Publié le 15 May 2020 - 03:36
PRISE EN CHARGE CORONAVIRUS

La problématique des rechutes

 

Déclaré guéri du coronavirus et libéré samedi matin, le patient de Pire avait eu des problèmes respiratoires le même jour, après la rupture du jeûne. Evacué à Tivaouane, il sera déclaré à nouveau positif par le corps médical. Ce qui soulève des interrogations autour du suivi des personnes déclarées guéries et de la fiabilité des tests.  
 
 
Y a-t-il de la rigueur dans le système de prise en charge des malades du coronavirus et des patients déclarés guéris, suite à une infection à la Covid-19 ? La question mérite d’être posée, au vu des cas de rechute ou de réinfection notés sur le territoire national. 
 
Après Ziguinchor, la commune de Pire, dans le district sanitaire de Tivaouane, entre dans la danse. Un patient, libéré samedi dernier vers les coups de 9 h, a fait une ‘’rechute’’, dès la fin de la journée, après la rupture du jeûne.
 
Le plus cocasse, d’après nos sources, c’est que la victime, malgré l’interdiction du transport interurbain, a pu quitter son lieu de résidence à Dakar pour regagner sa famille établie dans le département de Tivaouane, moyennant 50 000 F CFA. Le médecin-chef de région, Dr Malick Ndiaye, précise : ‘’En fait, quand un patient est guéri, on lui délivre un document qui lui permet de rentrer même jusqu’à Ziguinchor, s’il le souhaite. Je dois préciser que ce patient avait contracté la maladie à Dakar, plus précisément à Yoff où il travaille. Après sa guérison, il a préféré rejoindre sa famille à Pire.’’
 
Arrivé dans sa ville natale, aux environs de 11 h, il lui aura fallu environ 10 heures seulement, pour souffrir de problèmes respiratoires. Evacué à l’hôpital Mame Dabakh de Tivaouane, des prélèvements lui ont encore été faits et ont abouti à un test positif, publié le lundi. Les équipes médicales ont ainsi été dépêchées à Pire pour s’occuper des cas contacts. Lesquels ont été mis en quarantaine dans un hôtel, à Mboro. Ils seraient, selon le MCR, au nombre de 16. 
 
Mais comment le cas a pu être identifié, s’il n’a pas eu une nouvelle attaque le jour même de sa libération, comme le défend le chef de la région médicale ? Ce dernier déclare : ‘’Je ne suis pas habilité pour répondre à certains détails, étant loin de la chaine. Il faudrait s’adresser au chef du district qui pourrait vous donner des éléments plus précis.’’
 
Toutefois, tient-il à préciser, les premiers prélèvements effectués sur deux des 16 contacts identifiés sont revenus négatifs. Selon lui, on ne saurait parler, pour le moment, de rechute. ‘’Il aurait bien pu contracter à nouveau la maladie dans son quartier de résidence à Yoff, considéré comme un des épicentres du coronavirus à Dakar’’. Mais, par rapport à la lancinante question sur l’existence d’une procédure particulière pour l’accompagnement des patients guéris, il rétorque : ‘’Ça, je ne saurais y répondre. Il faudrait vous adresser au Pr. Seydi.’’
 
Des bombes ambulantes
 
Cordonnier à Yoff, le patient y avait contracté, pour la première fois, le virus, avant d’être libéré au bout de 20 jours environ de traitement. Mais le plus inquiétant est que ses proches n’étaient informés de rien, puisqu’il était interné loin d’eux à Fann. Aucune mesure particulière de précaution n’a donc été prise dans la grande concession familiale. Son épouse, ses enfants et d’autres membres de sa famille ont ainsi été mis en quarantaine dans un hôtel situé à Mboro.  ‘’Beaucoup de personnes sont allés lui rendre visite, pensant qu’il souffrait juste à cause de son diabète’’, confie notre source.
 
Joint par téléphone, le Pr. Seydi a refusé tout commentaire sur ce nouveau cas de rechute ou de réinfection, non sans renvoyer à ses précédentes explications, suite au cas de Ziguinchor. A l’époque, il expliquait : ‘’C’est trop tôt pour parler de rechute ou de réinfection. Dans le langage médical, rechute a une signification particulière. Rechute ou récidive sont des termes assez particuliers. Cela veut dire que le malade n’était pas complètement guéri. Il y avait toujours des virus dans son organisme. On pensait qu’il était guéri et il a refait une symptomatologie, suite à la complication du virus…’’ 
 
Poursuivant son argumentaire, il informait : ‘’Ce sont des cas qui méritent d’être documentés. Même dans le monde, avec plus de 2 millions 500 mille cas, on n’a pas observé plus de 100 cas de ce type. Mais on est en train de voir quelle est la raison. Est-ce que c’est avec un virus légèrement différent ? Est-ce parce que le patient n’était pas complètement guéri et on a pensé qu’il était guéri ? Il y avait toujours des virus en petite quantité. Donc, la situation n’est pas très claire. Mais en tout état de cause, ça ne change pas grand-chose au problème.’’  
 
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DR ALIOUNE BLONDIN DIOP, MEDECIN-INTERNISTE
 
‘’Il y a entre 30 et 40 % de faux négatifs’’
 
Joint par téléphone, l’ancien praticien des hôpitaux de Paris, le médecin interniste Alioune Blondin Diop, dissèque, pour ‘’EnQuête’’, ces cas de récidive ou de réinfection. Tests et physiopathologie du virus sont au banc des accusés.
 
Avec ce deuxième cas de ‘’rechute’’, des voix s’élèvent pour s’interroger sur le dispositif de suivi des patients libérés de Covid-19. Comment le patient a pu quitter Dakar pour se rendre jusqu’à Pire ? A-t-il été sensibilisé sur la nécessité de prendre des précautions pour ne pas tomber malade à nouveau ? Les tests effectués sont-ils fiables à 100 % ? Par rapport à cette dernière interrogation, le Dr Alioune Blondin Diop explique : ‘’Même les tests génomiques qui identifient l’ARN, donc le noyau, la preuve formelle de la présence du virus, ne sont pas fiables à 100 %. En France, des études ont montré qu’il existe 30 à 40 % de faux négatifs (on dit que c’est négatif alors que ce n’est pas complètement négatif). Les études l’ont démontré en Europe comme aux Etats-Unis. Le Sénégal ne saurait faire exception.’’
 
A la décharge de ses confrères, souligne-t-il, c’est un phénomène noté partout. Dès lors, insiste-t-il, il faut une surveillance des patients déclarés guéris et libérés. Selon le médecin interniste, ce taux important de faux négatifs peut s’expliquer par une inactivité du virus. ‘’Il (le virus) peut, renchérit le spécialiste, se mettre dans ce qu’on appelle des réservoirs du virus. A ce moment, lorsqu’on fait le prélèvement sur la gorge ou les cellules respiratoires par exemple, il se peut que le virus n’y soit pas. Du coup, on peut avoir du négatif, parce qu’on n’est pas tombé sur le noyau à l’endroit du prélèvement’’.
 
Pour le Dr Diop, ce n’est donc pas la technique qui est remise en cause, mais c’est la physiopathologie même du virus qui est en jeu. ‘’C’est-à-dire, le virus rentre, il infecte les cellules respiratoires… et après, il se met dans les réservoirs du virus. Et en ce moment-là, on ne le retrouve pas sur ses positions habituelles, alors qu’ils sont bel et bien nichés dans l’organisme et ils peuvent se réactiver au niveau pulmonaire. C’est très, très rare. Cependant, environ 1 à 10 % des cas sont concernés’’, fait-il remarquer. 
M. AMAR
 
SUR L’IMMUNITE PROTECTRICE
 
Des études ont montré que seuls 24 % des personnes développent des anticorps
Cela dit, cette question soulève également celle relative à l’immunité protectrice. Une fois malade de la Covid-19, peut-on à nouveau contracter le virus ? 
 
Selon le Dr Alioune Blondin Diop, il n’est pas possible, en l’état actuel des recherches, de répondre par l’affirmative ou la négative. En France, les études ont révélé que seuls 24 % des personnes testées ont développé des anticorps qui les protègent contre une nouvelle infection. ‘’L’immunité protectrice, c’est le fait, pour une personne déjà infectée, de développer des anticorps qui le protègent. On n’est pas encore sûr à 100 % que c’est le cas avec tous les malades du coronavirus. Des études ont été faites en France, mais elles ont révélé que seules 24 % ont des anticorps protecteurs, soit à peine le quart’’. 
 
De ce fait, insiste-t-il sur la surveillance et la sensibilisation des patients guéris. ‘’Je pense qu’il faut une surveillance pendant 14 jours. D’abord, psychologiquement, ce sont des gens faibles. Il faut donc veiller à ce qu’ils ne soient pas en contact avec des personnes susceptibles de les contaminer à nouveau. L’autre chose est de leur faire des tests pour voir s’ils ont des anticorps, car il peut en effet arriver que notre corps se soit suffisamment battu pour produire des anticorps protecteurs.
 
MOR AMAR

 

 

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