Publié le 21 Jan 2020 - 01:49

Que retenir de l’initiative de Lomé sur les faux médicaments?

 

C’est désormais un combat de tous. Les ruraux, notamment le monde paysan, très vulnérable, au-devant de cette lutte pour atténuer ce sérieux problème de santé publique.

 

Faure Gnassingbé du Togo (G) et Youwéri Mousseveni de l’Ouganda (image présidence Togolaise)

En clôturant samedi, les travaux de l’initiative de Lomé dans le cadre du sommet sur les faux médicaments et médicaments falsifiés, le président Faure Gnassingbé et ses pairs du Sénégal, Macky Sall et de l’Ouganda, Youwéri Mousseveni ont juré mener désormais la vie dure aux trafiquants.

Une déclaration dite de Lomé caractérise cet engagement résumé en 3 axes.

Criminaliser le trafic de produits médicaux

Les Etats se sont engagés à introduire dans leurs juridictions nationales respectives des lois et sanctions pénales pour criminaliser le trafic de produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés.

Mutualiser les efforts

Les pays ont exprimé leur disponibilité à coopérer pour assurer le respect de ces lois et veiller à leurs applications rigoureuses. Autrement dit, le partage des renseignements et des bonnes pratiques permettront de renforcer la lutte et de dissuader les trafiquants.

Mise en place des mécanismes de suivi

Les bonnes intentions de Lomé resteront lettres mortes s’il n'y a pas un véritable mécanisme de suivi pour veiller au respect des dispositions prises. Avec l'appui des partenaires comme la Fondation Brazzaville, les Etats signataires comptent mettre en place les mécanismes nécessaires pour garantir la mise en œuvre de l’initiative de Lomé. "Nous sommes bien disposés à faire de l’initiative de Lomé un succès. Dès lundi, une plateforme sera ouverte pour permettre à tous les jeunes qui ont des solutions pour mener cette lutte de faire des propositions. Elle sera ouverte à toutes les solutions", informe Jean-Yves Olivier, président de la fondation Brazzaville.

Rapprocher les officines des populations

Sur ce combat, le Togo joue gros. Les autorités togolaises assurent que les conclusions de ce sommet ne seront pas classées dans les tiroirs. Elles veulent notamment rapprocher les médicaments ou les officines des populations afin qu'elles ne soient pas exposées aux risques des faux médicaments et médicaments falsifiés.

Une réponse au milieu rural où ces officines se font désirer.  "Pour combattre l’irrégulier, il faut instaurer le régulier et le rendre accessible", a confié à agridigitale, Moustafa Mijiyawa, ministre togolais en charge de la santé. Il ajoute que "le pays a été le pionnier de cette nouvelle dynamique et compte peser de tout son poids pour le succès de l’initiative de Lomé".

Du côté des professionnels de la pharmacie, ils envisagent multiplier l'ouverture des officines.

Un marché juteux à stopper !

Entre 2010 et 2014 (4 ou 5 ans), le chiffre d’affaires du trafic des produits médicaux falsifiés serait passé de 75 milliards de dollars à 200 milliards de dollars, presque le triple. 

Et le continent africain se trouve être le plus juteux marché où 60% de ces produits sont en circulation. 122 000 enfants de moins de 5 ans meurent en Afrique chaque année de ces faux médicaments et de qualité inférieure.

Notons que selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les médicaments falsifiés sont des produits médicaux dont l’identité, l’origine ou la composition est faussement représentée de manière délibérée ou frauduleuse.

Et quant aux médicaments de qualité inférieure, ils sont aussi des produits médicaux qui sont certes autorisés, mais ne répondant pas à leurs critères de qualité et/ou à leurs spécifications scientifiques à cause de négligences, d'erreurs humaines, de manque de ressources ou encore d’activité frauduleuse.

Les actions étaient pourtant menées à l’encontre de ce trafic. D’importantes quantités de ces médicaments ont été saisies par INTERPOL en 2018 à travers deux grandes opérations, à savoir Pangea et Heera.

La première a abouti à la saisie de 10 millions d’unités falsifiées contre 95 800 unités falsifiées pour la seconde. Cette seconde opération avait eu lieu exclusivement en Afrique de l’ouest et la saisie faite est évaluée à 3,8 millions de dollars.

Macky Sall : ‘’ "Les faux médicaments sont des tueurs silencieux"

"S’il y a urgence à agir en faveur du climat et de l’environnement, ne perdons pas de vue qu’il y a une extrême urgence à sauver des millions de vies menacées par les faux médicaments. Ce danger n’est pas simplement une menace mais une réalité à laquelle nos peuples sont tout particulièrement confrontés chaque jour", a déclaré Faure Gnassingbé, président du Togo. "Les faux médicaments ne soignent pas, mais ce sont des tueurs silencieux", ajoute Macky Sall, président du Sénégal.

Lors des travaux de Lomé, les trois chefs d’États (Togo, Sénégal, Ouganda) et les ministres en charge de la santé (Ghana, Gambie, Niger et Congo-Brazzaville) ont reconnu que les produits médicaux falsifiés empruntent les mêmes circuits d’approvisionnement que les produits authentiques.

"Les professionnels de ce trafic utilisent même toutes les techniques, y  compris les  plus sophistiquées, pour déjouer celles mises en place par les laboratoires pour sécuriser leurs conditionnements. Tant la capacité financière des réseaux criminels est considérable", soulignent-ils.

Les chefs d’États sont engagés à agir autrement avec la déclaration de Lomé doté d'un futur accord-cadre. De l’avis des experts, d'autres facteurs entrent également en jeu dont la faible sensibilisation des populations au risque sanitaire présenté par la consommation de faux médicaments.

L’on regrette aussi l’absence d’une harmonisation systématique entre les cadres législatifs ou réglementaires des États couplée avec le manque de coopération entre les États. Les actions sont menées de façon disparate alors les trafiquants sont quant à eux, bien organisés.

Autant de manquements qui sont corrigés à travers la feuille de route de Lomé.

Passer des discours à l’action

Youwéri Mousseveni de l’Ouganda et Macky Sall du Sénégal ont été les deux chefs d’États qui ont fait le déplacement de Lomé. Les autres se sont fait représenter par leurs ministres en charge de la santé, notamment Ghana, Gambie, Niger et Congo-Brazzaville. Pour le chef de l’État togolais Faure Gnassingbé, le nombre importait moins sur la détermination que cache cette rencontre de haut niveau.

En deux jours de travaux, le sommet de Lomé a enregistré 25 interventions d'experts et témoins. Se réclamant être le premier élan d'une mobilisation internationale, la rencontre a accueilli autour de 400 participants. "Nos populations, représentées ici par leurs dirigeants pourront également mesurer l’importance de l’événement à l’aune des décisions que nous allons prendre. Et je ne doute pas que l’ensemble du continent soutienne cette initiative", a déclaré Faure Gnassingbé à l’ouverture des travaux.

"Notre ambition pour l’Initiative de Lomé réside essentiellement dans sa dimension politique, assumée et revendiquée. Celle qui a, jusque-là, fait défaut dans la plupart des actions entreprises à ce jour pour éradiquer le trafic des médicaments falsifiés", a-t-il ajouté.

Un grand pas vient d’être franchi. Ce qui reste à faire, c’est de traduire dans les faits, ces bonnes résolutions de Lomé en faveur des populations pour qui cette lutte est menée.

Agridigitale.net

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