Publié le 24 Jan 2020 - 22:20
PUBLICATION DES RESULTATS DE L’IPC 2019

Le Sénégal stagne dans la zone rouge 

 

Transparency International a publié, hier, les résultats 2019 de l’Indice de perception de la corruption (IPC). Il ressort des résultats que le Sénégal stagne dans la zone rouge, à l’instar de tous les pays de l’UEMOA.  

 

Le Sénégal stagne dans la zone rouge de l’Indice de perception de la corruption (IPC).  Il enregistre un score de 45/100 points et se classe à la 66e place mondiale et 7e au niveau africain. Un rang qu’il occupe depuis 2016, avec la même note de 45/100 obtenue après un bond de 9 points enregistrés entre 2012 et 2016 (36/100 points en 2012). L’Indice de perception de la corruption mesure le niveau de corruption dans 180 pays à travers le monde.

Pour 2019, le rapport a porté sur le thème ‘’Corruption et intégrité politique’’. Et à l’instar des 4 dernières années, l’IPC 2019 dévoile la stagnation du Sénégal dans la zone rouge, en matière de corruption. A en croire le coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck, cette situation s’explique par l’absence d’une volonté politique en matière de lutte contre le phénomène. Ce qui se manifeste, selon lui, par le refus de la Cour des comptes et de l’Inspection générale d’Etat de publier les rapports de contrôle sur la gestion des ressources publiques et du patrimoine.

‘’La stagnation du Sénégal dans la zone rouge est due à un affaiblissement réel de la volonté politique de lutter contre la corruption, mais aussi à une situation de mal gouvernance actée par un déficit criard de reddition des comptes ainsi qu’un accroissement de l’impunité’’, tire-t-il en commentaire du rapport. Il estime que la situation est aussi liée à ‘’l’inertie du président de la République face à la non publication de ces rapports et la non transmission d’affaires relevées par les organes de contrôle à la justice. S’y ajoute ‘’le déficit d’indépendance de la justice noté d’ailleurs par les acteurs du secteur ; le maintien de l’illégalité au sein d’instances de régulation telles que l’ARMP, la Cena, etc.

Concernant la gestion de l’Autorité de régulation des marchés publics, les camarades de Birahime Seck dénoncent ‘’le maintien de Saër Niang à la tête de l’institution, alors que son mandat est épuisé depuis 3 ans. Ce qui affaibli le système de passation des marchés publics’’.

Dans leurs commentaires des résultats de l’IPC, les membres du Forum civil évoquent aussi ‘’l’arrêt de la politique de traque des biens mal acquis qui a fait perdre des points au Sénégal, après sa percée à partir de 2012’’. Sur ce, Birahime Seck et ses camarades demandent la poursuite de la traque des 25 personnalités figurant sur la liste du procureur Alioune Ndao.  

Le coordonnateur du Forum civil dénonce, également, ‘’une impunité galopante voulue et entretenue par le chef de l’Etat’’, mais aussi l’inertie de l’Assemblée nationale et de la justice, devant certaines affaires de corruption impliquant des personnalités proches de l’Etat et des entreprises privées. Il s’agit, entre autres, de l’affaire Prodac, Bictogo et des fonds de financement destinés aux femmes.

Les dossiers qui plombent le Sénégal

Pourquoi le Sénégal n’arrive toujours pas à réduire la corruption, malgré l’existence d’organes de veille et de contrôle, comme la Cour des comptes et l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) ?

D’après Birahim Seck, la réponse est simple : ces organes travaillent certes, mais les rapports qu’ils produisent ne sont pas accessibles au public, ni utilisés pour arrêter le phénomène. Ce qui fait qu’ils n’ont pas eu assez d’impact pour faire évoluer les résultats. ‘’Nous avons saisi, à deux reprises, la Cour des comptes, en décembre 2018 et le 10 janvier 2019, pour la publication des rapports. Dans leurs réponses, on a bien noté que les rapports de 2015 à 2018 sont prêts et disponibles. Mais, jusqu’à présent, ils ne sont pas rendus publics. Il y a également le refus d’un membre du gouvernement, à savoir l’ancien ministre de la Microfinance, qui est actuellement en charge de l’Industrie, de répondre à la justice pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur l’affaire des fonds de financement féminin’’, regrette-t-il. 

Avant de boucler son réquisitoire, le Forum civil a fustigé l’inertie de l’Assemblée nationale devant les affaires Bictogo et Prodac. ‘’Bictogo, en fonction de ses agissements au niveau du Sénégal, non seulement avec les passeports où il avait bénéficié d’une indemnisation de 12 milliards de francs, mais aussi tout récemment avec la construction de l’université Amadou Mactar Mbow de Diamniadio pour un montant de 30 milliards de francs, alors que cette entreprise ne faisait même pas partie des entreprises présélectionnées dans l’appel d’offres restreint, doit rendre compte.  C’est pourquoi il est aujourd’hui nécessaire et obligatoire que l’Assemblée nationale se saisisse de ces deux dossiers pour éclairer la lanterne des Sénégalais’’, estime-t-il.

Il y a également l’affaire Prodac. ‘’On avance souvent un montant de 29 milliards ; mais il s’agit de 36 milliards. Tout ceci explique la stagnation du Sénégal dans la zone rouge’’, insiste M. Seck.

Les recommandations du FC

Pour sortir de la zone rouge et atteindre le niveau du groupe des 6 meilleurs élèves africains en matière de lutte contre la corruption, le Forum civil propose au gouvernement de donner plus de force et de vigueur à l’axe 3 du PSE dans ses composantes Gouvernance et Institution, afin de promouvoir la lutte contre la corruption et la reddition des comptes. Pour ce faire, Birahime Seck et ses camarades recommandent la mise en place ‘’d’un plan de progression efficace, négocié entre l’Exécutif, l’Assemblée nationale, la Justice, l’Ofnac, le secteur privé et la société civile’’ pour réduire le phénomène. Ce plan comprendra trois axes : à savoir le renforcement du dispositif judiciaire, la sensibilisation pour le changement des comportements et la sanction.

Concernant le volet judiciaire, il s’agit d’adopter des lois sur l’accès à l’information, sur la prévention des conflits d’intérêts, sur le financement des partis politiques, en particulier sur l’encadrement des financements des campagnes électorales, mais aussi interdire aux hauts cadres des régies financières de faire de la politique. Il a aussi proposé la réforme et le maintien de la Cour de répression de l’enrichissement Illicite, en la rendant conforme aux standards internationaux. Dans la même veine, le Forum civil a invité l’Etat à travailler à un audit exhaustif des réserves financières et du patrimoine foncier des Institutions de protection sociale comme l’Institution de prévoyance retraite (Ipres) et la Caisse de sécurité sociale (CSS), ainsi que toutes les transactions immobilières réalisées par la Caisse des dépôts et consignations.  

Pour ce qui est du changement des comportements, il s’agit de travailler à sensibiliser les citoyens et les acteurs de la gouvernance à plus d’intégrité. Les sanctions seront de deux ordres : sanctionner positivement pour célébrer l’intégrité et établir un ordre de distinction nationale sur la question, pour inciter les citoyens à lutter contre l’impunité.

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Les bons élèves en Afrique

L’analyse des résultats au niveau africain montre que seuls 6 pays sont en dehors de la zone rouge dont un seul pour l’espace CEDEAO. Il s’agit du Cap-Vert qui a progressé d’un point avec un score de 58/100 points en 2019 contre 57/100 pour 2018. Avec ce score, le Cap-Vert devance le Sénégal de 13 points, tandis que le premier pays africain, à savoir les Seychelles, est à 66/100 points, soit 21 points de plus que le Sénégal. Les Seychelles sont suivies par le Botswana qui a récolté 61 points/100 pour se classer 2e africain. Les quatre autres pays du continent en dehors de la zone rouge, sont le Botswana (61/100points), le Rwanda (53/100 points), l’île Maurice et la Namibie qui ferment la liste avec pour chacun un score de 52 points.

Toutefois, les analystes ont remarqué que l’île Maurice a fait des efforts en se classant cette année devant la Namibie par rapport à 2018. Quant au Rwanda, bien que figurant hors de la zone rouge, le pays des mille collines a reculé avec une perte de 3 points par rapport à 2018. Les six bons élèves africains devancent Sao Tomé et Principes (46 points) et le Sénégal (45 points).

En outre, malgré sa stagnation dans la zone rouge, le Sénégal peut être considéré comme le moins pire élève de l’UEMOA qui n’a pas encore de représentant en dehors de la zone rouge. En effet, avec son score de 45/100, le Sénégal enregistre, pour le moment, le meilleur score, en termes de lutte contre la corruption parmi les huit pays de l’espace communautaire ouest-africain.

ABBA BA

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