Publié le 30 Jan 2020 - 02:34
MOISE SARR (SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUX SÉNÉGALAIS DE L’EXTÉRIEUR)

“Toutes les possibilités sont sur la table’’

 

Hier, la presse sénégalaise faisait état d’une difficile situation que vivent 12 étudiants sénégalais en Chine. Ils vivraient à Wuhan, ville mise en quarantaine, avec l’épidémie du coronavirus. Le conditionnel est utilisé pour parler de ladite situation, parce que le secrétaire d’Etat aux Sénégalais de l’extérieur, Moise Sarr, assure que la lettre ne vient pas de ces étudiants, même s’il y a présentement 11 apprenants inscrits dans des universités de cette ville. La douzième étudiante est en route pour le Sénégal. Ceux qui sont restés ont échangé avec M. Sarr et se disent surpris par la teneur du message. Le secrétaire d’Etat, dans cet entretien, fait le point sur la situation et révèle toutes les mesures prises ou envisagées par l’Etat sénégalais.

 

Depuis lundi, des informations émanant, dit-on, d’un groupe d’étudiants sénégalais vivant en Chine, circulent sur la toile. Ils demandent leur rapatriement au Sénégal, vu l’épidémie qui sévit dans leur pays d’accueil. Comptez-vous satisfaire leur demande ?

Nous suivons la situation de très près. Ce qui est dit dans les réseaux sociaux n’émane pas des douze étudiants. Je vous le dis, parce que j’ai eu personnellement à échanger avec trois d’entre eux. Et avant moi et depuis le début, l’ambassade est en contact permanent avec le responsable des étudiants de Wuhan qui s’appelle Mbacké Amar. Je pense qu’il est le mieux habilité que quiconque d’autre pour parler de la situation, parce que c’est lui qui est l’interface entre les étudiants et l’ambassade du Sénégal à Beijing. Je sais que ce qui a été dit ne vient pas de Mbacké Amar.

Mais je pense qu’aujourd’hui, le plus important est de dire à nos compatriotes, aux parents de ces étudiants que, Dieu merci, jusqu’ici, la communauté sénégalaise de Wuhan est épargnée et, au-delà de cette ville, aucun Sénégalais vivant en Chine n’est contaminé. Nous croisons les doigts et prions pour qu’il continue d’en être ainsi.

L’autre précision est de dire qu’effectivement, notre ambassade est en contact permanent avec le responsable des étudiants à Wuhan et M. Cissokho qui est leur responsable au niveau national. J’ai personnellement eu M. Cissokho hier et il m’a confirmé naturellement les échanges quasi permanents avec l’ambassade. Ce qu’il convient de dire est qu’il y a effectivement une situation préoccupante, car le coronavirus est dangereux. C’est une épidémie et on parle même de mise en quarantaine de la ville ou tout au moins de certains quartiers. Qui parle de mise en quarantaine parle de confinement. Tous nos étudiants ne sont pas dans la même université. Donc, l’on peut se retrouver dans une université où on est le seul Sénégalais ou deux dans l’université.

Concrètement, à ce jour, qu’est-ce qui est fait pour aider ces Sénégalais vivant en Chine ?

C’est tout à fait normal et compréhensible de voir cette psychose, ce stress, et qu’ils puissent se poser des questions. Mais je veux les rassurer eux et leurs parents. L’ambassade est en état d’alerte et suit de très près, sur instruction de Son Excellence Monsieur le Président de la République, cette situation. L’ambassade est en train de travailler avec les autorités chinoises compétentes. On leur a demandé de voir avec les autorités universitaires. La situation a entrainé une ruée vers les magasins, les grandes surfaces, les commerces, parce que les gens veulent acheter le maximum de nourriture pour l’emmagasiner à la maison et ainsi limiter les sorties. Quand c’est comme cela, les prix flambent. Comme ce sont des étudiants, ils n’ont pas beaucoup de moyens d’acheter le maximum de produits et de les garder à la maison. Nous sommes en train de voir avec les autorités universitaires, parce que ceux d’entre eux qui ont la bourse de la coopération sont logés et entièrement par l’Etat chinois. Ce dernier paie d’ailleurs une partie de la bourse et le Sénégal donne le complément. C’est facile, pour ces jeunes-là, de demander aux autorités chinoises compétentes et surtout universitaires de mettre à leur disposition un ravitaillement. L’autre éventualité, c’est de dire, nous sommes en Chine et c’est un grand pays ; donc, quel que soit alpha, nous avons espoir que les magasins seront approvisionnés. Ça, j’en suis convaincu, parce que nous parlons de la Chine. Maintenant, les prix peuvent augmenter.

Nous avons reçu, dans ce sens, une instruction d’apporter un soutien, ne serait-ce que financier, à ces jeunes de disposer d’au moins de petits moyens leur permettant d’acheter de quoi manger et boire. Le processus est en cours. L’ambassadeur est instruit et y travaille. Le quatrième point est de leur demander de respecter scrupuleusement les mesures préventives qui sont édictées par le gouvernement chinois. On les appelle au calme, à la sérénité, moins de sorties, moins de contacts et si jamais on sent quelque chose, d’appeler les autorités compétentes afin de se faire assister. On leur demande également de contacter l’ambassade du Sénégal pour l’informer de la situation. On n’est pas à ce niveau. Mais on suit de très près la situation et aucun moyen ne sera épargné pour assister nos compatriotes, les secourir.

Le rapatriement est-il à l’ordre du jour ?

Avant de rapatrier, il faut des autorisations. J’ai entendu dire que même la France a rapatrié. C’est faux. Il y a plus de Français dans cette ville que de Sénégalais. La France y a un consulat général, or nous, nous n’en avons pas. Si la situation ne s’améliore pas et que le Sénégal dispose d’une autorisation d’exfiltrer, c’est-à-dire emmener les Sénégalais dans d’autres villes ou de rapatrier, il le fera, le moment venu. On discute avec les autorités chinoises, mais je ne peux pas, pour le moment, révéler le secret de ces discussions. Toutes les possibilités sont sur la table. Ce que nous voulons, c’est que nos compatriotes sachent que l’Etat du Sénégal est avec eux, suit et il n’y a pas besoin de s’alarmer outre mesure, même si je reconnais que ce n’est pas facile. Même si on est confiné dans un palais où les sorties sont contrôlées, ce n’est pas évident. On est souvent comme un lion en cage. On a un communiqué de l’Etat chinois qui se demande pourquoi rapatrier, parce que la Chine a déjà fait face à plus dur que ce qui se passe actuellement. Il n’y a pas à s’alarmer outre mesure. L’Etat chinois assure que tout est sous contrôle.

Les discussions ont-elles commencé dès que l’OMS a alerté ou quand cette information a commencé à circuler sur la toile, fût-elle fausse ?

Nous sommes un Etat très alerte. Je vous ai dit que les étudiants sont en contact avec l’ambassade. Si ces derniers sont en contact avec l’ambassade, vous imaginez qu’il est tout à fait naturel que l’Etat du Sénégal soit en relation avec les autorités compétentes. A ce niveau, n’ayez aucune crainte. Nous avons un Etat qui a une diplomatie active, est respecté et a d’excellentes relations avec la Chine. 

Vous avez parlé d’un soutien financier. Quelle est sa pertinence pour des gens qui courent un risque en sortant dans la rue ? Pourquoi pas un soutien en denrées alimentaires ?

Vous savez, la denrée alimentaire passe par la route, l’avion ou le train. Ces gens sont dans une ville mise en quarantaine. Cela signifie que tous les chemins menant vers cette ville sont coupés. Le contrôle des entrées y est strict.  A l’intérieur de la ville, il y a tout de même les commerces. On parle d’un grand pays, d’un géant mondial qui s’appelle la Chine. Je suis convaincu qu’ils trouveront les moyens d’approvisionner les magasins, parce qu’ils ont des circuits officiels, sanitaires qui le permettent. Wuhan est une très grande ville technologique, industrielle. On s’est dit que, comme on y a des étudiants qui ont de petites bourses, on leur envoie de quoi s’approvisionner. Ce qui fait que, même si les prix des produits sont augmentés, qu’ils puissent acheter à manger et à boire.

Mais pourquoi ne pas voir avec les autorités chinoises compétentes pour faire parvenir à ces Sénégalais les denrées alimentaires directement ?

Cette possibilité est étudiée. On est, en effet, en train de voir avec les autorités universitaires s’il y a possibilité de ravitailler les étudiants. Toutes les éventualités sont sur la table. Je ne sais pas comment elles sont organisées, mais on m’a dit qu’il y a des universités qui ont commencé à ravitailler les étudiants. Si c’est le cas, nous avons d’excellentes relations avec la Chine et elle pourrait ravitailler gratuitement ou à moindres coûts. L’ambassadeur est en alerte et instruit. L’objectif, in fine, est d’assister, d’accompagner, de rassurer et de soutenir nos compatriotes.

Toutes ces mesures prises concernent-elles juste les étudiants vivant à Wuhan ou toute la communauté sénégalaise vivant en Chine ?

Pour le moment, l’épicentre de cette épidémie concerne Wuhan. Nous travaillons, comme tous les pays, sur cette ville. Et elle est en plus estudiantine. Guanzu et la ville économique. Les éléments dont nous disposons font état de la présence de 12 Sénégalais dans cette ville et ils sont tous des étudiants.

Prenez-vous tout de même au sérieux cette alerte sur les réseaux sociaux, en vous disant que ce ne sont peut-être pas les douze étudiants, mais douze autres Sénégalais confinés quelque part et qui ont des problèmes ?

Il n’y a pas douze Sénégalais confinés quelque part (il se répète). Je suis formel. On n’a pas mis 12 Sénégalais dans une maison ou dans un appartement ou dans un camp ou autre chose. Il n’y en a pas. Les 12 Sénégalais sont 12 étudiants inscrits dans les universités de Wuhan qui est une ville que je connais. J’y étais et j’y ai même donné une conférence pour les étudiants sénégalais. Cinq ou six d’entre eux sont boursiers. Je connais d’anciens boursiers de là-bas. Jusqu’au mois d’avril dernier, je dirigeais le service de gestion des étudiants sénégalais à l’étranger. Donc, je sais bien de quoi je parle. Les étudiants avec qui j’ai discuté hier soir (lundi soir, l’entretien a été réalisé hier) m’ont dit être surpris par la teneur de ce message envoyé sur les réseaux sociaux.

Nous sommes un Etat. On est là pour communiquer de manière officielle et rassurer nos compatriotes et les 12 étudiants qui sont à Wuhan et l’ensemble de la communauté sénégalaise, qu’elle soit étudiante ou pas en Chine. Sur les 12 étudiants, il y en avait une qui n’était pas à Wuhan, mais dans une autre ville et ses parents lui ont envoyé un billet de retour. Elle est normalement arrivée à Dakar ou y sera d’un moment à l’autre.

Donc, on a 11 étudiants à Wuhan et qui ne sont pas confinés dans une seule et unique maison. Il y a des universités où on a trois étudiants, une autre un seul, etc. Ils sont dans leurs chambres et ceux que j’ai eus m’ont assuré qu’ils allaient bien. Ils ont peur et c’est normal.

BIGUE BOB

 

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