Publié le 6 Aug 2014 - 11:21
PROCÈS KARIM MEISSA WADE

 L’ennui In limine litis*

 

‘’La loi est dure, mais c’est la loi’’… Jamais de mémoire de Sénégalais lambda on a autant ressenti la véracité de cet adage. L’ennui, au bout du 3e jour du procès, a été tellement palpable qu’il a été ressenti par l’audience jusque dans sa chair !

 

Ouverte, une fois n’est pas de coutume, aux environs de 14h30, à cause d’une requête des avocats de la partie civile, l’audience d’hier ne s’est pas résumée à grand-chose, s’il s’agit de mesurer le progrès parcouru jusque-là dans le procès. En effet, c’est exactement la même question posée lundi qui a été débattue à nouveau hier : à savoir la compétence de la CREI à juger Karim Wade.

Les avocats des deux parties n’ont cessé, ainsi, de finasser sur les détails et de faire des acrobaties techniques pour justifier pourquoi, dans un sens comme dans l’autre, ladite Cour est habilitée ou pas à décider dans l’affaire qui tient en haleine l’opinion publique nationale… Et on n’est pas encore fixé ! Autant dire qu’hier encore, nombreux sont ceux qui ont joué sur leurs tablettes tactiles, envoyé des SMS ou encore fait une petite sieste pendant l’audience. Et, croyez-nous, les avocats font partie de la catégorie suscitée !

Concernant la star de ce procès show business, elle était (on s’en doute) bien au rendez-vous, ayant choisi pour l’occasion de se vêtir de blanc immaculé des pieds à la tête, foulard et bonnet assortis. Karim Wade, arrivé peu avant l’ouverture du procès, a ainsi comme d’habitude sacrifié quelques précieux moments à faire des ‘’V’’ de la victoire et saluer la foule de ses fidèles, aujourd’hui composés d’un nombre important de jeunes filles en fleur (et en pâmoison).

Opération de charme

Souriant à tout va, le Meïssa (pour ne pas dire, à en croire certains, le messie) s’est bien évidemment évertué à rester, tant que faire se peut, très abordable pour le public. Une attitude qui lui a valu des points de sympathie, même au niveau de la presse à la vue de certains ‘’spécimen’’ intéressants de persuasion (apparemment) féminine qui se sont présentés devant son box… Et on a vu certains de nos confrères grimacer ! Cet aspect de la journée, bien que fort divertissant, n’étant évidemment pas le plus pertinent, revenons aux déclarations des avocats.

Prenant la parole en premier, les avocats de l’État n’ont pas perdu une miette du temps qui leur était imparti pour apporter une réponse aux propos tenus, la veille, par leurs adversaires... Si on ne prétend pas avoir pris note de l’intégralité desdites prises de parole, on reconnaît néanmoins qu’il y en a eu certaines qui se sont détachées du lot comme des pépites d’or extirpées des eaux boueuses du lit d’une rivière… Malheureusement, pas toujours du fait de leur pertinence.

Me El Hadji Diouf égal à lui-même

On notera donc l’énième frasque de Me El Hadji Diouf, avocat-parlementaire devant l’Eternel, qui a fait l’amalgame entre ‘’infection urinaire’’ et ‘’MST’’ (maladie sexuellement transmissible), dans le cas de Bibo Bourgi (c’est sa femme qui va apprécier!) ou encore qui a déclaré que le camp adverse, ‘’en criant victoire’’, lors d’une conférence tenue hier au Terrou-bi, a implicitement reconnu la compétence de la CREI à juger Karim Wade… Autant dire que c’était du Me El Hadj Diouf pur et non dilué.

Du côté de ses collègues moins fantasques, Mes Simon Diagne et Yérim Sow ont été à la proue de l’offensive, toujours (rappelons-le) sur la question de la compétence de la CREI et en réponse à la défense, sans manquer de tacler un peu l’inculpé principal au passage. En effet, Me Sow a (en concluant) taxé Karim Wade de ‘’Papa m’a donné’’, en corrélation, a-t-il expliqué, au fils d’un ancien président français qu’on aurait, en son temps, affublé du surnom de ‘’Papa m’a dit’’ (Sarkozy fils?).

Me Sall : ‘’Le nègre doit grandir !’’

Vint ensuite le tour des avocats de Karim Wade. Les attaques, de ce côté également, ont plu, avec Me Demba Siré Bathily qui, par exemple, a décrété que l’on avait passé ‘’3h à ne rien dire’’, en faisant allusion au temps de parole alloué à la partie civile. Mais ces propos, aussi incendiaires soient-ils, n’étaient qu’un échauffement pour les robes noires de la défense. L’estocade a été portée par Me El hadj Amadou Sall. En effet, l’avocat a cru bon de jouer sur le facteur ‘’race’’, en décrétant que l’autre camp a insinué qu’il y a ‘’des blancs’’ qui ne les respectent pas (NDLR : les avocats parisiens), avant d’ajouter que ‘’les nègres ont pour habitude, lorsqu’ils ont des problèmes, de traiter les blancs de blancs’’…

Karim applaudit Me Sall

Pour ceux qui n’ont pas bien compris à cet instant où Me Sall voulait en venir, l’avocat a martelé : ‘’Arrêtons de nous référer à la couleur de peau et à la nationalité des gens ! Le nègre doit grandir !’’. S’il n’est pas sûr que ses propos l’aient personnellement grandi, la plaidoirie de l’avocat a réservé une dernière pépite ! En effet, souhaitant répondre au ‘’Papa m’a donné’’ de Me Sow, l’avocat a demandé aux juges, si le fait que l’actuel Président ait, lui-même, déclaré avoir bénéficié de la générosité d’Abdoulaye Wade, du temps où ce dernier était Chef de l’État, voudrait dire que Macky Sall doit se voir affublé du sobriquet de ‘’Tonton m’a donné’’.

Interrogation (rhétorique, évidemment) à laquelle Karim Wade, de son box, a réagi en applaudissant… Étant vite imité par une partie de la salle, avant qu’un gendarme ne le ramène à l’ordre, en le fusillant du regard. Les déclarations se sont ensuite succédé, jusqu’à 18h pile, heure à laquelle le Président de la Cour à sonné la ‘’descente des classes’’, au moment où une fine pluie commençait à tomber sur Dakar.

Un présage, peut-être ?

* ‘’Dès le commencement du procès"

Sophiane  Bengeloun

 

 

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