village situé à 5 km de Loumpoul. A l’en croire, depuis l’entrée en vigueur du décret présidentiel interdisant les rassemblements publics, les prix des produits maraîchers ont drastiquement chuté. En plus, souligne-t-il, trouver un ‘’bana-bana’’ (commerçant) pour écouler les produits dans les marchés urbains est devenu un vrai casse-tête pour les producteurs, à cause des mesures prises dans le domaine du transport.

C’est le même constat chez les commerçants de légumes. Joint par ‘’EnQuête’’, Oumar Diagne, vendeur de légumes au marché Khar Yalla de Saint-Louis, décrit une situation très difficile pour les commerçants de produits maraîchers. ‘’Tout est bloqué, parce qu’on n’arrive plus à s’approvisionner dans les marchés hebdomadaires qui sont maintenant interdits à cause de la propagation du coronavirus. Il est aussi difficile d’écouler la marchandise, parce que toutes les vendeuses qui venaient des villages et des zones aux alentours de Saint-Louis, pour s’approvisionner pour la revente, ne viennent plus à cause de la flambée des prix du transport. Là où on payait 500 F CFA le taxi, c’est maintenant 1 500 F, parce que les chauffeurs ne prennent que deux passagers au lieu de quatre. Ce qui fait qu’ils sont, eux aussi, obligés d’augmenter les tarifs pour s’en sortir. Ainsi, toutes les dames qui venaient des zones reculées pour se ravitailler dans le marché et aller revendre ont arrêté. C’est pourquoi les prix ont drastiquement chuté, car on ne trouve plus de preneurs. Le kilo de poivron vert coûte aujourd’hui 50 F à Saint-Louis ; dans la zone des Niayes, ça ne coûte presque plus rien. Le sac rempli de chou se vend entre 7 000 F et 8 000 F. Malgré ces prix bas, les marchandises pourrissent, faute de preneurs’’, se désole M. Diagne.

‘’Tous attendent une dérogation préfectorale’’  

Alors qu’à Dakar, la plupart des marchés restent ouverts, dans les autres régions, les ‘’loumas’’, presque seul lieu de haut commerce, ont été fermés dès la veille de l’adresse à la nation du chef de l’Etat interdisant les rassemblements publics. Une décision aux multiples conséquences désastreuses sur le quotidien de ces populations qui, pour la plupart, dépendaient de ces rencontres pour satisfaire leurs besoins alimentaires. Touchés, la majorité des habitants de cette partie de la zone des Niayes joints par ‘’EnQuête’’ soutiennent que l’insécurité alimentaire ou famine s’invitera chez eux, si la fermeture des ‘’loumas’’ reste maintenue.

Ainsi, pour trouver une solution et éviter le pire, elles demandent aux différents préfets de la zone (Tivaouane, Kébémer) des dérogations pour la tenue des ‘’loumas’’, ne serait-ce qu’entre 8 h et 17 h.

‘’Nous voulons aussi que le ministre des Transports terrestres fasse des dérogations pour la circulation des véhicules transportant des légumes frais, comme c’est le cas pour les autres denrées alimentaires’’, réclame El Hadj Sow. Il ajoute : ‘’Avant l’interdiction de circuler entre les régions, les véhicules qui transportaient les produits maraîchers quittaient Loumpoul après les récoltes de la journée à 18 h pour rejoindre les grandes villes comme Kaolack aux environs de 4 h du matin. Maintenant, ils sont obligés de quitter à 11 h. Or, la récolte doit se faire dans la même journée. À défaut, certains produits comme la tomate, les carottes ou le poivron ne seront plus frais et seront gâtés. Ce qui fait que c’est difficile d’aller dans les champs le matin, vouloir terminer la récolte à 11 h pour embarquer la marchandise. Or, si les transporteurs de légumes ne prennent pas départ à cette heure-là, ils risquent de se retrouver sur la route à 20 h et là, les véhicules sont directement saisis par les forces de sécurité.’’

ABBA BA

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