Publié le 24 Feb 2020 - 22:37
PROMESSES DISCOURS D’INVESTITURE

Entre stagnation et progrès timides

 

Placé sous le sceau du ‘’Fast-track’’, l’an I du second mandat de Macky Sall est encore très loin de générer les fruits escomptés. Entre projets toujours en instance d’appels d’offres, hausse généralisée des prix et chantiers à l’arrêt, le régime semble plutôt à la peine.

 

Le PSE est-il en train de s’essouffler ? Après une première séquence (2014-2019) bien remplie, avec la réalisation d’importantes infrastructures, c’est le grand ralentissement, en cette première année d’exercice de Macky 2. Eu égard aux priorités annoncées par le président de la République, à l’occasion de son investiture, il convient de noter plus d’échecs que de réussites. En lieu et place d’une réduction du coût de la vie, les populations ont plutôt droit à un renchérissement généralisé des prix, à l’augmentation tous azimuts des impôts et taxes, à la suppression de certaines subventions sur des produits de première nécessité, à des licenciements de pères de famille, à l’enlisement de certains chantiers… Paradoxalement, le champ politique n’a jamais été aussi apaisé, depuis que le président Sall est à la tête du Sénégal.

Une jeunesse qui attend le million d’emplois promis

Les promesses n’engagent certes que ceux qui y croient, mais elles restent le meilleur baromètre pour apprécier le respect, par les gouvernants, de leur serment. Au lendemain de sa brillante réélection, le 24 février 2019, le président de la République, Macky Sall, annonçait, sans ambages, la création d’un million d’emplois durant son quinquennat, soit 200 000 emplois par an.

A ce jour, son gouvernement est très loin du compte. Selon les statistiques combinées du ministère en charge du Travail et de la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE), environ 77 684 emplois ont été créés pour l’année 2019. Soit même pas la moitié des engagements pris par Macky 2.

En effet, d’après les statistiques officielles de 2018 disponibles, un peu plus de 72 000 emplois ont été créés à l’époque. Et il ressort des chiffres de la DPEE (décembre 2019) que le marché de l’emploi a progressé seulement de 6,9 %, en 2019. Ce qui fait que le marché de l’emploi n’a pu atteindre la barre des 78 000 emplois pour l’année écoulée.

A cela s’ajoute les licenciements en cascade enregistrés dans presque tous les secteurs, surtout les BTP, depuis quelque temps. Dans ce secteur porteur du dynamisme de la croissance sénégalaise, rien ne va plus, depuis pratiquement la fin du premier mandat de Macky Sall. A en croire les chefs d’entreprise, dans le point de conjoncture de la DPEE de décembre dernier, le secteur serait surtout plombé par les difficultés relatives au recouvrement de leur créances (75 %), l’insuffisance de la demande (50 %) tout comme la concurrence déloyale (50 %) des entreprises étrangères (50 %).  Autant de couacs que le régime va devoir lever pour secourir les entreprises sénégalaises évoluant dans la construction.

Employabilité : où en est le programme ‘’Un département, un CFPT’’ ?

Pour atteindre son objectif en matière de création d’emplois, le président de la République mise sur le triptyque Développement de l’esprit d’entreprise avec le concept formation-école-entreprise ; Financement des porteurs de projets avec la Der, le Fongip notamment ; et Formation professionnelle des jeunes. C’est d’ailleurs dans ce cadre que Macky Sall avait inscrit, au rang de ses priorités, le programme ‘’Un département, un centre de formation professionnelle et technique’’.

Lors de sa cérémonie d’investiture, devant plusieurs de ses pairs africains, il disait : ‘’Le réseau des centres de formation professionnelle et technique sera étendu, à raison d’un centre au moins dans chacun des 45 départements.’’

Il a fallu, ensuite, attendre le 31 décembre dernier, à l’occasion de son discours à la Nation, pour entendre le chef de l’Etat donner le signal quant au démarrage de ce grand projet. A cet effet, il annonçait le lancement de 15 centres de formation professionnelle. Mais depuis lors, l’autorité semble toujours en train de se chercher.

‘’Zéro déchet’’, ‘’Zéro bidonville’’, ‘’PSE vert’’ : les nouveaux slogans

L’autre grande priorité du mandat consiste à débarrasser Dakar et tout le Sénégal des déchets. ‘’J’appelle, disait le chef de l’Etat, à une mobilisation générale pour forger l’image d’un nouveau Sénégal ; un Sénégal plus propre dans ses quartiers, plus propre dans ses villages, plus propre dans ses villes ; en un mot, un Sénégal «Zéro déchet». Je ferai prendre, sans délai, des mesures vigoureuses dans ce sens’’. Là également, il a fallu attendre presque un an pour apercevoir les premiers signaux. Joignant l’acte à la parole, le président de la République a intimé l’ordre à tous ses lieutenants de descendre dans la rue, chaque mois, pour s’adonner à des opérations de nettoiement.

Le ton a été donné, le samedi 4 janvier dernier. Le président lui-même était sur le terrain pour donner l’exemple. ‘’Il faut que nous changions de comportement. Le plastique a fait trop de mal à l’environnement. On ne peut pas continuer à faire comme si de rien n’était’’, soulignait-il.

Malgré le volontarisme affiché, le constat est qu’à ce jour, pas grand progrès n’a été réalisé dans ce domaine. Nonobstant l’existence de textes législatifs, Dakar, à l’instar de toutes les contrées du pays, reste inondée par les ordures, notamment le plastique.

Idem pour le programme ‘’Zéro bidonville’’ avec son pendant que constitue le projet de construire 100 000 logements sociaux, soit 20 000 logements par an. Pour le président Macky Sall, chaque famille sénégalaise, quels que soient ses revenus, doit pouvoir accéder à un logement décent, à un coût accessible. Le gouvernement semble encore à l’étape de la réflexion. Aucune cité n’ayant été réceptionnée après un an d’exercice. Non seulement les maisons tardent à être réceptionnées, mais le loyer demeure un vrai casse-tête pour tous les chefs de ménage.

A l’aune de son nouveau mandat, Macky Sall promettait également un Sénégal plus vert, avec une lutte plus ferme contre la déforestation et la spéculation foncière. Il disait accorder une attention particulière aux zones humides et celles à vocation agricole, notamment les Niayes. ‘’En même temps, dans le processus d’aménagement des nouvelles zones urbaines de Diamniadio et du lac Rose, je réitère l’attention particulière que j’accorde à la préservation de l’écosystème, en particulier la conservation du baobab, emblème de notre pays’’, disait-il.

Dans la même période, de Ziguinchor à Kédougou, en passant par Sédhiou, Kolda et Tambacounda, les services des eaux et forêts manquent presque de tout pour une lutte efficace contre ce fléau. Un haut cadre de ce secteur névralgique confiait d’ailleurs à ‘’EnQuête’’ qu’ils manquent, non seulement de moyens financiers adéquats, mais aussi de ressources humaines suffisantes. De même, à Diass, dans la Petite Côte, les populations se révoltaient contre les agressions permanentes sur le baobab, dans la réserve de Bandia.

Comme quoi, quand le président signale à droite, ses services donnent l’air de bifurquer à gauche.

Lenteurs administratives, ce mal incurable

Par ailleurs, toujours à l’entame de son second et dernier mandat, le président de la République annonçait la poursuite des grandes réformes de l’Administration pour la rendre plus efficiente.

‘’En tant qu’usagers du service public, nous attendons tous de l’Administration qu’elle soit plus accueillante à notre endroit, plus diligente dans son fonctionnement et plus performante dans ses résultats. J’engagerai donc, sans tarder, des réformes en profondeur, visant à simplifier et rationaliser nos structures, réformer nos textes là où c’est nécessaire, et dématérialiser davantage nos procédures et formalités administratives’’, faisait savoir le président Sall. Un chantier agité depuis le premier mandat avec plusieurs séminaires organisés, mais qui tardent à produire des résultats probants. Nonobstant certains progrès réalisés par certains services, il demeure toujours un casse-tête pour disposer de certains titres basiques comme le casier judiciaire, le certificat de nationalité, le passeport, entre autres.

Pour relever tous ces défis, Macky Sall, en avril déjà, conformément à la tradition républicaine, avait profondément changé, remanié son équipe gouvernementale. Laquelle n’a réussi, jusque-là, à donner totale satisfaction par rapport aux priorités qui lui ont été assignées.

Presque un an après, il faudra aussi faire une évaluation sérieuse pour voir si la suppression du poste de Premier ministre a permis d’accélérer ou de décélérer le rythme de fonctionnement du gouvernement.

GOUVERNANCE ET DEMOCRATIE

L’opposition sauve l’honneur de la majorité

Paradoxalement, pendant que le front social est en ébullition, que certains syndicalistes bandent les muscles, que des segments de la société civile descendent dans la rue, les hommes politiques de l’opposition, eux, flirtent avec le pouvoir. A ce propos, il convient de rappeler que Macky Sall, dès sa réélection, avait annoncé son intention de renouer le dialogue avec toutes les parties prenantes de la nation.

Le moins que l’on puisse dire est que le pari est en passe d’être réussi, si l’on sait que presque toutes les composantes de la vie publique (acteurs politiques, société civile, secteur privé, syndicats, religieux…) participent activement, soit au dialogue national, soit au dialogue politique qui est partie intégrante du dialogue national.

D’ailleurs, grâce à ces concertations, le président de la République a pu obtenir, sans difficulté, le report des élections locales qui devaient, initialement, se tenir en décembre dernier. Finalement, ce scrutin a été fixé au plus tard en juin 2021. Aussi, après quelques mois de tergiversation, le dialogue national piloté par Famara Ibrahima Sagna a été lancé en janvier dernier.

L’an 1 de Macky 2 aura aussi été marqué par le rapprochement avec son ex-mentor Abdoulaye Wade, ainsi que le desserrement de l’étau autour de l’ancien maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall.

Malgré ces actes de bonne volonté, le président de la République ne semble pas faiblir dans sa volonté de maintenir deux des plus grandes forces politiques de l’opposition, en l’occurrence Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade, loin du jeu politique.

MOR AMAR

 

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