Publié le 6 Feb 2020 - 01:00
NOUVELLE PARUTION

Pluie de vies, pluie d’histoires

 

‘’Pluie de vies’’ est le titre du nouvel ouvrage que viennent de publier les Editions Afrikana du Québec. Il est un recueil de nouvelles signé Merry Bèye Diouf. Il traite de plusieurs thèmes aussi nombreux que diversifiés.

 

Les premières histoires racontées peuvent vous décourager, si vous êtes de ces personnes sensibles. Des morts se succèdent. L’on pleure à en perdre des litres de larmes. L’on se demande pourquoi ce livre est intitulé ‘’Pluie de vies’’, quand on fait succéder ainsi une série de morts. Le début est juste déprimant. Ce n’est pas pour rien qu’il est intitulé ‘’Turpitudes’’. Il est un condensé de tranches de vie qui répond si bien à la note introductive de l’autrice Merry Bèye Diouf dont l’ouvrage est publié pour la première fois aux Editions Afrikana au Canada.

‘’J’ai perdu mes attaches ; parce que je ne veux pas qu’on s’attache à moi ; je ne prends même pas soin de mes attaches, parce que s’attacher, c’est se faire du mal’’, lit-on dès les premières lignes. L’on commence alors à se poser des questions sur le sens de la vie. Quand on commence par cet homme qui a perdu l’amour de sa vie sans jamais l’avoir vraiment eu, cette jeune fille qui avait tout pour réussir et dont un viol a tout détruit, cet homme qui rate un message à cause d’un match de football et perds ainsi sa femme, etc., l’on a envie de fermer ce livre de 118 pages. Erreur ! Il ne faut surtout, vous passerez à côté de belles histoires, des plaidoiries qui n’en ressemblent pas, de belles leçons de vie et une bonne tranche d’histoire.

Dans un style à la fois simple et recherché, Merry Bèye Diouf vous amène loin. Il est quasi impossible de ne pas se voir en l’un des personnages de ces nouvelles qui ressemblent, par moments, à des quatrièmes de couverture. On a envie de voir certaines histoires se développer et l’on en imagine des fins. Ce qui développe un certain intérêt du lecteur. ‘’Histoire de langue’’ ravira tous ceux qui croient qu’un pays ne se fera que par l’éducation de ses enfants. A travers des aventures peu communes, l’autrice de ‘’Pluie de vies’’ vous démontre l’importance de l’éducation, de l’école, des études.

Les vocations naissent chez certains très tôt, comme ce fut le cas chez Merry Bèye. Son histoire avec l’écriture est intimement liée à sa relation avec son grand-père. Une réalité qui vient cotoyer ici la fiction et donne une autre tonalité à ce recueil. On sent l’amour, le vrai, dans ses quelques lignes. L’histoire de Mya émeut comme celle de Gaëlle d’ailleurs. De belles pages dédiées aux femmes, de courageuses jeunes filles.

Merry Bèye, en bonne mère, n’oublie pas les enfants. Elle leur consacre une touchante plaidoirie à travers ‘’Destins croisés’’, ‘’de Dakar à Touba…’’ ou encore ‘’Anna’’. Entre la condition des enfants talibé, ceux non-scolarisés et les petites filles ménagères, elle parle de tout.

Comme elle partage également avec vous l’histoire de ces Sénégalais d’origine vietnamienne. Elle est l’une d’entre elles et vous raconte l’histoire de ses aïeux. Ceux-là à être arrivés en premier au Sénégal après la guerre du Vietnam et qui étaient considérés comme des ‘’domu njaxas’’. Leur difficile intégration au Sénégal est un pan important de leur histoire que beaucoup ignorent peut-être. Une raison de plus pour acheter ‘’Pluie de vies’’.

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MERRY BEYE DIOUF, AUTRICE

‘’J’ai écrit ce livre pour me prouver que…’’

Belle et bête, dit-on souvent. Ce n’est pas le cas de Merry Bèye Diouf. La belle jeune dame au visage d’ange a la tête bien pleine. Elle est autrice de deux ouvrages. Le dernier vient d’être publié et est intitulé ‘’Pluie de vies’’. C’est un recueil de nouvelles et Merry Bèye Diouf parle de sa genèse dans cette interview.

Comment êtes-vous arrivée à l’écriture ?

J’ai toujours écrit, je ne me rappelle pas un jour où je n’ai pas été inspirée. J’en remercie Dieu. Cela a commencé par l’amour de la lecture, puis l’écriture en tant que tel. Mais grâce à Agatha Christie, j’ai vraiment pris la décision de m’y mettre.

Seriez-vous cette Mya ou Gaëlle dont vous parlez dans le livre ?

Non, je suis plus proche de Mya que de Gaelle. Cette histoire, ‘’Promesse tenue’’, est un vécu, mon vécu.

Comment vous est venue l’idée de faire ce recueil de nouvelles ?

Après la naissance de mon fils, j’avais fait un break. Je suis restée un petit moment sans écrire ; comme si j’avais vidé toute mon inspiration. Il n’y en avait que pour ce bout de chou. Mais quand il a eu ses 2 ans, j’ai commencé à écrire de petites et courtes histoires. Ainsi est née la compilation de ce recueil de nouvelles. Je me suis retrouvée avec toutes ces tranches de vie, alors j’ai décidé d’en faire un recueil.

Il est clair que je voulais aussi me prouver à moi-même que ma situation de mère ne pouvait pas m’empêcher d’écrire et de porter mes autres casquettes.

‘’Pluie de vies’’ sonne comme ‘’Pluie de morts’’, à la lecture des premières histoires. Qu’est-ce qui explique cette présence prépondérante de la mort dans ce livre ?

Sur ce point, je ne suis pas d’accord. J’ai ouvert avec une histoire nommée ‘’Mon rayon de soleil’’ dans la partie 1 ‘’Turpitudes’’. Cette partie traite de tout ce qui est laideur chez l’être humain. Il s’agit de mettre en avant le côté sombre de quelques tranches de vie : la mort de l’être aimé, le viol sous plusieurs formes, les violences conjugales, le manque d’attention dans un couple. La mort reste une des multiples conséquences, mais le but est de mettre en exergue ces ‘’turpitudes’’ de la vie.

Vous introduisez par un texte qui, en résumé, signifie ne vous attachez à rien sur cette terre. Qu’avez-vous vécu de douloureux qui a mené à cette résolution ?

Etant plus jeune, je me suis attachée à des personnes qui ont été des piliers dans ma vie. Ces personnes, pour la plupart, sont décédées et je l’ai vécu comme un abandon. En grandissant et en me rapprochant encore plus de ma religion, j’ai appris que l’islam nous enseigne qu’il faut prendre toutes les précautions nécessaires par rapport à un monde fait de causes et d’effets. Il faut toujours s’en remettre à Dieu, car nos vies sont parsemées d’incertitudes sur lesquelles nous ne pouvons agir. C’est Dieu qui gère toute chose et c’est donc sur Lui que doit porter notre attachement et non sur des personnes. Cet attachement en Dieu évite la souffrance de voir les êtres qui nous sont chers partir à jamais.

Pourquoi le thème de l’éducation, sous plusieurs angles d’ailleurs, revient souvent dans ce livre ?

J’ai toujours été attachée à l’éducation des plus jeunes, et aujourd’hui que je suis devenue mère, encore plus. L’éducation est primordiale et essentielle pour les futures générations. J’ai voulu, à travers ces histoires, montrer son importance aux jeunes, d’une part et, d’autre part, revaloriser la langue française.

Vous évoquez vos origines vietnamiennes en parlant quelque part d’un rejet de la société sénégalaise. Est-ce quelque chose que vous avez réellement vécue ?

Je n’ai pas vécu ce rejet, mais la génération de mon père, oui. Il n’était pas évident pour eux (certains) de se situer dans une société qui, parfois, les stigmatisait et les traitait de ‘’domou njaxas’’ (sang mêlé).

Est-ce votre propre histoire que vous racontez dans ‘’Racines’’ ?

‘’Racines’’ serait plutôt l’histoire non contée de la génération de mon père et une partie de la vie de ma grand-mère paternelle (paix à son âme). Cette histoire est née d’une discussion avec mon père qui m’a fait découvrir ce qu’ils avaient vécu quand ils étaient jeunes.

Votre père a-t-il fait la guerre du Vietnam ?

Non, mais mon grand-père paternel, oui !

BIGUE BOB

 

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