Publié le 4 Jun 2020 - 19:12
PROMOTION LAIT LOCAL

La révision du tarif extérieur commun de la CEDEAO préconisée 

 
Faire passer le tarif extérieur commun (TEC) sur le lait de 5 à 35 % au niveau de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et exonérer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur des produits fabriqués à base du lait local, peut réduire l’importation de produits laitiers et favoriser la production de lait local. C’est ce qu’a soutenu la coordinatrice de la campagne régionale ‘’Mon lait est local’’, Hindatou Amadou, lors de la célébration de la Journée du lait. 
 
 
Lancée le 1er juin 2018, à l’occasion de la Journée mondiale du lait, la campagne mon ‘’Mon lait est local’’ regroupe, aujourd’hui, 55 organisations, avec un focus sur 6 pays que sont le Burkina, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad. A travers cette initiative pour la promotion du lait local, les initiateurs veulent notamment atteindre trois grands objectifs. Au fait, la coordinatrice de la campagne régionale explique, d’abord, que c’est pour amener à un changement de politiques fiscales et commerciales régionales pour mieux protéger le lait.
 
‘’Aujourd’hui, les poudres de lait envahissent le marché laitier ouest-africain. Parce que le lait qui entre dans le territoire n’est pas très bien taxé. Il est taxé à 5 %. Notre plaidoyer, c’est de faire en sorte que les Etats membres de la CEDEAO soient tous unanimes pour relever le tarif extérieur commun (TEC) de la communauté pour mieux protéger le lait. La campagne a fait une étude et a proposé des scénarii dont le meilleur consiste à hausser le TEC, en faisant passer de 5 à 35 % pour ces poudres de lait qui concurrencent énormément le lait local, qui sont des poudres rengraissées, qui ne sont pas de vrais laits’’, affirme Hindatou Amadou.  
 
Egalement, la coordinatrice de la campagne régionale pense qu’en haussant le TEC, il faut en même temps que dans les différents pays, les décideurs fassent une ‘’exonération’’ de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur des produits fabriqués à base du lait local. ‘’Il faudrait mettre en avant le secteur privé local pour qu’il porte des messages bien identifiés, bien ciblés par rapport à cette révision du TEC’’, dit-elle. 
 
A ce propos, l’assistant technique élevage au sein de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a indiqué que s’il y a un point ‘’crucial’’ sur lequel les pouvoirs publics ‘’font la sourde oreille’’ aujourd’hui, c’est la protection du marché. ‘’Si le marché n’est pas protégé, il n’y a pas de droits de douane qui permettent de sécuriser les investissements à l’intérieur, qu’ils soient du secteur privé, des mouvements associatifs ou tout autre investisseur ; cela ne va jamais prospérer. Le TEC est le goulot d’étranglement, non seulement du secteur laitier, mais aussi celui du riz’’, renchérit Soulé Bio Goura. 
 
500 milliards de francs CFA par an pour l’importation de lait 
 
D’après lui, la CEDEAO devrait procéder, cette année, à la révision du TEC. Mais presque tous les Etats ont ‘’reculé’’ et ils se sont donné encore rendez-vous en 2023. ‘’Là, il faut se battre pour que le lait et le riz, qui ne font pas partie des 130 produits alimentaires qui sont sur la branche, soient reclassés’’, poursuit M. Goura. En fait, l’assistant technique élevage au sein de la CEDEAO a rappelé qu’en 2005, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest s’est dotée d’une politique agricole commune à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest.
 
Qui est un ensemble de choix stratégiques. En 2010, elle s’est dotée d’instruments de mise en œuvre de cette politique qu’on appelle les plans nationaux d’investissements agricoles. Le premier point d’intervention de ces plans précise que la CEDEAO va mettre l’accent sur la promotion de 5 produits stratégiques importants pour assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire au niveau régional. Ces 5 produits sont le riz, le maïs, le manioc, la viande et le lait. ‘’Ce sont des produits pour lesquels, non seulement nous avons un potentiel au niveau sous-régional, mais pour lesquels nous dépensons énormément d’argent. Ce qui nous rend de plus en plus dépendants de l’extérieur et principalement sur le lait. Les pays de la CEDEAO dépensent aujourd’hui environ 500 milliards de francs CFA par an pour importer ces différentes catégories de lait, notamment le lait rengraissé’’, informe M. Goura. 
 
D’ailleurs, Soulé Bio Goura a fait savoir que la CEDEAO a jugé nécessaire de se doter d’une ‘’offensive majeure’’ au niveau sous-régional qui adresse la manière dont la région prend en charge cette dépendance vis-à-vis du lait et du riz. ‘’La stratégie veut intervenir principalement sur 4 segments. Il s’agit d’améliorer la productivité des vaches laitières locales. Elle est des plus faibles au monde. Deuxièmement, il faut mettre l’accent sur la collecte et la transformation. L’objectif de collecter 25 % de lait produit n’est pas une recommandation, mais un résultat qu’on veut atteindre à l’horizon 2030. Actuellement, la région produit quelque 5 milliards de litres et nous disons qu’à l’horizon 2030, il faut atteindre 10 milliards de litres de lait’’, souligne-t-il. De ces 10 milliards, M. Goura signale qu’il faut être en mesure de collecter au moins 25 % qui seront transformés par les petites et moyennes entreprises (PME) au niveau national et régional. 
 
Le 3e point d’intervention est la promotion de la commercialisation du lait, en y incluant les instruments de promotion et en levant tous les obstacles pour la circulation du lait, sa distribution, mais aussi sa consommation. ‘’Et le dernier pilier, c’est d’améliorer l’environnement des affaires pour promouvoir la production du lait au niveau régional. Cette amélioration inclut tout un semble de mesures pour favoriser les investissements, protéger le marché régional et aussi amener les entreprises à être plus regardant sur tous les processus qui visent à transformer le lait local’’, relève-t-il. 
 
Par rapport aux consommateurs, la coordinatrice de la campagne régionale ‘’Mon lait est local’’ a signalé de l’objectif de leur campagne est surtout de les amener à ‘’comprendre’’ les enjeux qu’il y a autour du lait ré-engraissé avec la matière grasse végétale. Ceci afin qu’ils comprennent que ce produit est consommé en Europe comme un ‘’additif et non pas comme un lait’’. ‘’Derrière le choix qu’il y a à faire, on a le choix entre consommer du bon lait pour sa santé d’abord et consommer du lait produit chez nous pour soutenir notre économie, les emplois que cela génère, notamment pour les femmes et les jeunes. Une campagne digitale adressée au public est en cours et mobilise 36 201 signatures pour une pétition en faveur de la protection du lait local’’, soutient Hindatou Amadou. 
 
Sur ce, Mme Amadou note que le 3e objectif par rapport aux multinationales, c’est d’échanger avec elles pour les amener à respecter leurs responsabilités sociétales d’entreprise (RSE). ‘’Nous voulons aller au-delà de cette RSE. Il serait intéressant que les Etats imposent une condition à ses entreprises, en leur disant qu’avant de s’installer et vendre du lait dans leur pays, il faudrait collecter le lait local. Et dans l’offensive lait, la CEDEAO en a fait une recommandation de collecter au moins 25 % de lait local. Parallèlement, nous appelons les Etats de la CEDEAO à faire des investissements structurants pour la filière, notamment sur les différents maillons de production, de collecte, de transformation et de conditionnement’’, plaide-t-elle. 
 
Aujourd’hui, Hindatou Amadou estime que la crise actuelle de Covid-19 va ‘’exacerber’’ la concurrence des poudres de lait importées sur le marché laitier d’Afrique de l’Ouest et du Centre. En ce sens que la politique de l’UE visant à subventionner le stockage de la surproduction de lait en Europe engendrera forcément un déstockage vers l’Afrique. Ce qui pourrait, d’après elle, ‘’anéantir les efforts publics’’ visant la construction de la filière dans ces deux régions, comme l’offensive régionale lait engagée par la CEDEAO.  
 
MARIAMA DIEME 

 

Section: