Publié le 11 Oct 2017 - 22:26
PRISE EN CHARGE DES PATIENTS

Des guides pour démythifier la maladie mentale

 

La maladie mentale est mal prise en charge au Sénégal, du fait qu’elle est du ressort exclusif des structures spécialisées. Le ministère de la Santé veut faire disparaitre le mythe, grâce à des guides destinés au personnel soignant. La question a été abordée hier, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale.

 

La maladie mentale est un problème de santé publique. Au Sénégal, les malades mentaux sont souvent stigmatisés, marginalisés et laissés à eux-mêmes. Les structures spécialisées pour leur prise en charge ne sont pas nombreuses, les psychiatres non plus. Pour une meilleure prise en charge de ces troubles psychiques, le ministère de la santé a élaboré deux guides afin d’aider les médecins généralistes et autres agents dans le traitement des malades.

La révélation a été faite, hier, lors de la célébration de la journée mondiale dédiée à cette question. Le chef de la Division de la santé mentale a soutenu que ces guides ont vu le jour après un constat. Il s’agit de l’absence de décentralisation et la stigmatisation. Il est donc question, ici, de casser le mythe qui entoure cette pathologie et d’en faire une maladie comme les autres, pour mieux la traiter.

Selon le professeur Aïda Sylla, la stigmatisation ne s’arrête pas à la maladie et aux malades mentaux, mais peut même s’étendre aux structures qui les prennent en charge. ‘’Dans le domaine médical, quelle que soit l’affection, un système de référence et de compte-référence est respecté. Lorsqu’un collègue envoie un malade, il y a un minimum qui est écrit sur un papier avec les raisons pour lesquelles il est référé. Tous les psychiatres vous diront que lorsque les collègues leur réfèrent un malade mentale, c’est en jetant le bébé avec l’eau du bain. Pas un seul mot sur la maladie, comme si celle-ci n’était que l’apanage de ceux qui ont été spécialement formés pour le traiter’’, regrette le Pr. Sylla.

Il s’y ajoute qu’au Sénégal, les malades atterrissent directement dans les structures spécialisées, alors que celles-ci ne sont pas nombreuses.  De ce fait, ajoute Mme Sylla, les médecins ont une certaine réticence à prendre en charge les patients, parce qu’ils ne se sentent pas concernés. D’où ce plaidoyer auprès des populations, mais aussi auprès des prestataires pour que la question soit traitée autrement. ‘’Nous voulons que, quelle que soit la structure de santé, qu’elle puisse apporter de l’aide à ceux qui souffrent de la maladie mentale’’, plaide-t-elle.

‘’Le travail de nuit, les tâches non définies

Le directeur de cabinet du ministre de la Santé et de l’Action sociale, Alassane Mbengue, déclare qu’à travers ce guide, le département a décidé d’outiller tous les acteurs de la santé, à tous les niveaux de la pyramide sanitaire, afin qu’ils puissent détecter à temps et traiter les malades mentaux. Tout en leur fournissant un accompagnement social. Selon lui, souffrir de difficultés liées au travail ne signifie pas toujours qu’on a besoin d’une hospitalisation ou même d’une consultation dans une structure spécialisée. ‘’C’est pour cela que les médecins généralistes, tous les prestataires de soins, doivent être renforcés pour reconnaitre ce genre de troubles. Ces guides permettront à tous les acteurs de la santé  mentale, quel que soit leur niveau, d’avoir les réponses adéquates aux besoins de santé mentale’’, espère M. Mbengue.

Pour cette année, le thème retenu traite de ‘’La santé mentale sur les lieux de travail’’. Le professeur Aïda Sylla a révélé que la dépression sur les lieux professionnels est souvent due à des trouble de travail, à des tâches auxquelles la personne ne peut répondre, mais aussi à l’organisation des activités. ‘’Le travail doit être organisé et qu’il y ait des plages de pause, de repos, de restauration. Le travail ne doit pas déborder sur la vie de l’individu. Il y a beaucoup de facteurs qui font que même sans se rendre compte, le milieu professionnel peut envahir l’espace social, l’espace de vie de la personne’’, a-t-elle expliqué. Pour étayer ses propos, elle a cité comme exemple le fait que quelqu’un peut se trouver à un moment de repos chez lui avec sa  famille et devoir se retirer pour lire un email, trouver des documents et répondre à son employeur, alors que c’est samedi ou dimanche ou 3 h du matin. ‘’Sans qu’on y fasse attention, c’est le travail qui va déborder sur la vie de l’individu. Il faut que nous soyons attentifs pour mieux organiser cet espace’’, alerte-t-elle.

Les professions les plus exposées

Le professeur a, en outre, listé les professions qui sont les plus touchées par la dépression. Il s’agit, selon elle, des postes où les travailleurs ont des problèmes de sécurité tout le temps. Les postes ou il y a un travail de nuit. ‘’C’est-à-dire des personnes qui peuvent passer toute la nuit à travailler pour récupérer le jour. Nous savons tous que l’organisme est programmé pour dormir à la pénombre et fonctionner à la clarté. Ce sont des professions qui peuvent être exposées à une souffrance mentale’’, a expliqué le Pr. Sylla. Les lieux de travail où les tâches ne sont pas clairement définies en font également partie. ‘’C’est-à-dire les postes où la personne ne sait pas ce qu’elle doit faire, où la transmission de l’information n’est pas clairement identifiée. On peut te tomber dessus à tout moment. Ce sont des postes où les personnes peuvent être déstabilisées au niveau mental’’, a-t-elle soutenu.

De son côté, Alassane Mbengue a souligné qu’un  cas de travail négatif peut entrainer des problèmes de santé physique et mentale. ‘’Plus de 300 millions de personnes souffrent de dépression. C’est la principale cause d’incapacité. Plus de 260 millions présentent des troubles de l’ancienneté. Un grand nombre vit avec les deux pathologies. Dans l’entreprise, une des conséquences est la baisse de productivité et de compétitivité. Il est important que les structures de santé accompagnent efficacement les personnes victimes de ces tensions générées par le monde du travail.  

VIVIANE DIATTA

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