Publié le 12 Oct 2019 - 18:42
PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE SONKO

Ces risques qui pèsent sur Ousmane Sonko

 

Ousmane Sonko devrait-il se limiter à la lettre d’information au procureur, dans l’affaire l’opposant à l’ancien directeur des Domaines Mamadou Mamour Diallo ? On serait tenté de le croire, eu égard aux dispositions du Code de procédure pénale et de quelques éclairages de spécialistes. Dépourvu de l’intérêt à agir, il pourrait être poursuivi pour dénonciation calomnieuse et être condamné à payer des dommages et intérêts.

 

La rocambolesque affaire des 94 milliards mettant aux prises Ousmane Sonko à Mamadou Mamour Diallo s’est emballée ces derniers jours. Poussant le leader de Pastef à multiplier les sorties médiatiques pour accuser ses adversaires de vouloir le mettre en prison à tout prix. Pourtant, à la lecture du Code de procédure pénale, on peut affirmer que tout ce qui s’est passé jusque-là est banal.

Selon des spécialistes du droit contacté hier par ‘’EnQuête’’, aucun acte d’instruction n’a été posé de nature à empêcher l’Assemblée nationale de sursoir à ses activités dans le cadre de ce dossier. ‘’A chaque fois qu’il y a plainte, avant toute chose, il faut déposer le montant de la consignation. C’est ce qui a été fait. Ensuite, le juge d’instruction devra saisir le parquet qui peut faire une réquisition d’informer ou de non informer. A ce stade, l’information n’est pas encore ouverte. Il n’y a aucun acte d’instruction. En conséquence, j’estime que l’Assemblée est en droit de continuer son travail’’.

A ceux qui craignent que Serigne Bassirou Guèye ne puisse continuer de croiser les bras dans cette affaire, notre interlocuteur rassure : ‘’Ce sera difficile, dans ce cas d’espèce. En fait, le procureur ne peut saisir le juge d’instruction de réquisition de non informer que si les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale.’’ C’est ce qui résulte de l’article 77, alinéa 4 du Code de procédure pénale. Si, par extraordinaire, cela arrive, le juge d’instruction peut passer outre, mais non sans statuer par une ordonnance motivée.

En fait, pour déclencher l’action publique, expliquent les spécialistes, deux voies sont possibles. La première, régie par l’article 32, appartient au procureur de la République. Dans cette affaire des 94 milliards, Serigne Bassirou Guèye a d’ailleurs usé de cette prérogative que lui accorde ledit article pour mettre sous le coude le dossier. Et pour éviter ce cas de figure, la loi confère aux justiciables qui remplissent les conditions de contourner le ministère public pour déclencher lui-même l’action en justice. Ce qu’a fait Ousmane Sonko qui a jugé utile de saisir le juge d’instruction. Ce dernier, aux termes de l’article 42 du Cpp, ne peut informer qu’après avoir été saisi par un réquisitoire du procureur de la République ou par une plainte avec constitution de partie civile. ‘’Il a tous les pouvoirs et les prérogatives attachés à la qualité d’officier de police judiciaire prévus par la section Il du titre premier du présent livre, ainsi que par les lois spéciales. En cas de crimes ou de délits flagrants, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l’article 64. Le juge d’instruction a, dans l’exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique’’, indique ladite disposition.

Quand Sonko risque de sauver Mamour Diallo

Mais l’auteur de la plainte avec constitution de partie civile doit avoir été lésé pour pouvoir saisir le juge d’instruction. En l’espèce, fait savoir notre interlocuteur, cela est loin d’être le cas pour Sonko, dans l’affaire des 94 milliards.

Mais dans la deuxième plainte consistant à dénoncer la violation, par la commission d’enquête parlementaire, du secret de l’instruction, il est plus prudent. La difficulté, en droit sénégalais, c’est que le juge d’instruction n’est pas habilité à apprécier la recevabilité ou non d’un Cpc. Une fois donc qu’il est saisi et que les faits sont susceptibles d’être constitutifs d’une infraction, il doit ouvrir une information. Mais c’est aux risques et périls du demandeur, en l’occurrence Ousmane Sonko.

En effet, l’article 82 souligne : ‘’Quand, après une information ouverte sur constitution de partie civile, une décision de non-lieu a été rendue, l’inculpé et toutes personnes visées dans la plainte, et sans préjudice d’une poursuite pour dénonciation calomnieuse, peuvent, s’ils n’usent de la voie civile, demander des dommages et intérêts au plaignant.’’

Ainsi, dans l’affaire des 94 milliards, Ousmane Sonko, fort probablement, file droit vers le mur. A coup sûr, informent certains spécialistes, l’affaire va être déclarée irrecevable par la juridiction de jugement parce que le plaignant ne remplissant pas les conditions requises pour se constituer partie civile. En l’espèce, seul le procureur de la République peut aider à faire jaillir la lumière et il ne semble pas être dans les dispositions.

Ce qui fait dire que de lourds risques pèsent sur Ousmane Sonko. En plus de devoir au moins payer des dommages et intérêts pour plainte abusive, il pourrait également être poursuivi pour dénonciation calomnieuse. Un malheur ne venant jamais seul, le patriote en chef risque même de sauver son ennemi à cause de cette plainte mal pourvue.

MOR AMAR

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