Publié le 8 Sep 2020 - 21:16
PROGRAMME DECENNAL DE LUTTE CONTRE LES INONDATIONS 2012-2022

750 milliards de discordes 

 

Revue de quelques projets qui n’expliquent pas l’utilisation de toutes les sommes annoncées depuis 2012.

 

Les fonds annoncés en 2012 ont-ils été investis dans la lutte contre les inondations ? C’est la question à 750 milliards de francs CFA. Le retour en force des inondations, durant le weekend, conséquences de pluies exceptionnelles, a amené plusieurs Sénégalais à douter de l’effectivité de l’utilisation de cet argent, tant les dégâts orchestrés par les eaux ont été importants à travers le pays.

Il faut dire que le président de la République Macky Sall était bien inspiré de demander, mercredi dernier en Conseil des ministres, au ministre de l’Eau et de l’Assainissement de lui soumettre un rapport détaillé sur l’état de mise en œuvre du Programme décennal de lutte contre les inondations (PDLI) sur la période 2012-2022. 

D’un montant de plus de 750 milliards de francs CFA, en tranches annuelles de 75 milliards de francs, le PDGI est articulé autour de quatre volets essentiels : l’amélioration de la connaissance des zones d’inondation, le relogement des populations sinistrées, la planification, l’aménagement des villes et un important aspect relatif au renforcement de la résilience des villes consistant, entre autres, à réaliser des ouvrages de drainage d’eaux pluviales. Si le programme a été régulièrement exécuté, 600 milliards de francs CFA devraient déjà être débloqués.

Mais son exécution devait vaincre des obstacles institutionnels identifiés depuis 2009 dans le Rapport d’évaluation des besoins post-catastrophes : inondations urbaines à Dakar 2009. Il y était déjà averti que ‘’le cadre institutionnel de la gestion des inondations apparaît complexe et peu fonctionnel. On constate une multiplicité d’acteurs, mais pas de chef de file veillant à la cohérence globale. Les principaux acteurs sont l’Office national d’assainissement (Onas), les collectivités locales, l’Agence autonome des travaux routiers (AATR), le plan Jaxaay, le Projet de construction et de réhabilitation du patrimoine de l’Etat (PCRPE), l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement des grands travaux (Apix), la Direction de la protection civile (DPC) et le Groupement national des sapeurs-pompiers (GNSP)’’.

Quelques efforts accomplis par le gouvernement ont permis le lancement du Projet de gestion des eaux pluviales et d’adaptation au changement climatique (Progep, 2012-2019), par l’Agence de développement municipal (ADM). En visite de terrain, le lundi 12 octobre 2015, pour constater les infrastructures construites dans le cadre de ce programme, le ministre de la Gouvernance locale à l’époque, Abdoulaye Diouf Sarr, déclarait, concernant ce projet de 55 milliards F CFA, pour sa première phase : ‘’Fini donc la stratégie de l’intervention dans l’urgence pour juste régler le problème à court terme. Nous sommes dans une perspective d’installer des ouvrages qui vont nous donner des solutions définitives. On a investi dans ces ouvrages pour avoir des solutions durables, à la limite définitive. Fini le temps de ce que j’appelle les pommades qui consistent à venir régler le problème une minute et qu’il revienne le lendemain.’’

En novembre dernier, le ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement des territoires, Oumar Guèye, se réjouissait que le Progep ait ‘’impacté positivement plus de 800 000 personnes dans la banlieue de Dakar (Pikine, Guédiawaye, Dalifort et cité Soleil) et même au Pôle urbain de Diamniadio et Saint-Louis et sa périphérie’’.

Concernant la cité Soleil, le ministre de l’Eau et de l’Assainissement, Serigne Mbaye Thiam, a procédé, il y a trois semaines à peine, à la réception officielle de la station de pompage des eaux usées et pluviales de ladite cité, d’un coût estimé à 11,9 milliards de francs CFA. Selon ses déclarations, l’ouvrage devra impacter positivement la vie de centaines de ménages qui résident dans les communes de Dalifort et de Hann-Bel Air.

D’autres projets ont été réalisés ou sont en cours, dans le cadre du volet Renforcement de la résilience des villes du PDGI. ‘’Plus de 65 000 ml de réseaux de drainage, plus d’une dizaine de stations de pompage et plus d’une vingtaine de bassins de rétention ont été réalisés’’, peut-on lire dans le site de l’Onas. ‘’Ces travaux dans des quartiers jadis soumis aux inondations ont permis de réduire significativement le phénomène et de libérer des eaux plusieurs zones habitées à Dakar et dans les autres régions, avec des impacts réels, notamment à Ouest-Foire, Grand-Yoff, Dalifort, Wakhinane Nimzatt, Yeumbeul, Médina Gounass, Djeddha Thiaroye Kao, Keur Mbaye Fall, Guinaw-Rails Nord, Diamaguène Sicap-Mbao, Tivaouane-Diaksao, Guinaw-Rails Sud, Thiaroye Gare, Bambey, Touba et Fatick. Les investissements au titre de ce volet s’élèvent à environ 149 milliards F CFA’’, poursuivent-ils.

Au titre de l’année 2018, l’Onas a procédé au ‘’doublement de la conduite de refoulement de la station de pompage de Keur Niang à Touba, des programmes d’extension et de densification des réseaux des eaux pluviales de Colobane, Rebeuss et Yoff, du drainage des eaux pluviales du cimetière de Thiaroye et du quartier Gouye Mouride à Rufisque, de la cité Soleil à Dakar, de la commune de Fatick, de Sédhiou, de Kaffrine et du démarrage imminent du projet de drainage des eaux pluviales de la commune de Kaolack, pour un montant de plus de 15 milliards F CFA’’. 

Un autre programme gouvernemental concerne un important volet d’assainissement dans dix villes du pays (Dakar, Saint-Louis, Pikine, Louga, Rufisque, Tivaouane, Matam, Kaolack et Tambacounda) d’un coût global de 60 milliards F CFA qui devrait permettre, à la fin du programme, à plus de 400 000 personnes d’avoir accès aux ouvrages d’assainissement et à 300 000 autres de bénéficier de branchements sociaux à l’égout.

En attendant le rapport détaillé sur l’état de mise en œuvre du Programme décennal de lutte contre les inondations 2012-2022 demandé par le président de la République, un cumul des montants prévus dans le cadre de ces projets (liste non-exhaustive) révèle un montant de 290,9 milliards de francs CFA.

Malgré les réalisations, les précipitations de ce weekend ont rappelé qu’il existait encore énormément de choses à faire pour régler le problème des inondations au Sénégal.    

Lamine Diouf

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