Publié le 7 Jul 2020 - 20:54
PAPIS NIANG SUR L’EVOLUTION DU MBALAKH

‘’La nouvelle génération n’a pas encore joué sa partition’’

 

Le mbalakh est une musique révolutionnaire. C’est ce que le réalisateur Papis Niang veut démontrer, à travers son projet cinématographique dénommée ‘’Le mbalakh, des origines à nos jours’’. Une occasion pour lui d’inviter la nouvelle génération des chanteurs à jouer sa partition dans l’évolution de cette musique sénégalaise.

 

‘’Le mbalakh, des origines à nos jours’’. Un projet cinématographique qui ambitionne de montrer les 40 ans d’existence de la musique sénégalaise. Il s’agit d’un documentaire et d’un coffret de cinq longs-métrages pour une reconstitution de grands moments. L’idée est de montrer à la jeunesse et surtout aux jeunes talents comment le mbalakh est passé d’une simple sonorité pour devenir l’identité musicale du Sénégal. Cette variété de mélodies n’est pas simplement un jeu de percussions, elle est révolutionnaire, selon le réalisateur Papis Niang, crédité d’une expérience de 15 ans dans le domaine musical.

Joint par ‘’EnQuête’’, il déplore le fait que la génération actuelle de la scène sénégalaise, qui est censée prendre la relève, soit dans l’’incapacité’’ d’expliquer l’origine de cette musique. ‘’J’ai fait un constat. Les jeunes qui excellent dans ce milieu deviennent célèbres et voyagent partout dans le monde. Le mbalakh leur a tout donné, mais ils ne sont pas en mesure d’expliquer l’origine de cette musique, quand la question leur est posée’’, regrette-t-il. Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regardes d’où tu viens, dit-on. La nouvelle génération doit s’approprier cette assertion.

 Comment est donc né le mbalakh ? Et qu’est-ce qui lui donne son caractère révolutionnaire ? ‘’Il n’est pas venu hasardeusement, parce qu’à un moment donné, des musiques étrangères comme la salsa et le blues étaient les plus écoutées au Sénégal. Quand les initiateurs ont composé les sonorités du mbalakh, il y avait une sorte de tremblement de terre, d’après mes enquêtes’’, explique M. Niang. Ce genre musical est né, selon lui, de l’influence d’une percussion qui s’appelle le ‘’mbeng-mbeng’’. Il a donc fallu de l’audace, du courage et de la vision aux musiciens instrumentistes qui l’ont inséré dans la musique et aux chanteurs qui y ont posé leur voix. Ces gens méritent un grand hommage. Car, auparavant, l’on considérait ce genre d’instrument comme ‘’démodé’’.

Ainsi, des hommes et des femmes qui ont en commun une passion pour la musique se sont investis à fond pour parfaire le mbalakh et l’exporter au-delà de nos frontières. Une évolution qui s’est faite crescendo. ‘’Les mélomanes étaient surpris de voir le mbalakh jouée dans les boites de nuit et autres. Je peux dire que le défunt président Senghor y a joué un grand rôle. Il a influencé les musiciens à utiliser les percussions traditionnelles. Ainsi, des chanteurs comme Youssou Ndour, Thione Seck, Oumar Pène, Ismaïla Lô, Baba Maal, Kiné Lam, Coumba Gawlo, etc., ont porté le flambeau. Après cette explosion avec la naissance des orchestres, on a commencé à mélanger le marimba avec les autres percussions. Ce cocktail donne une note originale au mbalakh’’, détaille Papis Niang.

Le mbalakh s’est donc imposé devant des musiques étrangères, importées. Des ténors comme Youssou Ndour remportèrent des disques d’or, des Grammy Awards, des reconnaissances et des festivals internationaux. Des exploits qui ont fait que ce genre musical est devenu une industrie de masse et fait le bonheur du public sénégalais.

Mais, à partir des années 2000, aucune évolution n’est notée. ‘’Il y a certes de nouveaux talents qui ont la facilité de faire leur promotion à travers le digital. Mais du point de vue musical, il n’y a rien de nouveau. Et il n’y a plus de reconnaissance internationale’’, a dit Papis Niang. ‘’Depuis 2005, rien de nouveau n’a été apporté. La nouvelle génération n’a fait que suivre la tendance. Elle n’a pas apporté sa partition dans cette révolution qui s’est arrêtée vers les années 2000 avec le Lemzo Diamono’’, poursuit-il, invitant les jeunes ‘’mbalakhmen’’ à apporter leur pierre à l’édifice.

 Aujourd’hui, les médias et l’Internet offrent au public un large choix de genres musicaux. Le marché est ouvert et l'offre diversifiée. L’on s’interroge alors sur l’avenir du mbalakh. ‘’Le mbalakh a une base solide. En Afrique, il est plus exportable que n’importe quelle autre musique. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il faut au moins quarante ans d’existence pour que l’on comprenne la force d’une musique. Les autres, que ça soit le jazz ou le reggae, etc., sont passés par là. Il a fallu du temps avant que les Anglais ne découvrent le talent de Bob Marley. Donc, je dis à la nouvelle génération d’avoir du courage et d’arrêter de croire qu’elle ne s’en sortira que si elle joue d’autres sonorités’’, estime Papis Niang.

 Le producteur est d’avis qu’il faut s’ouvrir, mais exige de la nouvelle génération de ‘’mbalakhmen’’ une préservation des acquis. Il leur demande d’aller au-delà de ce que les   précurseurs ont apporté, en dévoilant d’autres facettes et en vendant cette musique  dans d’autres horizons. C’est dans cette perspective qu’entre son projet dont la sortie officielle est prévue en 2021.

BABACAR SY SEYE

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