Publié le 27 Aug 2013 - 13:04
PROLIFERATION DES DECHETS PLASTIQUES

Sénégal terre d’accueil

 

 

Les déchets plastiques inondent le Sénégal. Ils ruinent la biodiversité avec des extrêmes allant jusqu'à décimer une bonne partie du cheptel sénégalais. Jonchés sur terre, mer et planant parfois au sommet des arbres, le mal est tentaculaire. Va-t-on vers une asphyxie programmée ? L’heure est à l’urgence, mais la science relativise et prône le recyclage. Faudrait-il alors que les autorités politiques affichent une réelle volonté. EnQuête vous plonge au cœur des enjeux d’une situation faite de déchets, de plastiques et de… solutions.    

 

L’enfant somnole sur son dos, Ndèye Faye pénètre dans la boutique de Moustapha avec vigueur. Les salamalecs d’usage passés, cette habitante du quartier Derklé glisse un billet de mille francs sur le comptoir. Avant qu’on ne le lui troque avec un rafraîchissement. Elle a juste le temps de passer sur son front dégoulinant de sueur le creux de son index. Les gouttelettes tombent et mouillent le perron. Elle reçoit le produit et a même  droit à un sachet plastique noir que lui offre le boutiquier. Ndèye le remercie pour l’acte mais, une fois dehors, se débarrasse très vite du sachet qu’elle trouve peut-être un peu encombrant. Il revient désormais à la nature la lourde charge de s’occuper de cet hôte ô combien ''dangereux''.

A l'image de cette dame, nombreux sont les gens qui posent de tels actes sans en mesurer les conséquences néfastes sur la biodiversité. Laxisme où simple ignorance ? L’heure devient de plus en plus grave et ce n’est pas cette bonne dame, bouteille de boisson en main, bébé au dos, qui semble s’en soucier. Elle s’éloigne, croise, et même parfois piétine d’autres sachets lâchés par d’autres individus. Mais ça ne lui fait rien. Saurait-il en être autrement lorsque l’ignorance va jusqu’à franchir sans frémir, les frontières du suicide programmé ou alors, de l’auto-destruction ? Se débarrasser de sachets plastiques quel que soit leur état, en pleine rue, devient de plus en plus un réflexe et les voir pulluler quotidiennement, un obstacle banal. ‘’Je n’ai pas ailleurs où jeter les sachets que l’on m’offre dans les boutiques. A la maison, c’est encombrant donc, il n’y a que la rue où les poubelles et ces dernières sont souvent très éloignées de l’endroit où l’on se trouve’’, lance ce jeune homme à la vingtaine sonnante qui se débarrasse d’un sachet plastique qu’il tenait. Sourire aux lèvres, il s’interroge sur le sens de notre interpellation, tant il trouve son acte normal.

Pareil chez Doudou, jeune apprenti de car rapide trouvé devant le portail de l’Université Cheikh Anta Diop. Après une forte pression manuelle sur le sachet d’eau, il jette le contenant sur la chaussée et oublie très vite son geste pour s’atteler à la recherche effrénée de clients. Les exemples se multiplient, tout comme les sachets inondent les artères du pays.

 

Plus de 5 milliards de F Cfa dépensés en sachets plastiques entre 2010 et 2013

Le rapport d'importation directe de plastiques et de produits en plastique mis à disposition par la Douane sénégalaise, montre qu'entre 2010 et 2013, plus de 5 milliards de F Cfa ont été dépensés pour l’importation de produits plastiques. Ce qui représente 5 553 tonnes de plastiques. Ces produits concernent des sacs, sachets, pochettes et cornets en polymères de l'éthylène et autres matières plastiques. Il faut noter que la quantité totale de plastiques importée correspond à des sommes astronomiques... Mais c'est le chiffre livré cette année lors de la journée mondiale de l’habitat qui a le plus, donné le tournis.

 

5 millions de sachets plastiques utilisés par jour

Aussi invraisemblable que cela puisse être, 5 millions de sachets plastiques sont utilisés chaque jour au Sénégal. Pourtant, l’environnement y est déjà marqué par une pollution des eaux marines, des eaux souterraines et des eaux de surface. L’air également enregistre une pollution émanant des transports urbains défectueux, la disparition progressive des espaces verts en ville, et l’amplification des risques industriels. Dans ce contexte, la gestion des déchets, aussi bien solides que liquides, pose de graves soucis environnementaux. Les sachets en plastique occupent une bonne place dans ce concert de déchets. Pire encore, plusieurs sachets ne sont pas biodégradables et sont jetés partout. Certains sachets plastiques peuvent résister jusqu’à 400 ans avant de se dégrader, selon des environnementalistes interrogés. Des sachets qui entraînent la disparition de plusieurs plantes, tuent des animaux et rend le paysage monstrueux.

Évidemment, l’hygiène des humains s’en trouve fortement éprouvée, de même que l’agriculture, s'est désolé le chargé des programmes à l’Onu-Habitat, Mansour Tall lors de la journée mondiale de l’habitat sur le thème : ‘’Meilleure ville, meilleure vie’’. Étudiants à l’UCAD, Youssou Sané, suffoque, pessimiste : ‘’il est presque impossible d’amener les Sénégalais à arrêter de jeter les sachets plastiques dans la rue, c’est inné chez eux’’.   

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