Publié le 8 Jan 2020 - 20:43
PROCES ASSASINAT FATOUMATA MATAR NDIAYE

Récit d’une folie furieuse 

 

Samba Sow alias Bathieu, âgé de 33 ans, a comparu, hier, devant la chambre criminelle du tribunal de grandes instances de Dakar, pour avoir égorgé la présidente des femmes Apr du département de Pikine Fatoumata Matar Ndiaye, et pour tentative d’assassinat sur le fils de la victime Adama Sow. Il risque la perpétuité.

 

‘’Avez-vous eu une carrière de boucher ?’’, a lancé le représentant du parquet, sidéré par la violence de l’assassinat de la responsable politique Fatoumata Matar Ndiaye et convaincu de la culpabilité de Samba Sow, hier. Les faits se sont déroulés le 19 novembre 2019 entre 07H 50mn et 08H 30 mn. Les éléments du commissariat de Pikine ont trouvé la présidente des femmes Apr du département de Pikine et vice-présidente du conseil économique et social égorgée, gisant dans une mare de sang. Elle avait la gorge tranchée, la trachée artère, la jugulaire, les muscles omohyoïdiens sectionnés, mettant à nu les vertèbres cervicales ; des blessures au couteau et des égratignures.

L’accusé Samba Sow était considéré comme un membre de la famille de la victime qu’il appelait maman. Depuis 4 ans avant son arrestation, il officiait comme chauffeur de la dame. Selon l’accusation, il s’est introduit dans la chambre à coucher de la vice-présidente du conseil économique et social, pour y dérober une somme d’argent que la victime avait soigneusement gardée dans son armoire. L’argent devait être remis, en guise de dot, à sa copine Mbenda Fall qu’il devait épouser le 26 novembre. Ce matin-là, il pensait que sa patronne était encore dans la salle de bain, quand il s’est introduit dans la chambre, essayant d’ouvrir le placard ou était rangé l’argent. La veille, il est entré dans la maison vers 19h pour demander la clef du garage, prétendant y avoir oublié quelque chose. Il a entre-ouvert la porte, pour pouvoir s’y introduire, le soir venu et y passer la nuit. Et faire sa basse besogne au petit matin, puisqu’il connaissait les habitudes de la famille.

Malheureusement pour lui, sa patronne l’a pris la main dans le sac, essayant d’ouvrir son armoire. Elle l’a abreuvé d’insultes et traité d’imbécile. Mais au lieu de battre sa coulpe, il a vu rouge. Il s’est emparé du couteau posé sur un meuble de coin pour la poignarder sur la cuisse et lui assener deux coups dans le thorax. Pris dans une folie meurtrière, Samba l’a plaquée au sol et l’a égorgée pour ensuite s’en prendre à son fils Adama Sow qu’il a croisé dans le couloir. Il voulait lui réserver le même sort. Ce fut la première version de l’accusé.

En effet, de l’enquête préliminaire à son audition devant le juge d’instruction, Samba Sow n’a cessé de servir des versions différentes aussi invraisemblables les unes que les autres. Ainsi, entendu de nouveau, il a confié que sa patronne lui avait refusé des jours de congés pour aller au Magal de Touba. Que lors d’un échange, elle lui a versé de l’eau chaude. Ce qui l’a mis hors de lui. Il l’a égorgée. 

Lors de sa troisième audition, il a soutenu être allé à la rescousse du fils de la responsable Adama Sow qui se bagarrait avec un individu. C’est là qu’il a eu la blessure à la main. Une fois devant le juge d’instruction, il est revenu à sa déclaration initiale et réitéré qu’il avait un besoin urgent d’argent, à l’époque, pour organiser son mariage.

Puis, il a prétendu que l’assassinat est l’œuvre d’un voleur qui s’est introduit dans la maison, pour au final, sortir la thèse d’un ensorcèlement commandité par sa tante qui s’est liguée avec la responsable politique Awa Niang et des responsables d’Apr, sans oublier la première dame. Cerise sur le gâteau, il a nié avoir dormi dans le garage de la victime et a prétexté avoir passé la nuit chez le charlatan.

Insolence et arrogance

Hier, dans une chambre correctionnelle pleine à craquer, Samba Sow s’est livré à un véritable show. D’une insolence et d’une arrogance devenues proverbiales, il a sidéré le tribunal. N’ayant d’égard pour personne, ni le tribunal ni sa famille venue le soutenir, il n’hésitait pas à couper la parole au juge ainsi qu’au procureur. A Me Abdou Dialy Kane de la partie civile, il a tout bonnement refusé de répondre aux questions.

L’accusé a soutenu que le jeudi 18 novembre, il avait été chez sa petite amie jusqu’aux environs de 23h. Ils se sont donné rendez-vous le lendemain. Le 19 novembre, sa tante Fatou Sow l’a mis en rapport avec un marabout qu’il devait rencontrer à une station-service de Pikine. ‘’La rencontre était fixée à 15H. Je suis allé au point de rendez-vous. Après qu’il m’ait salué, il m’a remis une bouteille contenant du lait qu’il m’a dit d’ingurgiter. Chose que je fis et, juste après, je n’étais plus maitre de mon corps. Je me souviens juste avoir appelé ma fiancée vers 22H pour lui dire que je ne pourrai honorer ma visite’’. Il poursuit : ‘’On s’est rendu ensemble chez Fatoumata M. Ndiaye et on a passé la nuit dans le garage, pour, au petit matin, nous introduire dans sa chambre. Elle nous a surpris. Le marabout l’a poignardée, m’a lancé le couteau et donné l’ordre de m’en prendre à son fils. Je me suis exécuté, mais, cela n’a jamais été mon intention. Je n’ai jamais voulu lui faire du mal, puisqu’il est comme mon frère’’. 

Adama Sow : ‘’Plus je faiblissais, plus le couteau me tranchait la gorge’’

Portant toujours les séquelles de l’agression, Adama Sow, la main bandée à cause de ses tendons fléchisseurs coupés et la voix peu audible, raconte : ‘’Ce matin-là, je suis sorti de ma chambre et j’ai entendu un bruit étrange, comme quelqu’un qui s’étouffait, provenant de la chambre de ma mère. J’ai alors toqué à sa porte, à plusieurs reprises. Puisque personne ne répondait, j’ai commencé à sérieusement m’inquiéter et j’ai fait le tour pour aller à sa fenêtre de derrière où se trouve la salle de bain. J’ai entendu le robinet couler, alors qu’il n’y avait personne. J’ai commencé à crier son nom sans obtenir de réponse. Je suis revenu devant sa porte, essayant de l’ouvrir, mais aussitôt, on l’a fermée à double tour. Une voix à l’intérieur de la chambre m’a dit de faire appel à la police, parce qu’il y’avait un individu dans la chambre’’.

Là, il éclate en sanglots, avant de poursuivre : ‘’Je suis allé dans le couloir en faire part à ma tante Bineta Ndiaye dit Bolo qui était sortie appeler à l’aide. En me retournant, j’ai vu Samba Sow sortir de la chambre, couteau en main et recouvert de sang. Il m’a attaqué et je me suis défendu, en tenant le coutant par la partie tranchante. Ayant perdu mon souffle, je me suis retrouvé par terre, toujours une partie du couteau à ma main. Mais, plus je faiblissais, plus le couteau me tranchait la gorge’’. Le fils de la victime a eu du bol, en perdant connaissance, puisque Samba a pensé l’avoir laissé pour mort.

La sœur de la victime perd connaissance

La tante en question a soutenu avoir crié au secours, mais le voisinage dormait encore, la plupart des gens étaient partis pour le Magal de Touba. ‘’J’étais à terre devant la maison, ne sachant plus quoi faire. Tout d’un coup, j’ai vu Samba sortir furtivement de la maison, recouvert de sang, un couteau à la main. Il courait et je l’ai suivi, criant au voleur, pour alerter le voisinage, mais je n’arrivais plus à le suivre. Je suis tombée au beau milieu du quartier et des passants m’ont aidée à me relever et me ramener à la maison. Adama était déjà conduit à l’hôpital et ma sœur morte’’, a-t-elle témoigné, avant de perdre connaissance dans la salle d’audience.

Gnimou Niang, la maman éplorée de F. M. Ndiaye qui ne parle que le peul, par le truchement d’une interprète, a déclaré qu’elle se trouvait sur la terrasse pour y effectuer sa prière du matin. ‘’J’y suis restée pour prendre de l’air et en profiter pour donner à boire aux pigeons. Subitement, j’ai entendu des hurlements. Je me suis penchée pour voir ce que c’était et j’ai vu mon petit-fils qu’on transportait couvert de sang. J’ai failli sauter du balcon’’. Ensuite, elle a vu des gens entrer dans la chambre de sa fille et en ressortir en hurlant. ‘’C’est là que j’avais compris qu’elle n’était plus. J’ai fermé la porte de la maison pour éviter les curieux, ainsi que la presse, attendant l’arrivée des forces de police’’.

Un autre témoin oculaire du nom de Khadim Ahmadou Bamba Ba atteste avoir croisé Samba dans le quartier avec un couteau et une blessure à la main. ‘’J’ai retiré le couteau de ses mains et je l’ai amené au poste de santé, mais il n’était pas encore ouvert. Sur le chemin du retour, il a pris la fuite et s’est caché à la terrasse d’un voisin. D’ailleurs, c’est là-bas que la police l’a cueilli pour procéder à son arrestation. Je leur ai restitué le couteau’’

Vint le tour de Fatou Sow devant le prétoire pour contester les dire de son neveu. ‘’Tout ce qu’il dit est faux. Il a tué ma moitié, ma meilleure amie qui venait juste de sortir de sa période de viduité. Je passais pratiquement toutes mes journées chez elle. Il devrait juste assumer ses actes. Je n’ai jamais eu de différends avec Fatoumata Matar. C’est une sœur pour moi’’, a-t-elle déclaré. Le Juge a demandé qui avait remplacé la victime à son poste. Elle a répondu que c’était Awa Niang, tout en précisant qu’elle a été élue, après un vote. Battant en brèche la thèse du complot, elle a soutenu n’avoir jamais mis en rapport Samba avec un marabout et n’a jamais cherché de faire du tort à sa chère amie.

L’interrogatoire de l’ex-fiancée

Interrogée sur les faits, l’ex-future mariée, Mbenda Fall a été réticente à la barre. Elle a témoigné que son promis l’avait appelée pour se plaindre de maux de tête et ne s’est pas présenté au rendez-vous. Elle a timidement ajouté qu’il lui avait promis de lui amener la dot, le 20 novembre, pour célébrer leur mariage le 26 du même mois. Elle a fini par souligner que Samba ne l’avait jamais présentée à sa tante Fatou Sow. Ces assertions corroborent celles de Fatou Sow qui a déclaré n’avoir jamais vu Mbenda Fall. Elle avait juste entendu des rumeurs sur leur union et un mariage proche.

Vint le clou du procès, avec le témoignage de Ndèye Fatou Ngone Sarr, cousine de samba Sow. Elle a commencé par demander à la cour de faire convenablement son travail et de réétudier le dossier de Samba Sow. Ce dernier, de la prison, a écrit une lettre au procureur ainsi qu’à sa cousine, dans la laquelle il dénonce un complot sur sa personne. Il y cite même la première dame, comme l’une des commanditaires de l’assassinant de Fatoumata M. Ndiaye. ‘’Il m’a écrit une lettre que voici. A 11 reprises, on a essayé de l’empoisonner en prison’’. Le juge s’est demandé comment il a fait pour échapper à 11 tentatives d’empoissonnement. Mais, elle a poursuivi en criant aussi au complot. Qu’il y a un commissaire de police qui trouvait son cousin au parloir pour le menacer de garder le silence sous peine de mettre fin à ses jours. Mais, elle a très vite été rappelée à l’ordre par le président de la cour qui lui a fait voir les images d’Adama Sow la gorge tranchée.

La partie civile réclame 500 millions

Le conseil de la partie civile Me Abdou Dialy Kane a réclamé 500 millions pour causes et préjudices et le substitut du procureur a demandé que l’assassinat de F. M. Ndiaye soit requalifié en tentative de vol avec usage d’arme et de violence ayant entrainé la mort. Par contre, il a trouvé que la tentative d’assassinat sur Adama Sow est établie et a requis les travaux forcés à perpétuité.

Cependant, les avocats de la défense Mes El Malick et Seck avaient des avis différents sur la culpabilité de leur client. Me Seck a plaidé coupable et a demandé la clémence de la cour, alors que Me El Malick a plaidé l’acquittement pour la tentative de vol et a demandé de requalifier les charges en meurtre et tentative de meurtre.

Le verdict sera rendu, le 21 janvier 2020.

Fama Tall

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