Publié le 20 Feb 2019 - 23:43
PRESIDENTIELLE 2019

Sur les traces d'Ousmane Sonko

 

Véridique, fougueux, téméraire, réservé, le candidat de la coalition Sonko-Président est, selon nombre d'observateurs, la révélation politique de ces dernières années. Né à Thiès, grandi à Ziguinchor, le fils de Mame Khady Ngom est une synthèse entre les cultures baol-baol de sa maman et diola de son papa. Il est raconté à ‘’EnQuête’’ par les siens.

 

En apparence, il a plutôt l’air d’un homme fermé, réservé, qui n’ouvre la bouche que pour discuter de choses très sérieuses. Genre : pétrole, gaz, système, finances publiques… Quand il se lâche, c’est donc un évènement. Tobor, à l'entrée de Ziguinchor, par dizaines, les Casaçais sont venus accueillir un des leurs, en ce lundi 11 février. Plus loin, au niveau du rond-point Aline Sitoé Diatta, c'est l'apothéose. L'émotion est grandiose. L'atmosphère électrique. Le candidat de Sonko-Président entonne cette douce sonorité du Sud qui a bercé nombre de Casamançais : ‘’Hoo wé wo yaa yé….’’ Vite, il se retient. Mais devant, il y a un public déchainé, totalement acquis à sa cause, qui est là pour continuer la chanson mythique, hymne des peuples au sud du Sénégal. Dans une tonalité dont ils sont seuls maitres, ils chantent : ‘’Ho wé wo ya yé, bi le dian Casa biyala ; Casa fonikel wol le paréta, Ziguinchor Sonko binala.’’ Pour résumer : ‘’La Casamance est prête pour accueillir son fils. Ziguinchor, Sonko est ton enfant.’’

Dans le verbe, dans le geste, dans le mouvement, tout indique, chez ces populations, que l’hôte du jour est un invité privilégié. De toutes parts, surgissent des sympathisants, jeunes comme vieux, chantant et dansant. Et sur des kilomètres, parfois courant, parfois marchant, tous comme un seul homme, se mettent au diapason. "Vous êtes la fierté de la Casamance’’, ‘’Vous êtes l’espoir de la Casamance’’… entend-on par-ci, par-là. Du chauvinisme pour certains. De l’estime de soi pour beaucoup d’autres. Mais, dans cette foule de militants surexcités, d’aucuns oublient ce sentiment régionaliste, mettant en avant la République, une et indivisible. Lansana Sané : ‘’Nous ne le soutenons pas parce qu’il est de Ziguinchor. Si nous sommes avec lui, c’est surtout grâce aux idées qu’il défend. On en a marre de ce système. Il est temps que les choses bougent. Que le Sénégal se développe. Et la région de Ziguinchor doit être le moteur de ce développement du Sénégal.’’

Sur place, que d’émotion ! A l'appel de la terre, Ousmane n’a pu résister. Les bras levés vers le ciel, il rugit à son tour : ‘’Ho wé…’’ C’était la première fois. Peut-être la dernière. Mais partout en Casamance, ce refrain aura bercé son cœur. Lui, l'enfant de Bessire, l'enfant des Hlm Néma où réside encore sa maman, Mame Khady Ngom. Dans sa noirceur d'ébène, la bonne dame, assise dans son salon, se rappelle le jour où son fils a été radié de la Fonction publique. "C'était très dur, dit-elle. Cela m'a fait mal. Mais nul ne peut échapper à son destin. Moi, je suis une force tranquille. Je n'ai jamais eu peur de la vie. Du moment qu’Ousmane est entré en politique, on ne peut refuser que ses adversaires disent du mal de lui. Quand il n'était pas en politique, personne ne s'intéressait à lui".

 L’épisode de la radiation de la Fonction publique

Originaire du Baol, plus précisément de Khombole, Mame Khady Ngom a, toute sa carrière, été au service des populations. En tant qu’assistante sociale, elle a servi dans différentes contrées. Ce qui fait d'ailleurs de son enfant un fils, non pas de la Casamance seulement, mais du Sénégal.

Né le 15 juillet 1974 à Thiès, Ousmane, nourrisson de 6 mois, a fait une brève escale à Vélingara où il séjournera jusqu'à l'âge de 18 mois, avant de quitter le Fouladou pour d'autres destinations. Sur les terres de sa ligne paternelle, Ousmane ne s'établira que vers l'âge de 6 ans. Pour faire ses études notamment. Après l'entrée en 6e, il dépose ses baluchons au collège Amilcar Cabral où il obtiendra son Bfem, avant d'atterrir au lycée Djignabo puis à l'université Gaston Berger de Saint-Louis et à l'Ecole nationale d'administration.

 Daouda Guèye était son enseignant de la 6e à la terminale. Il déclare : ‘’Je parle sous la casquette de l'enseignant qui a eu dans sa classe l'élève Ousmane Sonko. Je voudrais rassurer chaque Sénégalais sur ses principes et convictions qui ne datent pas d'aujourd'hui et qui ne sont pas liées au contexte politique.’’ Pour l'enseignant, Ousmane s'est toujours battu contre l'injustice. D'où qu'elle vienne. "Je l'ai connu ainsi alors qu'il n'avait que 14 ans. Ceux qui l'ont eu dans leur classe peuvent en témoigner. Ce que je retiens de lui, c'est son aptitude à s'opposer à toute forme d'injustice. C'est pourquoi sa radiation de la Fonction publique n'a pas été une surprise pour moi."

Une radiation qui avait suscité beaucoup de polémiques. Loin de baisser les bras, l’enfant de Néma, rebelle dans l’âme, prend alors son destin en main et entre dans le maquis. En 2014, il crée sa propre formation politique, Pastef/Les Patriotes (Patriotes du Sénégal pour l’éthique, le travail et la fraternité) Son combat : ‘’Dieulé fi système bi’’ (Enlever le système) comme il aime si bien le répéter. Depuis lors, il est comme sur une étoile. Partout au Sénégal, certains le présentent comme un modèle. Pour ses partisans, Ousmane est presque parfait. Un demi-dieu dans la jungle politique sénégalaise. Comme à Ziguinchor, à Bignona, la réception est simplement exceptionnelle. Ici, dans le Fogny, où sont nés ses ancêtres paternels. On aurait dit un messie de retour auprès de son peuple captif, dans l’optique de le libérer de la domination. Comme si, en Sonko, beaucoup se reconnaissaient enfin Sénégalais. En fin politique, le jeune leader en profite, en cette période préélectorale, où tous les moyens sont bons pour pêcher des voix. Conscient que son patronyme n’est pas pour rien dans cette mobilisation monstre qui lui a été réservée presque partout en Casamance, Ousmane ne manque pas de jouer sur la fibre sentimentale.  A ses nombreux militants, il confie : ‘’J'ai dit à Macky Sall que doolé dokhoul jamm. Je le lui ai dit à Fatick où j’ai passé la nuit. Je suis fier d’être ziguinchorois. Je suis fier de venir à Ziguinchor. Ici, j’ai vu mes amis, mes sœurs, mes parents…’’

‘’En bon Diola, Ousmane raffole du ‘’siggi saay’’, du ‘’kaldou’’ et du ‘’ettojaay’’

 Auparavant, partout où il est passé, Ousmane Sonko n’hésitait pas à inviter les électeurs à voter uniquement en se basant sur le profil des candidats, leur offre au plan programmatique. Pas sur la base de leur appartenance ethnique ou de leur origine géographique. Un plaidoyer qui, il faut le souligner, a encore du chemin.  En tout cas aux Hlm Néma (Ziguinchor) comme à Bessire dans le Fogny, l’on semble déjà faire son choix. Un choix qui, naturellement, porte sur l’enfant du village. Qui, selon nombre de témoignages, est un homme droit, un homme véridique, un homme travailleur…

Trouvée dans la cuisine de la demeure familiale aux Hlm Néma, Mamy Diallo est l’épouse du frère d’Ousmane Sonko. Elle ne tarit pas d’éloges. Pour elle, ‘’Ousmane est un homme exceptionnel. Je prends à témoin le Tout-Puissant. J’ai fait ici plusieurs années, mais jamais on ne s’est querellé. Certains me prennent même pour sa sœur. C’est quelqu’un qui aime beaucoup sa famille, qui fait tout pour la soutenir. Ce qui m’a le plus marqué, c’est quand son père est décédé. Il est venu me dire : ‘Maintenant, yaay borom keur gui (Tu es le chef de famille) parce que simplement, je suis l’épouse de l’ainé de la famille’’. En bon Diola, renchérit la belle-sœur, Ousmane raffole du ‘’siggi saay’’, du ‘’kaldou’’ et du ‘’ettojaay’’, le plat du vendredi.

Dans son discours, Ousmane inspire parfois la peur. En tout cas, pour les gens du système dont certains le taxent de salafiste, d’extrémiste et de tant d’autres péchés. Lui reste concentré sur son objectif. Il n’empêche, des coups, il sait bien en rendre. Comme il sait aussi en prendre. Il attaque, il tire et il cogne sur tout ce qui bouge. Même la presse n’échappe pas à son tempérament bouillant. Pour certains observateurs, l’homme est parfois un peu trop sûr de lui. Trop suffisant et orgueilleux, pour ne pas en dire plus. On ne peut non plus lui dénier son courage illimité, peut-être même un peu téméraire. Bravant souvent les zones considérées par certains comme des terrains minés. Par exemple, à Mbour, face aux militants de Bby qui interdisaient l’accès de sa délégation au quai de pêche où ils devaient tenir leur meeting, il est allé jusqu’à descendre de son véhicule et marcher sur la foule. A Fatick où il est accueilli par des gens de l’Apr armés de machettes, lui est debout sur son toit ouvrant, son pied droit nu posé au-dessus de la rutilante voiture. Comme s’il était dans son salon.

A Ziguinchor, il défie les gendarmes qui lui interdisaient de traverser le pont Emile Badiane, car il était déjà 22 h passées… Ce qui montre toute sa détermination dans son combat contre toute forme d'injustice. Un vrai rebelle, dirions-nous en d’autres circonstances. Ne reculant devant rien. Ce qui ne date pas d’aujourd’hui, comme l'a dit son professeur. Ce témoignage de sa maman ne dit pas le contraire. Pour elle, Ousmane a toujours été fougueux. Il fait ce qu'il veut.

Bon footballeur…

Bagarreur, Sonko l’est. Vieux Sonko est son frère. Il confirme : ‘’Ousmane n’insultait personne. Mais il ne digérait pas non plus qu’on se moque de lui. Souvent, il se battait. Tang khol la woon’’, sourit-il, s'empressant d'ajouter : "Beugoul kouko yapp". En plus de tout cela, il aime profondément la vérité. ‘’Moko gueuneul loumou meunty ame’’, ajoute le grand frère.

Brillant intellectuel, homme de caractère, époux et père aimant, Ousmane était également bon footballeur. ‘’Je peux vous affirmer, souligne Vieux Sonko, qu'il aurait pu tout avoir avec le ballon. Son poste de prédilection était milieu de terrain. Mais il était aussi polyvalent et a régalé lors des tournois inter-quartiers où il jouait pour le Jaraaf (l'équipe de son quartier)’’. Comme tout enfant de la Casamance, il aimait aussi sortir les nuits. Parfois, en bravant les consignes du père. "Il profitait des moments d'inattention du vieux pour s'éclipser. Car il aimait le ‘samory’, le ‘door daakhé’... (des jeux d’enfants). Or, le vieux nous défendait de sortir la nuit’’, explique Vieux Sonko. Pour la maman, son engagement politique n'est nullement une surprise. En effet, en 2005, contre l'avis de son père et de sa mère, il décide de créer avec des amis le premier syndicat dans l'Administration des impôts. Obsédé qu'il est par l'injustice. "Dès lors, je ne peux m'étonner de son engagement politique. Car c'est juste le prolongement de l'engagement syndical". La foi en bandoulière, Maman Khady ne se soucie nullement des multiples attaques contre son enfant chéri. Elle dit : "C’est son destin. Il ne pouvait y échapper. Je n’aurais jamais pu imaginer qu’il arriverait à ce stade. Je prie simplement que Dieu le préserve afin qu'il réussisse sa mission pour le Sénégal.'’

Mor Amar

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