Publié le 7 Nov 2013 - 21:17
MORT DE YASSER ARAFAT

L’hypothèse d’un empoisonnement confirmée

 

Un rapport de l’Institut de radiophysique de Lausanne portant sur les analyses effectuées sur la dépouille de l’ancien leader palestinien Yasser Arafat, décédé le 11 novembre 2004 dans un hôpital militaire parisien, conforte l’hypothèse d’un empoisonnement au polonium.

L’hypothèse d’un empoisonnement est aujourd’hui confortée après la publication d’un rapport médical diffusé mercredi par la chaîne qatarie Al-Jazeera, mais rien ne prouve par contre la responsabilité d’Israël. Les analyses des échantillons prélevés sur la dépouille du dirigeant historique palestinien par un laboratoire suisse confortent bien l’hypothèse d’un empoisonnement au polonium.

« Les résultats soutiennent modérément l’hypothèse que la mort a été la conséquence d’un empoisonnement au polonium-210 », concluent les 10 médecins et praticiens, pour la plupart de l’Institut de radiophysique de Lausanne.

« Nous avons mesuré des activités de polonium-210 dans les os et les tissus qui étaient jusqu’à 20 fois supérieures aux références de la littérature » médicale, selon le rapport daté du 5 novembre. « Le fait qu’elles ne soient pas homogènes est compatible avec une absorption de polonium-210 survenue lors de l’apparition des premiers symptômes (octobre 2004) », remarquent-ils, évoquant le cas d’Alexandre Litvinenko, un ancien membre des services secrets russes réfugié à Londres, assassiné en 2006 avec cette substance.

« L’arme du crime retrouvée »

Une source palestinienne proche du dossier a confirmé que « ce qu’Al-Jazeera a révélé est exact », précisant qu’il était initialement convenu d’un délai de dix jours avant que ces résultats ne soient rendus publics.

Les rapports des équipes suisse et russe ont été remis aux dirigeants palestiniens sans indication sur leurs conclusions. « Le rapport a été remis » par le laboratoire suisse, a déclaré Taoufiq Tiraoui, président de la commission d’enquête palestinienne sur la mort de Yasser Arafat. L’agence officielle palestinienne Wafa a rapporté que l’Agence fédérale d’analyses biologiques russe avait remis son rapport le 2 novembre.

« Ma fille et moi irons devant tous les tribunaux à travers le monde pour punir ceux qui ont commis ce crime », a déclaré, dans une interview à Al-Jazeera, la veuve du dirigeant palestinien, Souha Arafat, qui a déposé plainte en 2012 en France, déclenchant une information judiciaire pour assassinat. Son avocat, Pierre-Olivier Sur, s’est refusé à tout commentaire sur l’expertise du laboratoire suisse.

Un médecin légiste britannique qui a rédigé une analyse du rapport médical, Dave Barclay, a déclaré à la chaîne qatarie que « l’arme du crime a été trouvée. Ce que nous ne savons pas, c’est qui la tenait à ce moment-là ».

Israël pointé du doigt

Contrairement au neveu d’Arafat, Nasser al-Qidwa, président de la Fondation Yasser Arafat, et de Tawfiq Tiraoui, qui ont directement incriminé Israël, Souha Arafat n’a jamais précisé dans quelle direction se tournaient ses soupçons. « C’est l’épisode cent et quelque du feuilleton Souha contre les successeurs d’Arafat », a ironisé le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Yigal Palmor, réaffirmant qu’Israël n’avait « rien à voir » avec la mort d’Arafat.

Une soixantaine de prélèvements ont été effectués le 27 novembre 2012 dans la tombe de Yasser Arafat à Ramallah, en Cisjordanie, puis répartis pour analyse entre les trois équipes d’enquêteurs, suisse, française et russe.

Tentative d’empoisonnement en 1997

Arafat est mort à 75 ans après son évacuation vers la France avec l’accord d’Israël qui l’assiégeait depuis plus de deux ans à la Mouqataa, siège de la présidence palestinienne à Ramallah. Il avait été transféré dans l’hôpital français après avoir souffert de douleurs abdominales sans fièvre.

Un porte-parole du Hamas, au pouvoir à Gaza, Sami Abou Zouhri, a estimé que ces analyses apportaient la preuve qu’ « Arafat a été victime d’un assassinat dont le Hamas accuse l’occupation israélienne », appelant en conséquence à cesser les négociations de paix avec Israël. Lui-même victime en 1997 d’une tentative d’empoisonnement par Israël, le chef en exil du Hamas, « Khaled Mechaal, a été le premier à considérer que sa mort avait été causée par un empoisonnement imputé à l’occupant », a-t-il assuré dans un communiqué.

C’est quoi le polonium ?

Elément chimique naturel présent dans la pechblende (minerai d’uranium), le polonium, découvert en 1898 par Marie Curie, est utilisé comme source de rayonnement Alpha dans la recherche et en médecine, mais aussi comme source de chauffage dans les engins spatiaux.
Il reste toutefois très rare, avec un milliardième de gramme de polonium au maximum dans dix grammes d’uranium. Sa production nécessite un réacteur nucléaire et est estimée à moins de 100 grammes par an à l’échelle mondiale, en grande majorité d’origine russe.

En novembre 2006, la mort à Londres d’Alexandre Litvinenko, empoisonné à 43 ans au polonium et première victime connue d’un « assassinat radiologique » selon des experts, avait provoqué une crise diplomatique entre le Royaume-Uni et la Russie.
Transfuge des services secrets russes réfugié à Londres, il était décédé trois semaines après avoir pris le thé avec un autre ex-agent russe. Son foie et sa moelle osseuse avaient été atteints par de fortes doses de radiations et il avait perdu ses cheveux en quelques jours.

Lesechos.fr

 

Section: