Publié le 10 Aug 2020 - 18:31
PRESENTATION DU LIVRE ’’SOUS LE VISAGE D’UN AGE’’

Une maturité d’écriture saluée par tous

 

’’Sous le visage d’un âge’’ de Diary Sow a été présenté, ce samedi, en ligne. Ce roman ‘’trace à merveille toutes les caractéristiques d’une littérature à densité thématique et stylistique’’. Il a révélé la maturité de la jeune romancière.

 

Meilleure élève du Concours général en 2018 et en 2019, étudiante en classe préparatoire scientifique PCSI au Lycée Louis-Le Grand à Paris, Diary Sow a procédé, ce samedi, à travers un live sur des réseaux sociaux, à la présentation de son premier livre intitulé ‘’Sous le visage d’un âge’’. Son coup d’essai est considéré comme un coup de maitre. Beaucoup de thèmes, dont deux majeurs, bercent le lecteur au fil des 314 pages du roman.

Le premier thème majeur, remarquable dès le début, dans le prologue, sont les violences faites aux filles et aux femmes. Professeur de lettres classiques, Anna Poulho Ardo S. Ndao était une des professeurs de Diary Sow. Elle fait partie des présentateurs du livre.  ‘’Au fil des 25 pages du prologue, la romancière, à travers le pronom personnel ‘je’, se met dans la peau d’une enfant adoptée par une famille pauvre et inhumaine. Cet enfant devra vivre le destin de ces jeunes filles innocentes qui tentent de survivre. Et Diary Sow prolonge encore la douleur jusqu’au viol. La marâtre maltraite la petite adoptive. Elle va jusqu’à cautionner le viol de cette dernière par son fils aîné. Et son autorité dans la maison fera entrainer la fille dans une tour où souffrance, culpabilité et regret seront ses compagnons. Elle prit soins sur elle-même de rester intact, grâce au souvenir de sa mère qui fut une bouée de sauvetage dans son propre intérieur’’, a-t-elle expliqué.

Mais ‘’son âme est devenue froide, sans désir. S’enfuir était devenu la seule idée claire, obsessionnelle. Pour cela, elle apprit à plaire, ce qui devint une arme. Et elle ne trouvera la liberté qu’après avoir commis le crime prémédité sur son cousin cruel et égoïste qui, souvent, la violait sur sa propre couchette. C’était la pire des tortures’’, a-t-elle poursuivi.

Un thème qui intéresse à plus d’un titre. Au Sénégal, entre 2016 et 2019, il y a eu 4 320 femmes violées. Et en 2017-2018, il y a eu 706 femmes et filles victimes, rappelle Mme Ndao qui a rendu hommage à Binta Camara et Mariama Sagna.

Le deuxième thème est centré sur la victimisation. Mais Diary parle également dans son ouvrage de l’égoïsme, de la culpabilité, de l’indifférence, du mensonge, du cynisme, de l’intolérance, de la solitude, des accusations, de la jalousie et de l’autoritarisme. Ceci montre, d’après Mme Ndao, à quel point la romancière place les émotions au centre de ce livre. Diary Sow a également évoqué dans son roman la coexistence entre la modernité et la tradition. ‘’La tradition, dit-elle, résiste. Elle refuse de lâcher prise, de laisser la place à la modernité’’.

Dans ’’Sous le visage d’un âge’’, Diary Sow tente de montrer, à travers ses personnages, et pas seulement le principal, ‘’la double face de la personnalité, que l’on n’est pas juste ce qu’on parait être’’. Ces personnages, elle les connait par cœur, puisqu’elle a débuté l’écriture de ce livre depuis bien longtemps. D’où la dimension psychologique que l’on y trouve.

Le dictionnaire alphabétique et analogique Le Robert (1959 -1864) définit le roman comme ‘’une œuvre d’imagination en prose qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, nous fait connaître leur psychologie, leur destin, leur aventure’’. Et celui de Diary n’a pas fait moins que ça.  ‘’C’est très important pour moi de raconter les gens tels qu’ils sont, de ne pas juste me limiter à la surface, parce que quand je lisais avant, c’est ça que je reprochais aux auteurs. Je me demandais pourquoi le gentil reste gentil jusqu’à la fin et qu’il n’y a pas de zone d’ombre. Ça ne se passe pas comme ça dans la vraie vie. Moi, je me dis qu’il n’y a ni ange ni démon, que tout le monde a une zone d’ombre, que tout le monde a un masque qu’il porte selon les circonstances’’, a-t-elle dit. Et d’ajouter : ‘’Les personnages, ils sont vivants. Ils le sont dans ma tête, parce que je les fréquente depuis que j’ai commencé à écrire.’’

Une maturité d’écriture

Le talent de la jeune écrivaine a été unanimement reconnu, lors de la cérémonie de présentation de son livre. Mieux, l’accent a été mis sur sa maturité d’écriture. Ismaïla Ndiaye est professeur de français au Lycée d’excellence de Diourbel. Lui était un des anciens professeurs de la jeune fille. Il témoigne : ‘’Ce qui frappe en premier, c’est la maturité de l’écriture. Je me rappelle, en 2017, elle m’avait présenté le brouillon. J’étais très étonné, parce que je me disais qu’une adolescente de 16-17 ans, ne pouvait pas sonder, d’une manière aussi exhaustive, les profondeurs de l’âme humaine.’’

Aussi, a-t-il partagé, ‘’j’ai reconnu, en lisant ce livre, quelques traits de sa personnalité, de son caractère à travers des personnages du roman. Ces traits sont le courage, la détermination, l’envie de sortir des chantiers battus et d’entrer dans l’histoire’’. Cette maturité d’écrire, elle l’a eue en lisant beaucoup et en s’essayant très tôt à l’écriture. ‘’L’écriture était quelque chose qui me permettait, dans un monde où je n’étais ni bavarde ni ouverte, de m’exprimer et d’avoir un compagnon. C’était mon coin de ‘mensonge’ à moi. C’était ma façon à moi de comprendre le monde, d’écrire mes pensées. Ces écrits, qui étaient une sorte de fantaisie, de thérapie, ils me permettaient de supporter la douleur quand je la ressentais’’, fait-elle savoir.

Et par rapport à cette question de maturité qui revient sans cesse, elle déclare : ‘’L’âge n’est qu’un chiffre ; la maturité, c’est dans la tête, dans l’esprit. Je dirais que les gens ont une conception assez erronée de la maturité. Il est vrai qu’on acquiert de l’expérience en vieillissant, mais je ne suis pas très adepte de ces pensées. Je crois qu’un enfant peut avoir une certaine ouverture d’esprit, un certain sens de l’observation du monde qui lui permet de saisir des choses que même l’adulte n’est pas capable de saisir.’’

BABACAR SY SEYE

 

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