Publié le 15 May 2020 - 00:21
OUSMANE SONKO, PASTEF-LES PATRIOTES

‘’La gestion de cette pandémie est un fiasco total’’

 

Depuis son refus de voter la loi d’habilitation, Ousmane Sonko était resté loin des plateaux médiatiques. Mais l’option de vivre avec virus, désormais prônée par le gouvernement, aura été la goutte d’eau à faire déborder la vase. 

 

Il était attendu. Il a parlé ! Le leader de Pastef-Les patriotes est sorti, hier, de son auto-confinement médiatique, estimant l’heure assez grave pour s’adresser aux Sénégalais, lors d’un point de presse. Après l’adresse à la Nation du président de la République Macky Sall, lundi dernier, et les mesures annoncées, il était devenu urgent, pour Ousmane Sonko, de rompre son mutisme, pour au moins une heure, et d’alerter sur le ‘’fiasco total’’ de la gestion de la pandémie du coronavirus au Sénégal par le pouvoir en place.

Car l’opposant politique estime que ‘’rien ne justifie que le Sénégal, à ce jour 6e pays africains le plus affecté, prenne la décision d’assouplir ses mesures de restriction de rassemblements et de déplacements, alors que l’épidémie n’a pas encore atteint son pic’’. Cette position du gouvernement est la conséquence, selon Sonko, d’une gestion calamiteuse ayant abouti à la prise d’une décision de panique, à l’encontre de la position affichée par les spécialistes du Comité national de gestion des épidémies.

Depuis le 23 mars 2020, le Sénégal a décrété l’état d’urgence sur toute l’étendue du territoire national, avec un couvre-feu, la fermeture de lieux de culte et la limitation des heures d’ouverture des marchés. Cependant, le 11 mai dernier, le chef de l’Etat a annoncé la réduction des horaires du couvre-feu et la réouverture des mosquées et églises, et le retour quasi à la normale des lieux de commerce. Une volte-face que le leader de Pastef traduit comme un choix du président de laisser les Sénégalais face à eux-mêmes, devant la maladie. ‘’C’est de l’abandon de responsabilité, une démission, un manque de courage politique’’, martèle-t-il.  

Comme d’autres figures de l’opposition sénégalaise, Ousmane Sonko reproche au président Macky Sall d’avoir cédé à la pression d’une partie de la population opposée au maintien des restrictions et de mettre ainsi l’Etat à genoux, son autorité dangereusement ébranlée. Mais pas seulement ! Il lui est aussi reproché d’avoir fait cavalier seul pour répondre à cette crise de manière incohérente et incompétente. Pour preuve, ‘’il n’a pas présenté un programme clair avec des objectifs bien déterminés. Il a saisi l’Assemblée nationale pour bénéficier d’une loi d’habilitation que seule une guerre peut justifier. Ensuite, il a violé la Constitution pour continuer son état d’urgence, sans passer par l’Assemblée nationale’’.

‘’Il n’a pas présenté un programme clair avec des objectifs bien déterminés’’

Devant un nombre réduit de journalistes, celui qui est arrivé 3e à la dernière Présidentielle a regretté que le pouvoir ait raté une occasion unique de rassembler toutes les forces vives de la nation pour surpasser les clivages politico-sociales. Au lieu de recevoir son opposition parlementaire, lors d’un semblant de consultations au palais de la République, Ousmane Sonko estime que le président aurait dû ‘’présenter un plan détaillé sur sa vision de sortie de crise et demander l’avis des composantes de la société, jusqu’à trouver la meilleure option pour la nation. Tout ceci doit passer par l’Assemblée nationale, comme dans les grandes démocraties. C’est à l’issue de cette procédure qu’il peut prendre des décisions finales. Celles-ci doivent être cohérentes et mises en application dans la transparence et le souci de bien les communiquer’’.  

Au lieu d’exposer sa population en lui distribuant des vivres, l’opposant est d’avis que le gouvernement aurait dû procéder à des transferts d’argent. Un moyen beaucoup plus efficace que les procédures de commandes et de distribution de vivres. D’autant plus que, fait-il remarquer, ‘’tous les ménages impactés par la pandémie n’ont pas nécessairement besoin de vivres, mais de services. En plus, c’est la meilleure manière de garder l’économie en marche. Ce pouvoir d’achat aurait pu permettre aux commerces de continuer à fonctionner pendant la crise. C’est beaucoup mieux que d’enrichir deux grands commerçants’’. Un tel plan aurait permis l’économie de la création d’un comité de suivi de la Force-Covid-19. Car tout le processus du plan de riposte passerait par le circuit normal avec une loi de finances rectificative votée par l’Assemblée nationale, l’Administration l’appliquerait et les corps de contrôle de l’activité du gouvernement se seraient chargés de la vérification. Un moyen de supprimer des dépenses évitables.

‘’Mansour Faye, Ministre du riz, du sucre, des pistes rurales’’

Seulement, en lieu de place de mesures efficaces, l’ancien inspecteur des impôts relève que les autorités se sont laissé des possibilités de surfacturation ou de toucher de rétro-commissions, avec des commandes passées dans la plus grande opacité. Et Mansour Faye, Ministre du Développement communautaire et de l’Equité sociale et territoriale, en charge de l’achat et de la distribution des vivres, ‘’réuni plusieurs portefeuilles ministériels, pour le préparer en tant que dauphin du président, aux yeux des populations qui reçoivent leurs deniers fournis comme une aide’’.  

Avec ‘’l’irresponsabilité dont Macky Sall a fait montre’’, Ousmane Sonko prévient qu’une crise sanitaire pourrait accompagner des temps durs que devront vivre les Sénégalais avec une crise économique mondiale et sociale qui n’épargnera pas le pays. Sans oublier de rendre hommage au personnel de santé et à tous ceux qui ont participé à l’effort de lutte contre la pandémie, le leader de Pastef-Les patriotes juge la réouverture des écoles, le 2 juin, intenable, dans le contexte actuel. Car, estime-t-il, il ne sert à rien de mimer ce qui se passe ailleurs, puisque ce sont les élèves et enseignants qui seront exposés et, par la même occasion, leurs familles.

LAMINE DIOUF

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