Publié le 9 May 2020 - 22:01
NON-EXECUTION DU CONTRAT SUR LES COMPTEURS INTELLIGENTS

La part de vérité d’Akilee 

 

Face aux raisons brandies par la Senelec pour justifier son intention de ne plus exécuter le contrat le liant à Akilee, les responsables de la startup ont adressé leur réponse à la Direction générale de la Société nationale d’électricité du Sénégal. Non sans rappeler que le renoncement à la poursuite de l’exécution du contrat constitue une faute.

 

Une histoire de sous ou de souveraineté nationale ? Le contrat de 186 milliards de F CFA entre la Senelec SA et la startup Akilee SA n’en finit plus de susciter des controverses entre les deux partis. Signé le 11 février 2019 par l’actuel ministre du Pétrole et des Énergies, Mouhamadou Makhtar Cissé, alors Directeur général de la Senelec, la mise en œuvre de ce contrat No.AKI-AMI-02-2019-001, pour le déploiement et l’exploitation d’un système de comptage intelligent, a été suspendue avec la prise des rênes de la Société nationale d’électricité du Sénégal par Papa Mademba Bitèye, actuel DG de la Senelec.

Malgré les diatribes par presse interposée, depuis quelques mois, les deux partis se sont retrouvés, le 14 avril 2020, au siège de la Senelec, au 28 rue Vincens à Dakar, lors d’une réunion du comité de pilotage (Copil) pendant laquelle l’actuelle Direction générale de la Senelec a fait part d’un certain nombre de points qui, selon elle, l’empêche de pouvoir exécuter le contrat.

Dans une note technique, Akilee répond aux interpellations et aux observations de la Senelec portant sur le contrat AMI. Selon le document destiné à la Direction générale de la Senelec, la startup a pris acte de la défiance manifeste du management actuel de la Senelec qui ‘’a volontairement renoncé à poursuivre l’exécution du contrat’’, alors même que celui-ci a commencé à être exécuté avec des actes concrets opérationnels posés par l’ancienne direction et l’actuelle équipe. Les responsables d’Akilee signalent même que, ‘’de mémoire d’homme, on n’a jamais vu une société et sa filiale (la Senelec détient 34 % du capital d’Akilee) même à participation minoritaire, s’opposer de la sorte. Cet acharnement traduit autre chose que la volonté de servir le Sénégal, parce qu’il n’y a aucun point sur lequel la Direction générale de la Senelec peut démontrer une incapacité ou une incompétence d’Akilee sur des sujets stratégiques ayant trait à la souveraineté et à la sécurité nationales’’.

Lors de la réunion du Copil, la Senelec a soutenu, en premier lieu, qu’il ne peut pas signer ‘’avec Akilee 2 700 000 compteurs avec exclusivité sur 10 ans’’. Une affirmation qui, aux yeux de la startup, ne repose sur aucun fondement objectif, puisque correspondant ‘’à une réfutation des termes même du contrat, pourtant clairs et précis, et qui constituent la loi des parties’’. Mais elle se donne quand même la peine de rappeler qu’une telle commande répond à un souci économique.

En effet, assure le document, c’est pour ‘’bénéficier d’économies d’échelle qu’il a été convenu de passer une seule commande d’un peu plus de 2,7 millions de compteurs intelligents’’. Il en est de même pour le contrat puisque, ‘’si on divise la durée du projet par 2, on multiplie quasiment par 1,8 les charges financières’’, explique la note technique.

‘’Une étonnante défiance vis-à-vis’’ d’Akilee

Dans ses réserves, la Senelec soulignait aussi le manque de référence du système informatique d’Akilee. Dans des propos attribués au directeur général M. Bitèye, ce dernier dit ‘’qu’il ne peut pas voir des systèmes éprouvés chez des dizaines de pays, des millions de clients, des milliers de partenaires et décider de se lancer dans l’aventure avec un système qui n’a pas de référence et dont il n’a aucune garantie qu’il va marcher’’. Une prise de position que la startup assimile à ‘’une étonnante défiance vis-à-vis’’ d’elle-même, mais dont elle s’est efforcée à démontrer des faits qui la contredisent.

Avec une équipe cumulant près de 471 années d’expérience professionnelle, Akilee dit posséder toutes les capacités techniques, intellectuelles et organisationnelles pour mener à bien ce projet, jusqu’à démonstration du contraire par la Senelec. Son expertise se mesure par la qualité de ses partenaires. Des opérateurs tels qu’Hexing qui ont déjà déployé des dizaines de millions de compteurs, dans plusieurs pays, et dont la startup utilise les mêmes systèmes. D’ailleurs, assure la note, Akilee a déjà développé toutes les fonctionnalités de base requises pour initialiser le déploiement des compteurs et leur exploitation. Il s’agit des applications et systèmes Woyofal+, AMI-OPS qui n’avait jamais existé a la Senelec, SenAMI et AkileePay. Sans oublier qu’Akilee est une entreprise totalement sénégalaise, au vu de la sensibilité des données traitées et qu’aucun pays sérieux n’accorderait à une entreprise étrangère.  

Amalgame…

La Senelec avait aussi décidé, lors de cette réunion du comité de pilotage, que sa partie commerciale comprenant le système de comptage et son exploitation, en d’autres termes ce qui fait son chiffre d’affaires, ‘’demeurera une propriété et une exclusivité de la Senelec et ne sera pas sous-traitée tant que l’Etat n’a pas pris la décision d’une réforme qui confie cette partie commerciale à une tierce partie’’.

Pour lever tout amalgame, le document des experts de la startup montre, tableau à l’appui, que ‘’toutes les activités en question (dans le contrat) sont actuellement réalisées par des prestataires’’ et ne relèvent donc pas des prérogatives de la Senelec. ‘’Akilee agit ici comme un prestataire de services. A ceci près qu’il s’appuie sur son système baptisé SenAMI (dorénavant appelé SIA dans le contrat) pour donner les outils et les informations requis à la Senelec pour son exploitation commerciale. A aucun moment, il n’est question de transfert d’activités’’, recadre la note technique.

Concernant la fourniture de la licence accordée gratuitement à la Senelec par Akilee, la startup, en application de l’article 6 du contrat qui stipule : ‘’… Akilee accorde, par la présente, une licence à titre gratuit à la Senelec pour la durée du contrat portant sur la conservation et l'utilisation du SIA aux seules et uniques fins de lui permettre d'honorer les obligations qui lui incombent au titre du contrat’’, entend bien accorder une licence exclusive d’exploitation du SIA sur tout le territoire national, assure le document.

Une incroyable volte-face

Pour les experts d’Akilee, les points évoqués par l’actuel management de Senelec à l’occasion du Copil ne reposent sur aucun fondement et ne résistent pas à l’analyse des faits, telle que développée dans leur note technique. Ils s’interrogent même sur les raisons pour lesquelles ces questions ne sont posées que maintenant, alors même qu’une rencontre tenue avec l’ensemble des directeurs impliqués dans le projet, le 22 novembre 2018, a permis de finaliser le contrat. ‘’Au sortir de cet atelier, tout ce qui devait être ajusté sur ce contrat l’a été, avant de le soumettre à l’approbation du Conseil d’administration. En dehors de l’arrivée du nouveau directeur général, M. Papa Mademba Bitèye, et de la promotion au poste de SG du directeur principal en charge du SI et de la Clientèle, M. Moussa Dièye, rien n’a quasiment changé, les acteurs sont restés les mêmes’’, remarquent-ils.

Deux hommes qui ont, selon eux, opéré une volte-face incompréhensible, puisque, comme rappelé dans le document, ‘’M. Bitèye, en qualité d’administrateur, a validé avec le conseil de la Senelec, unanimement, la prise de participation dans Akilee (27 décembre 2016) et la signature du contrat objet de ces discussions (27 décembre 2018). Quant à M. Dièye, il a été le maître d’œuvre de l’évaluation de la valeur des systèmes développés par i-NES (31 janvier 2017) pour la prise de participation de la Senelec et la création d’Akilee, de même qu’il a élaboré la note technique adressée au DG portant sur la pertinence du projet AMI, en vue de la signature du contrat’’.

LAMINE DIOUF

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