Publié le 24 Mar 2015 - 14:11
PANORAMA PAR MAME TALLA DIAW

Un signal fort

 

La justice sénégalaise n’a pas raté son rendez-vous avec l’Histoire. C’est un signal fort dans la réddition des comptes, une forte demande sociale alors que la majorité des Sénégalais trime comme il n’est pas permis. Premièrement, les manifestations perlées (avec des agressions contre des journalistes) notées hier augurent de chauds lendemains, car c’est une tradition au Pds de réagir. Ensuite, le non-commentaire du verdict de six ans ferme de prison et 138 milliards F Cfa d’amende infligés à son fils a été un appel de Me Wade à ses ouailles. Le secrétaire général national du Pds avait très vite compris, en doyen des avocats du pays, que l’affaire était déjà pliée, et que les carottes étaient cuites. Dura lex sed lex, mais le Pds reste le Pds : le parti qui sait le mieux occuper la rue.

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les manifestations sporadiques notées à Dakar après le prononcé de l’arrêt de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Mais les deux heures d’argumentaire du président Henri Grégoire Diop, lors de la lecture de son délibéré, ont fini de convaincre qu’il y avait bien matière à entrer en voie de condamnation. Heureusement que les voies de recours existent dans le système judiciaire sénégalais, et que le président de la République peut exercer son pouvoir de grâce.

La motivation du président de la Crei, développée durant deux heures, a été très forte. Lui et ses assesseurs ont relaxé Pierre Agboba et Mbaye Ndiaye, mais ont condamné les autres complices de Karim Wade. Les fuyards ont également pris de lourdes peines (dix ans de prison ferme par contumace). C’est le premier épilogue d’un dossier qui tenait le pays en haleine depuis deux ans.

Toutefois, il y a lieu de noter que la Cour est allée en deçà des réquisitoires du parquet (sept ans de prison), un an de plus que la peine qui a été prononcée. C’est dire que ce n’est pas systématiquement la volonté du ministère public qui est suivie dans un procès pénal.

Une question affleure : Entre Me Wade et son fils, qui aura finalement trompé qui ? Alors qu’il avait décidé de ne point mener une vie politique, le président de la République d’alors a fait acheminer son fils, qui travaillait à la Warburg Bank à Londres, au nom de l’appel à la diaspora, pour revenir au pays. D’abord à la présidence comme conseiller de son père, puis tout puissant ministre d’Etat après sa vaine tentative de remporter la mairie de Dakar en 2009, Karim Wade va gérer les niches d’enrichissement les plus attractives alors au sommet de l’Etat : les transports aériens, les infrastructures, la coopération internationale.

S’il a pu propulser son fils comme son missi dominici, membre le plus influent du Gouvernement, c’est seulement après la défaite de 2012, quand Macky Sall arrive à ses fins, que Me Wade commence à comprendre qu’à défaut d’avoir pu lui donner l’Etat, il va lui donner ‘’le parti’’.

Même si c’est seulement maintenant que Me Wade a réussi dans sa tentative de léguer le Pds à son fils, la manœuvre a été permanente. La dernière ? La possibilité que Me Wade a eu à faire de son fils le candidat officiel du Pds lors de la prochaine présidentielle. Il lui aura suffi de deux sorties pour rallier à sa cause d’importantes personnalités de la formation libérale. Encore qu’il faut souligner qu’il n’a tordu le bras à personne dans cette entreprise de dévolution monarchique du parti.  Vouloir mettre la pression sur la justice sénégalaise en faisant de quelqu’un qui attend le verdict de son procès au pénal un candidat à la présidentielle, était incontestablement une manière de faire purement la transition entre le judiciaire et la dimension politique de cette affaire.

Maintenant est venu le temps de la politisation. Les libéraux annoncent un réchauffement du front politique et disent que ‘’la paix est finie’’. Bien sûr qu’ils trouveront l’Etat en face d’eux, et, naturellement, leur alter ego de la mouvance présidentielle. Ça sent un parfum des années de braise du ‘’Sopi’’.

 

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