Publié le 14 Aug 2013 - 20:00
POST-POINT par MOMAR DIENG : «DEUKEU BI DAFA MACKY*»

 Le mot qui tue mieux (ou pire) qu'un article 80...

 

En communication, la caractérisation peut valoir son pesant d'or, d'argent ou de bronze, c'est selon. Elle porte également son boulet de désastre... Dans l'un comme dans l'autre cas, il y a effets, positifs et négatifs, cela va de soi.

En ce qui concerne le président de la République, une expression malheureuse prend de plus en plus du poids dans l'opinion : «Deukeu bi dafa macky» (NDLR : Le pays est moribond, morose, etc.*) Le mot est catastrophique ! Aux yeux de nos compatriotes qui prennent un malin plaisir à en user au détour d'une ruelle, d'une sollicitation (pécuniaire) d'un parent ou d'un ami, en plein milieu d'une séance de ataya (NDLR : thé), c'est un état d'esprit (inquiet) qui parle, un cœur (à la peine) qui se livre, des émotions (fortes mais non encore désespérées) qui suintent au travers d'une (vraie fausse) bonne humeur traficotée pour échapper à l'implosion individuelle et collective.

Notre démocratie n'est pas parfaite, elle est donc perfectible. Elle est très loin de la terreur, elle reste donc vivable pour des gens raisonnablement exigeants. Les Sénégalais sont collectivement honnêtes avec eux-mêmes et à l'égard des hommes politiques : ils vous livrent le pouvoir, vous observent dans un premier temps, vous restent solidaires, scrutent vos actions à la loupe, en tirent un début de satisfaction ou d'inquiétude, puis vous aiment ou vous détestent à l'aune de vos promesses/engagements, en attendant le prochain scrutin.

Il est indéniable aujourd'hui que le «bilan» de Macky Sall après seize mois de gouvernance n'est pas celui auquel les Sénégalais qui avaient dégagé Abdoulaye Wade avec force, calme et détermination s'attendaient forcément... Malgré tout, ils espèrent encore que le gouvernail sera redressé, qu'il y aura beaucoup moins de cafouillages dans un bref délai, que les activités économiques des petites et moyennes entreprises reprendront normalement, que de vrais emplois s'offriront bientôt à eux, que les denrées de première nécessité baisseront un jour pas loin assez significativement, que l'école a déjà mangé son pain noir en 2012-2013, que les députés ne recevront plus jamais 100 000 francs Cfa de gratifications, etc.

Alors, pour soldes provisoires de tous comptes, on peut bien comprendre que les uns et les autres, éreintés par les soucis de tous ordres dans un environnement impitoyable, se donnent du baume au cœur avec «deukeu bi dafa macky». C'est l'art de se défendre sans recourir aux armes brutes de la violence ! C'est l'art d'envoyer un message de détresse sans disposer de journaux, radios, télés, réseaux sociaux ! C'est l'art de ne pas s'exposer aux risques d'une épée de Damoclès qui s'appelle «Article 80» si prompt à embastiller pour crime de lèse-majesté. C'est l'art de dire non à l'inacceptable en restant dans les limites de la protestation républicaine. C'est l'art de...

Et c'est peut-être là le côté vicieux de cette expression sortie de nulle part et qui tend à entrer dans le patrimoine collectif de la nation : elle plaint le Président «sage», «mesuré», «calme», «raisonnable», «véridique», «courageux», en détruisant l'image qu'il a pris du temps à imposer à l'opinion depuis sa mésaventure avec les comploteurs wadistes de l'ancien régime ! A maints égards, il ressemble à l'affreux «Aay gaaf» (NDLR : La guigne, en langue wolof) popularisé sous Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Mais là, c'était une affaire de morts en cascade...

En attendant, les spin doctors qui se bousculent au Palais de la République ont du travail pour déconstruire cette sale image du Prince...

(Publié sur mon blog lundi 12 août 2013)

 

 

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