Publié le 18 Mar 2020 - 17:28
PRODUITS DE GRANDE CONSOMMATION

Le tableau des stocks

 

Face à la pandémie du coronavirus, le ministère de la Santé a organisé une rencontre avec les acteurs de la distribution, les opérateurs et les associations consuméristes. Face à la hantise de la fermeture des frontières qui pourrait entraîner la rareté de produits, l’autorité a communiqué sur les réserves disponibles pour rassurer les populations. Elle leur déconseille les achats de précaution, pour ne pas déséquilibrer le circuit de distribution.

 

L’état des lieux de la situation de l’approvisionnement des stocks pour les principaux produits et denrées de première nécessité au Sénégal, a été l’objet d’une rencontre organisée par le ministère du Commerce et des Petites et moyennes entreprises. La rencontre a été présidée par la ministre Aminata Assome Diatta en charge du département. Dans son allocution d’ouverture, elle a d’emblée relevé des impacts déjà ressentis dans le tourisme et dans le secteur du transport aérien. Poursuivant son propos, elle a jugé inévitable un resserrement des autres activités économiques nationales. Eu égard à l’exposition du marché local sur celui mondial.

Face à ce constat, elle rappelle les mesures déjà adoptées : ‘’La sécurité alimentaire est déjà étroitement surveillée. Le dispositif va être renforcé.’’

Prenant la suite de la ministre, le directeur du Commerce intérieur, Ousmane Mbaye, a fait un exposé sur l’approvisionnement des principaux produits et denrées de première nécessité. Mais aussi sur les stocks disponibles et attendus. Un état des réserves disponibles de riz, d’huile, de sucre, de blé, de farine, de concentré de tomate a été fait aux organisations professionnelles, associations de consommateurs, importateurs et acteurs de la grande distribution.

246 000 t de riz disponibles

Ousmane Mbaye relève d’abord, pour le riz, 246 000 t disponibles à ce jour. Cette quantité couvre 2 mois et demi de consommation. En plus des réserves disponibles, 225 000 t sont attendues au courant du mois d’avril. Le point de vigilance, selon le service du ministère, est pour cette céréale la restriction des exportations des pays fournisseurs.

Pour l’huile, les données font état de 13 000 t relevées chez les producteurs et importateurs. L’attention du ministère porte sur des limitations des exportations autant sur des perturbations logistiques que dans le transport maritime.

Pour le sucre, 433 000 t sont détenues par la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS). Il est attendu également, en juin, 62 000 autres tonnes. La disponibilité est la caractéristique qui retient la vigilance des autorités comme baromètre d’une fourniture efficiente.

L’équivalent d’un mois et demi de consommation de farine a aussi été relevé (en chiffres : 85 353 t). Selon les dires du directeur du Commerce intérieur, 67 000 t vont arriver sur le circuit local, toujours en avril. La surveillance pour le secteur du pain concerne les paramètres suivants : restriction d’exportation du blé, disponibilité de la main-d’œuvre, des perturbations dans la distribution du pain.

En ce qui concerne le concentré de tomate, il a été fait cas du rythme de production mensuel. Celui-ci s’établit entre 2 000 et 2 200 t. En relation avec cette production, 60 000 t sont les prévisions de production, selon leurs études cette année. Les indicateurs qui retiennent les préoccupations du service du commerce sont, à l’image des autres produits, la restriction d’exportation, en plus, pour ce produit précis, le regard sur un éventuel repli de l’offre chinoise et sur le triple concentré de tomate.

Enfin, d’autres denrées ont été inscrites dans la catégorie divers. Elles concernent le lait dont la quantité actuelle (60 000 t) peut couvrir un mois ; l’oignon, la pomme de terre, les eaux et boissons de consommation de production locale sont jugés disponibles et en quantité abondante. Mais ces considérations ne sont accompagnées d’aucune donnée chiffrée.

Éviter les achats de précaution

Dans la suite de l’exposé chiffrée, la demande d’Ousmane Mbaye a rejoint celle de la ministre. Vu que les stocks sont assez importants, selon lui, il a invité nos concitoyens à éviter les achats de précaution dans les marchés pour constituer des stocks de sécurité. La nécessité ne s’impose pas. Et elle n’aurait comme conséquence que de déséquilibrer le circuit de distribution.

Les services du ministère doivent contrôler les prix des produits antiseptiques et gérer la demande, suite à son explosion. Un dossier sur lequel travaillent les services coordonnés, depuis plusieurs semaines. Ils sont en train de travailler à booster l’offre, avec les entreprises locales capables de les y aider. Une rencontre avec les grossistes, les producteurs, les pharmaciens et les grandes surfaces a eu lieu à cette fin. Avec, en toile de fond, la maîtrise de la production, le contrôle des prix au niveau de la distribution. Un projet d’arrêté sur instruction du ministre est même dans le circuit. Le directeur annonce une soumission imminente (aujourd’hui) à Madame le Ministre pour encadrer les prix.

Une invite a été lancée aux consommateurs tout comme aux producteurs de partager toute information susceptible d’impacter le marché. En perspective du mois de ramadan, les acteurs intervenant dans le marché sont en contact permanent, et ce journellement, avec les services du ministère du Commerce, pour voir les mesures à prendre dans cette perspective, pour une offre de qualité et une demande satisfaite.

Les acteurs du commerce ont sollicité de tous l’observance des mesures d’hygiène de la part des distributeurs, en tête desquels les boulangeries avec leurs circuits de distribution.

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Les acteurs du commerce partagés

À l’aide des éléments d’appréciation, d’analyse et d’aide à la décision exposés par le ministère du Commerce et des PME, les acteurs du commerce ont étalé, hier, leurs doléances, craintes et la situation qui prévaut actuellement par rapport à certains produits qui souffrent d’une tension sur le marché mondial.

La rencontre avec le ministère du Commerce et des PME pour faire l’état des lieux de la disponibilité et des stocks en commande pour les denrées de première nécessité, a aussi été l’occasion, pour l’ensemble des maillons de la chaîne de distribution et de consommation, d’exprimer leurs craintes, de faire des demandes et d’exposer dans un langage de vérité la tension sur certains produits. La tribune offerte a été saisie par les consuméristes.

Le président de la Fédération sénégalaise des associations de consommateurs, Imam Youssoupha Sarr, en leur nom, a fait part de sa crainte par rapport au circuit de distribution du pain. Celui-ci constitue une menace à prendre très sérieux, au vu de la quantité de baguettes de pain consommées journellement et qui se chiffre à 8 millions d’unités. À ce titre, il appelle à des mesures d’exception à adopter au niveau de la distribution entre les boulangeries et les boutiques. ‘’Il faut revoir la situation par rapport à la mise en œuvre du décret 22-77 et surtout à l’arrêté de mise en œuvre’’.

Dans le sillage de ce plaidoyer, le président de la Fédération nationale des boulangers sénégalais, Amadou Guèye, a révélé un pourcentage de 75 % de baguettes engagées dans la distribution hors boulangerie. Il préconise l’application dynamique du décret susmentionné et des arrêtés signés par le ministre. Le contexte s’y prête, dit-il. Sinon, il craint un effet boomerang, si par malchance le virus intègre une boulangerie. La solution est l’imposition de la vente exclusive au sein des boulangeries. Par conséquent, un arrêt de la distribution du pain pour la santé des Sénégalais. C’est une bonne occasion de changer de comportement pour les Sénégalais qui, pendant le ramadan, dit-il, fréquentent les boulangeries. Il demande des mesures draconiennes.

Pour Aminata Barro, Coordinatrice des femmes consuméristes du Sénégal, une attention particulière doit être portée aux produits vendus en cette période. Au risque, pour les ménagères qui comptent beaucoup d’analphabètes, selon ses mots, d’acheter des produits illicites. Des commerçants véreux existent. A cet effet, une plus grande présence du service d’hygiène est nécessaire, dit-elle. Enfin, elle a mis à nu d’autres pratiques dont celui qui consiste à cacher les produits de consommation pour ensuite opérer une hausse.

Le colonel Ababacar Diop, responsable national de la gouvernance de proximité au niveau de l’Union nationale des consommateurs, a eu pour maître-mot la sécurité. Celle-ci demande une approche globale et intégrée. La sécurité est essentielle aux plans sanitaire, alimentaire et public. L’Etat est interpellé. ‘’Les défis sont là. Les forces de défense et de sécurité de la gendarmerie, de la police et de la douane doivent être au cœur du dispositif pour aider les services du ministère’’, dit-il. Il appelle de ses vœux à une orthodoxie pour rompre définitivement d’avec la vente en plein air, les marchés impropres. Partir de cette pandémie et installer de nouveaux réflexes.

Une bonne nouvelle est venue de la bouche de Tamsir Ibrahima Niane, le vice-président de l’Unacois/Jappo, représentant les opérateurs sénégalais et les importateurs et distributeurs de stocks. Les bateaux de marchandises et le fret ne sont, pour le moment, pas concernés par les arrêts décrétés. II sollicite de l’Etat une sensibilisation continue au niveau des marchés. Mais il a aussi fait état de la question du mil souvent acquis dans les marchés hebdomadaires qui sont suspendus. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur les vendeurs en ces occasions et sur l’approvisionnement dans le marché.

À sa suite, Alla Dieng, Directeur exécutif de l’Unacois/Yessal, a plaidé pour la consommation locale et le commerce électronique en retard au Sénégal, comparé à d’autres Etats africains. En définitive, il a été également demandé au ministère, avec insistance, la surveillance des prix du marché par les corps de contrôle. La surveillance des prix relativement au comportement des consommateurs qui achètent des produits en quantité. Ce qui peut conduire à des ruptures de stock en un mois.

Risques de rupture pour les pâtes

Enfin, le patron de la grande distribution au Sénégal, Auchan, par la voix de son directeur général Laurent Leclerc, a souligné que la Cotecna ne travaille plus ou presque. Elle qui assure la fourniture de leurs produits. Concernant les pâtes alimentaires, le directeur d’Auchan parle d’un risque de rupture. Donnant l’exemple de la célèbre marque de pâte italienne Panzani qui a divisé par trois ses produits de référence au niveau mondial, pour pouvoir approvisionner tout le monde. En ce qui concerne le travail dans les supermarchés à l’enseigne Auchan, si la situation de propagation du virus se poursuit, Laurent Leclerc annonce la mesure de contingenter le nombre de personnes en même temps dans les magasins.

Pour réponse à leurs interpellations, l’autorité en charge du commerce intérieur a annoncé des réunions sectorielles dans les différents départements pour voir comment appliquer la nouvelle réglementation qui concerne l’application des mesures relatives au décret et aux arrêtés sur la distribution du pain par les boulangeries.

Le ministre a, une fois de plus, soutenu, suite aux interpellations des acteurs, que le marché est suffisamment approvisionné. Et de préconiser l’arrêt des achats convulsifs au motif que la situation ne l’exige point. Elle a annoncé l’existence d’un cadre de suivi de l’approvisionnement avec un comité de veille national mis en place et composé des opérateurs et d’autres structures importantes. Ce cadre va être décentralisé dans les régions. Déjà, certains gouverneurs ont été saisis, afin de permettre au comité national de prendre de mesures idoines, renseigne-t-elle.

Enfin, elle assure du suivi des stocks au niveau international des produits qui ont fait l’objet de l’exposé pour permettre d’anticiper sur les difficultés autant sur l’export que sur l’import.

Au bout du bout de la panoplie de mesures annoncées, l’imminence d’un arrêté fixant le prix des gels hydroalcooliques pour parer à la spéculation.

MAMADOU DIALLO (STAGIAIRE)

 

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