Publié le 21 Nov 2019 - 00:33
PROJET DE LOI SUR LE REPORT DES LOCALES

L’opposition vote dans la division

 

L’hémicycle s’est penché, hier, sur le projet de loi portant report des élections locales. Une occasion qui a mis à nu la division des membres de l’opposition sur cette affaire.

 

L’Assemblée nationale a adopté, hier, le projet de loi relatif au report des élections locales prévues, au plus tard, le 28 mars 2021. Seulement, à la place des éternelles tiraillements entre députés du pouvoir et ceux de la majorité, la plénière de ce mardi a remis au-devant de la scène la division entre les parlementaires de l’opposition. Ainsi, après les débats, les députés ont eu droit à des séances d’explication de vote.  Moment choisi par Aïda Mbodj pour répondre aux piques de certains de ses collègues de l’opposition.

‘’Que personne ne m’associe à des deals. Je voterai ce projet de loi, parce que mon parti prend part au dialogue national’’, a-t-elle tenu à recadrer.  La députée non-inscrite invite ses détracteurs à respecter le choix de son parti. ‘’Que chacun reste sur sa position et que personne ne m’indexe, car je suis libre de suivre les recommandations de mon parti’’, a-t-elle poursuivi. Avant de préciser que la nouvelle date choisie n’engage que le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye.

Avant Aïda Mbodj, d’autres responsables de l’opposition se sont succédé au présidium. Et chacun a, selon sa position, défendu ou fustigé ce projet de loi n°15/2019 portant report des élections prévues le 1er décembre 2019 et prorogation du mandat des conseillers départementaux et municipaux.

C’est le cas du député Cheikh Abdou Mbacké, membre de la Convergence démocratique Bokk Gis Gis, qui doute de l’opportunité de ce projet de loi car, estime-t-il, seuls les parlementaires peuvent choisir une date et la proposer au président de la République. ‘’On n’est pas en période de crise ou de guerre, encore moins d’inondations qui peuvent motiver le renvoie des élections. Le dialogue politique n’est pas une raison. Ce n’est pas du respect pour le peuple’’, dit-il. Ainsi, à la place d’un report des élections et de la prolongation des mandats des élus, le parlementaire propose une délégation spéciale. ‘’Vous avez beaucoup de maires et de conseillers départementaux qui ne servent à rien aux populations. Ce projet de loi est un deal politique que nous n’allons pas cautionner’’, fustige-t-il.

Même son de cloche chez Cheikh Bamba Dièye. A ses yeux, pour qu’il y ait démocratie dans un pays, il faut permettre à la population d’évaluer ses dirigeants dans un délai drastique. L’ancien maire de Saint-Louis estime ainsi que le report perturbe le processus démocratique et enlève aux citoyens leur pouvoir d’évaluer les dirigeants. ‘’Si nous voulons respecter les citoyens, il faut aller à des élections, que l’on soit prêt ou pas. Tout le système est chamboulé, avec ce report. Je ne participe pas au dialogue et je ne partage pas les idées liées à ce dialogue. Il faut des délais, sinon on n’a pas une rationalité des politiques’’, précise le parlementaire non-inscrit. L’ancien maire de Saint-Louis rappelle que l’hémicycle a adopté la loi sur le parrainage, il y a moins d’une année, à la veille de la Présidentielle. Par conséquent, il peine à comprendre l’utilité de revisiter cette loi, sous le prétexte du dialogue national.

La parlementaire du groupe Liberté et démocratie, elle, s’interroge sur la légitimité des équipes municipales, au-delà de leur mandat. Marie Sow Ndiaye considère ainsi que c’est une décision regrettable vis-à-vis des populations. ‘’Un report ne doit pas dépasser l’année. Il s’agit plutôt de prolongation. Nous devons éviter de bafouer le calendrier électoral’’, prévient Marie Sow Ndiaye. Dans le même registre, Mamadou Lamine Diallo précise que sa formation politique n’est pas partie prenante du dialogue.  A l’en croire, c’est une ruse de Macky Sall pour gagner du temps. ‘’Il ne peut pas, un bon jour, se réveiller pour dire que le fichier n’est pas parfait. C’est inacceptable ! Les arguments avancés par le pouvoir sont fallacieux. Le marqueur d’une démocratie est le respect du calendrier électoral’’.

Serigne Cheikh Mbacké : ‘’Vous avez sûrement un calendrier caché’’

Le président du groupe parlementaire Liberté et démocratie reste pessimiste sur la nouvelle date avancée par le ministre de l’Intérieur. Il pense, à cet effet, que cela démontre que le pouvoir n’est pas prêt à aller aux élections.  ‘’Vous avez sûrement un calendrier caché. C’est la deuxième fois que Macky Sall reporte des élections sous son magistère’’, s’offusque Serigne Cheikh Mbacké.

Contrairement à son prédécesseur, Mamadou Diop Decroix rappelle que depuis 1984, les élections locales ne se sont jamais tenues à date échue, au Sénégal. D’après le parlementaire, les règles du jeu n’étaient pas transparentes avant la Présidentielle. Néanmoins, regrette-t-il, les candidats sont allés à cette élection. Ce qui a conduit, dit-il, à l’obtention d’une victoire du parti au pouvoir.  ‘’Macky Sall a, après l’obtention de son second mandat, appelé aux discutions et l’opposition a répondu favorablement, car ce pays est au-dessus de nous et du président de la République’’, fait savoir Decroix.  Il renseigne que plusieurs consensus ont été trouvés et la première exigence, dit-il, a été l’audit du fichier électoral. ‘’Celui qui pense qu’on peut voter sur les mêmes règles se trompent. Je ne suis pas pour une délégation spéciale. Le président pourrait placer ses partisans à la tête de ces délégations. Macky Sall est d’accord avec l’opposition sur cette affaire- là. Il faut qu’on sache de quoi on parle’’, précise le parlementaire qui rajoute qu’il n’est pas partisan du leader de l’Alliance pour la République.  

 ALY NGOUILLE NDIAYE, MINISTRE DE L’INTERIEUR

‘’Les élections peuvent se tenir à tout moment’’

Après les débats des parlementaires, le ministre de l’Intérieur a tenté de justifier le report des élections locales. A ce sujet, Aly Ngouille Ndiaye précise que cette décision est le premier consensus du dialogue. A cela s’ajoute l’audit du fichier électoral par un cabinet indépendant. ‘’On doit auditer tous le processus.  Et tenir les élections au plus tard le 28 mars 2021, signifie que ces échéances peuvent se tenir à tout moment. Rien n’exclut qu’on puisse l’organiser en 2020’’, explique M. Ndiaye.  

Pour lui, il faut également tenir compte des conclusions de la Commission cellulaire du dialogue national qui, à ce jour, renseigne-t-il, s’est réunie en 36 séances et à trouver plus de 10 points d’accord. 

D’après le ministre, il ne s’agit pas de disposer d’un grand budget pour organiser les élections. Répondant aux interpellations des parlementaires, Aly Ngouille Ndiaye précise qu’il préfère qu’on reconduise les élus actuels plutôt que d’installer une délégation spéciale car, pense-t-il, l’opposition pourrait se retrouver avec zéro élu. Il pense également qu’allez aux élections avec consensus est mieux que se retrouver avec des contestations post-électorales.    

HABIBATOU TRAORE

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