Publié le 13 Sep 2018 - 17:03
MOUSTAPHA KA (DIRECTEUR DES DROITS HUMAINS)

‘‘La torture n’existe plus dans les prisons’’

 

L’Observatrice nationale des lieux de privation de liberté et le directeur des droits humains sont d’avis que la torture est une pratique qui se raréfie de plus en plus dans les centres de détention.

 

C’est le directeur des droits humains qui donne l’assurance. ‘‘La torture n’existe plus dans les lieux de détention. En toute franchise, elle fait partie du passé dans les prisons ; elle ne se pratique plus.’’ L’assertion de Moustapha Ka est péremptoire, mais il se reprend aussitôt pour préciser une nuance importante. ‘‘Maintenant, la convention contre la torture assimile beaucoup de comportements comme à de la torture. Même le fait de procéder à des fouilles corporelles est une atteinte à la dignité humaine’’, relativise-t-il.

Pour le directeur des droits humains, qui représentait le ministre de la Justice à un atelier de formation destiné aux gardes pénitentiaires, le Sénégal accomplit des efforts pour réduire les tracasseries que subissent les justiciables ou les détenus. Il en veut pour preuve le fait que des mesures sont prises contre les agents assermentés de la force publique qui sont épinglés par les rapports de l’Observatrice nationale des lieux de privation de liberté (Onlpl). ‘‘Tous les cas de torture avérés qui ont fait l’objet de dénonciations auprès de l’autorité compétente ont connu des poursuites et des sanctions’’, garantit Moustapha Ka.

 Mais l’Onlpl, Josette Marceline Lopez Ndiaye, a été moins catégorique dans son constat, déclarant que le mal n’est pas encore éradiqué. ‘‘Jadis il était question de torturer, d’extorquer des aveux par la force à certaines personnes privées de liberté. Cette pratique n’existe presque plus aujourd’hui car depuis que l’Onlpl est là, nous avons remarqué qu’il y a une grande réduction de ces pratiques. Nous continuons quand même car nous poursuivons un idéal que la torture et les mauvais traitements soient éradiqués totalement’’, a-t-elle lancé. Pour Josette Marceline Lopez, ces formations à l’endroit de l’administration pénitentiaire font partie de la notion inculquée par la communauté internationale qui dit que la torture ne doit plus exister. ‘‘Elle doit être sévèrement punie si c’est le cas.’’ Quant à l’inspecteur Samba Diouf, qui représentait la direction de l’administration pénitentiaire (Dap), il estime que ses services sont conscients du fait qu’à part ‘‘la privation de liberté, tous les autres droits du détenu sont respectés’’.

Surpopulation carcérale

Suite à la ratification du protocole facultatif à la convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sénégal s’est doté de la loi 2009-13. Une mesure qui s’est concrétisée avec la mise en place de l’Observatoire national des lieux de privation de liberté (Onlpl) qui est un mécanisme de prévention contre la torture. La structure avec des visites inopinées dans les centres de détention essaie de s’assurer des bonnes conditions de vie des détenus. Mais avec 37 établissements pénitentiaires (dont 32 maisons d’arrêt et de correction, deux maisons d’arrêt, deux camps pénaux, et une maison de correction à Sébikotane), le Sénégal n’est pas encore dans les standards pour combattre la surpopulation carcérale.

‘‘La capacité d’accueil est aussi un problème car chaque Etat fait la politique de ses moyens. Nous avons les mêmes problèmes à l’instar de tous les autres pays de l’Afrique de l’Ouest, mais l’Observatoire, le ministère, la Dap et les Ptf trouvent des solutions pour améliorer les conditions de séjour carcéral’’, promet le directeur des droits humains. ‘‘Les gens sont obnubilés par Rebeuss. C’est vrai que c’est un établissement un peu surpeuplé mais les pouvoirs publics font des efforts pour améliorer cette évolution’’, lui emboite l’observatrice.

 Josette Marceline Lopez Ndiaye esquisse toutefois des ateliers thématiques sur l’aménagement de peines alternatives au mandat de dépôt pour essayer d’éviter que ces gens aillent systématiquement en prison et désengorger Rebeuss. Quant à l’épineuse question des longues détentions préventives, le directeur des droits humains est d’avis que l’avènement de la loi sur les chambres criminelles est un bond en avant pour le respect des droits du détenu. ‘‘Avant, les cours d’assises étaient organisées par session. On attendait 4 mois, le rôle prenait beaucoup de dossiers et d’autres s’accumulaient pendant tout ce temps. Mais depuis, les chambres criminelles sont des juridictions permanentes contrairement aux Cours d’assise qui étaient des juridictions ad hoc ; le nombre de détentions a été réduit drastiquement’’, a  conclu Moustapha Ka.

OUSMANE LAYE DIOP

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