Publié le 9 Oct 2019 - 16:01
MIGRANTS SENEGALAIS

Le Sénégal délaisse ses migrants en Italie

 

Des milliers de migrants dont 28 219 femmes sont menacés d'expulsion en Italie. En conférence de presse hier, l'Ong Horizons sans frontières (Hsf) dénonce une absence de politique migratoire sénégalaise et une gouvernance qui exclut la protection des Sénégalais de la diaspora.

 

Après l'Allemagne, c'est au tour de l'Italie de mettre à exécution son plan d'action qui n'est autre que le rapatriement des migrants sénégalais. Une violation des droits humains, selon l'Ong Horizons sans frontières qui a dénoncé, hier, le mutisme du gouvernement sénégalais face à cette décision. Il devrait, selon l'organisation internationale, agir de façon ferme pour protéger ses migrants, en raison des lacunes du droit international quant à ce type de migrants.

En effet, la Convention de Genève de 1951 ne prend pas en compte les migrants économiques. Selon l'Ong, aucun d'entre eux ne souhaitent rentrer de cette manière, après des années de dur labeur. "Le vendredi 4 octobre, le gouvernement italien a annoncé, par la voix de son Premier ministre, un décret identifiant les pays à non risques parmi lesquels le Sénégal. Ce décret nous informe que les demandeurs d'asile issus de ces pays devront rentrer chez eux. Donc, dans ce cas de figure, l'Italie s'adresse aux migrants économiques et a prévu, depuis un an, d'expulser de son territoire tous les migrants sénégalais en situation irrégulière. Nous avions alerté les autorités sénégalaises, mais elles ont fait la sourde oreille’’, déplore Boubacar Sèye, Président fondateur de l'Ong Horizons sans frontières.

À l'en croire, les dirigeants européens usent d'un discours sur l'islam, le terrorisme et les amalgames qui en découlent pour justifier ces expulsions. "Aujourd'hui, la migration soulève même des questions d'identité en Europe. Elle est devenue le contraire de l'identité. L’Europe a peur d'être détrônée par le migrant. Les Européens se plaignent du fait que les Africains prennent leur place dans le milieu du travail. On parle d'invasion africaine, de terrorisme, alors qu'il n'en est rien. Nous disons non à cette violation des droits des migrants et nous interpellons l'État du Sénégal pour qu'il ne signe aucun accord de reconduite sur le territoire sénégalais. Il ne peut y avoir de rapatriement sans accord entre les deux pays, avec des compensations financières’’, fulmine M. Sèye. Qui refuse de voir des Sénégalais humilier de cette façon. "Nous n'allons pas accepter que des Sénégalais soient encore humiliés pour résoudre une certaine morosité économique. Nous n'allons pas accepter que l'immigration soit utilisée comme support de sûreté des États", peste le droit-de-l’hommiste.

Ainsi Hsf demande au gouvernement d'agir au plus vite, car il y a urgence. Mais surtout, communiquer et sortir de son mutisme. 

Une aide au développement conditionnée

Il s'avère que la migration est devenue un facteur important de la géopolitique mondiale et que l'Europe peine encore à élaborer une stratégie commune quant à la gestion du flux migratoire. Conscients de ce fait, les membres de Hsf affirment qu'aujourd'hui, l'aide au développement est conditionnée à ces plans de retour. Une prérogative de l'Europe qui accentue la pression au détriment de la dignité humaine.

"La participation économique de ces migrants est supérieure à l'aide au développement. Nous avons besoin d'un État fort qui fait face aux défis. Il s'agit de milliers de Sénégalais en détresse. Combien parmi eux ont maille à partir avec la justice ? Nous recevons tellement d'appels de Sénégalais inquiets à cause de cette imminente expulsion. En tant que Sénégalais de l'extérieur, nous sommes demandeurs de solutions alternatives. Mais sur cette question, l'État brille par son absence", se désole Boubacar Sèye. 

L'organisation humanitaire estime, par ailleurs, que si aujourd'hui il s'agit de migrants en situation irrégulière, vue la posture idéologique de l'Europe, tous les autres Sénégalais établis en Italie sont aussi exposés à l'expulsion. Surtout que plusieurs pays d'Europe comme la France ont cédé à la pression populiste et que la migration est désormais une marchandise à faire gagner des élections.

De son point de vue, le Sénégal peut s'opposer à ce rapatriement, en s'appuyant sur l'Accord de Dublin 3. Le texte stipule que les migrants seront reconduits dans les pays par lesquels ils ont accédé à l'Italie. C’est l'Espagne, la Grèce ou encore Malte. En second lieu, le gouvernement peut dire non à toute collaboration avec l'Italie, en refusant de produire des passeports ou saufconduits facilitant le rapatriement. En d'autres termes, l'enjeu, aujourd'hui, pour le Sénégal, est d'arriver à une réforme du droit d'asile qui devra également inclure les migrants économiques, en plus des migrants forcés à quitter leur pays d'origine. "La diaspora doit être une composante organique des politiques socioéconomiques du pays. Ces gens font partie du Sénégal. Elle ne doit pas être livrée à elle-même et doit bénéficier d'assistance juridique, diplomatique, surtout que la migration tend à se féminiser. Il faut un statut spécifique pour la femme migrante", a déclaré M. Sèye. 

Pour le fondateur d'Horizons sans frontières, l'Europe doit plutôt avoir un discours en faveur de la mondialisation. Car la migration est un facteur de diversité, d'équilibre social et de dynamisme économique. Il invite, en outre, l'Assemblée nationale et le procureur à s'autosaisir du dossier. Au gouvernement sénégalais, il est demandé des comptes quant à l'injection de plus de 300 millions d'euros, par une multitude de programmes visant à soutenir les migrants et à maintenir la jeunesse au Sénégal par des alternatives durables. 

EMMANUELLA MARAME FAYE

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