Publié le 30 Nov 2019 - 03:51
RAPPORT ARMP 2017

Entre insuffisances et progrès

 

Attendu depuis plusieurs mois, le rapport 2017 de l’Autorité de régulation des marchés publics a finalement été publié hier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la note de Saër Niang et Cie est assez satisfaisante, nonobstant plusieurs irrégularités signalées.

 

Malgré le satisfécit généralement décerné, les autorités contractantes continuent de passer la plupart des marchés publics par entente directe et surtout par demandes de renseignement et de prix. Ainsi, pendant que les Drp grimpent jusqu’à près de 80 % des marchés publics, les ententes directes, elles, ont nettement reculé pour se stabiliser à 9 % des marchés. Dans les deux cas, l’autorité contractante exclut une bonne partie des entreprises présentes sur le marché, pour choisir soit directement son partenaire, soit sur une liste triée sur le volet. Aussi, faut-il remarquer, que seuls 20 % des marchés publics font l’objet d’appel d’offres.

Mais, rassure l’Armp, ce volume important des Drp et ententes directes ne se reflète pas en termes de valeur financière. En fait, environ 80 % du montant de la commande publique sont dépensés dans les marchés de travaux par appels d’offres ouverts. Ce qui signifie, selon M. Niang, que non seulement des efforts notoires ont été faits ces dernières années, mais aussi le grand intérêt des autorités pour les infrastructures.

Au total, c’est 1 406 milliards de francs Cfa qui ont été dépensés suite à des procédures d’appel d’offres. Pour ce qui est des ententes directes, elles ont englouti environ 139 milliards de francs Cfa de la commande publique. Dans le classement des marchés publics, selon leur nature, il ressort que les fournitures et services arrivent largement en tête, avec un pourcentage de 75 %, dont 50 % pour les marchés de fournitures. Les autres formes se partagent les 25 % qui restent.

Pour 2017, le Comité de règlement des différends de l’Armp a été saisi 296 fois contre 398 fois en 2016. Selon les chiffres, 85 entreprises demanderesses ont obtenu gain de cause, 80 ont été déboutées, 25 ont été déclarées irrecevables et 1 cas d’incompétence. Aussi, faudrait-il noter que les marchés qui font l’objet le plus de recours sont ceux relatifs aux fournitures, avec 50 % des marchés. De même, les autorités contractantes relevant de l’Administration centrale sont les plus visées, avec 62 % des recours.

L’autre enseignement majeur qu’il faudrait tirer de ce rapport, c’est que les autorités contractantes ont fait des efforts importants dans la consommation de leur budget. La moyenne est, selon l’Armp, de 98 %.

ARTP ET SONES

Ces régulateurs irréguliers

Cette année, la grande innovation du rapport de l’Armp est la prise en charge des délégations de services publics. La Sones et l’Artp sont les cobayes.

Dans le viseur du gendarme des marchés, il y avait surtout l’Artp et la Sones. Et les constats n’ont guère été fameux pour ces entités publiques ayant en charge des missions hautement importantes.

En ce qui concerne la Sones, plusieurs manquements ont été notés pour l’année 2017 couverte par le rapport. Les auditeurs mentionnent : le lancement tardif de la procédure de renouvellement du contrat d’affermage, l’absence de systèmes de verrouillage sur le changement de partenaire stratégique, l’insuffisance de régulation dans le secteur, les retards accusés dans la réalisation des programmes quinquennaux, l’absence de mesures contraignantes pour inciter la Sones à respecter ses engagements en termes d’investissement et à respecter ses objectifs dans son contrat de performance signé avec l’Etat, l’engagement de renouvellement et de réhabilitation non réalisé par la Sde et la Sones, les difficultés de la Sones à mettre en œuvre pleinement son droit de contrôle sur les activités du fermier, l’insuffisance de la production en eau par rapport aux besoins exprimés de façon générale.

Il lui est ainsi recommandé de résorber les retards constatés dans la réalisation des engagements contractuels en termes de réhabilitation, d’appliquer ses obligations de contrôle des activités de l’exploitant du service affermé, de mettre en place une interface ou une passerelle lui permettant d’accéder aux systèmes d’information du fermier : données comptables, base clients, facturation & encaissement, traitement des réclamations, etc.

Les auditeurs ont aussi fait des recommandations à la Sde en la sommant de respecter ses engagements contractuels en termes de production et de distribution de l’eau de façon permanente et à bonne pression sur l’ensemble du  territoire affermé, de résorber le déficit constaté sur ses engagements contractuels de renouvellement des branchements, des canalisations et des compteurs qui ont un grand impact sur la qualité du service fourni, de réaliser fréquemment des enquêtes pour évaluer le niveau de satisfaction de la clientèle.

Concernant l’Artp, des manquements ont également été notés dans les procédures de passation des marchés. Il en est ainsi notamment de l’absence de contrôle a priori de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) sur les marchés concernant les fournisseurs d’accès Internet (Fai) et les opérateurs virtuels de téléphonie mobile (Mvno), des délais de passation anormalement longs pour l’essentiel des marchés examinés, le défaut de publication systématique des avis d’attribution provisoire et définitive.

Par rapport au suivi des concessions, les auditeurs constatent que les rapports de suivi de concession exigés annuellement ne sont pas systématiquement transmis par tous les opérateurs, les rapports d’activité du régulateur sectoriel ne traitent pas des questions relatives au respect par les opérateurs titulaires de licence, des obligations contenues dans leurs conventions de concession et cahiers des charges, le régulateur sectoriel est doté d’outils adéquats lui permettant d’assurer le suivi du respect des cahiers des charges des opérateurs. Il reste à mettre en place un dispositif fiable permettant de vérifier les engagements des opérateurs sur les autres aspects du cahier des charges des opérateurs autres que techniques.


Comment Aliou Sall a été sauvé par la loi ‘’illégale’’ de Macky Sall

Malgré sa vertu pédagogique, l’Armp a cessé de parler des cas spécifiques de violation des règles du Code des marchés publics par certaines entreprises. Mais un bref survol de certains audits disponibles sur le site de la structure permet de voir un certain nombre de manquements.

Ainsi, la Caisse des dépôts et consignations (Cdc) a été épinglée sur des marchés, dont celui d’attribution de sept véhicules octroyé à Carrefour Automobile pour un montant de 102 756 110 F Cfa, ainsi que sur l’assurance de son personnel et l’entretien de ses trois ascenseurs. Souvent, il a été noté l’octroi et l’exécution des marchés avant leur tentative de régulation. Par exemple, dans le dernier marché qui est d’un montant nettement inférieur passé par entente directe, la structure mandate une facture de trois mois de prestation au mois de mars, avant de formuler une requête auprès de l’autorité compétente le 13 juin 2017. Laquelle requête a été acceptée le 23 juin.

En sus de ce manquement, d’autres ont été signalés. Mais le plus désolant est que les auditeurs ont été incapables de passer en revue tous les marchés, dans la mesure où en juillet 2017, le président de la République Macky Sall a fait voter la loi n°2017-32 du 15 juillet 2017 pour soustraire la Cdc aux règles de passation des marchés publics. Argument brandi par l’institution pour s’opposer à la mission d’audit en ce qui concerne tous les marchés passés par la suite.

Mais, selon les auditeurs, l’article 34 de cette loi est contraire aux dispositions respectives du Code des obligations de l’administration et de l’article 4 de la directive de l’Uemoa n°04/2005/Cm/Uemoa. Il faut aussi noter que le montant cumulé des marchés passés sous le régime du manuel de procédure est estimé à 1 567 547 894 F Cfa, selon les auditeurs.

Ministère des Sports, Acbep et Sn-Hlm épinglés

A l’Agence de construction des bâtiments et édifices publics (Acbep), il faut noter que les Drp restreintes sont presque érigées en règle. Sur les marchés passés en revue, un seul a été passé par appel d’offres ouvert pour un montant de 159 721 756 F Cfa, neuf en Drp restreintes pour 244 824 203 F Cfa, trois ententes directes pour 118 081 272 F Cfa.

‘’Au regard des constats qui ont été faits, il est indiqué que la structure s’est conformée de manière peu satisfaisante aux procédures de passation des Mp’’, soulignent les auditeurs.

Au ministère des Sports également, plusieurs manquements ont été notés par les auditeurs. Parmi ces violations du Code des marchés publics, il a été enregistré la mise en place tardive de la Commission des marchés, la violation du principe de transparence, la violation du principe de libre accès à la commande publique, le traitement inéquitable de prestataires au moment de l'invitation, la non prise en compte des documents attestant la capacité juridique et financière des soumissionnaires lors de l’ouverture des plis et l’évaluation…

Plusieurs autres institutions dont la Sn-Hlm ont également été épinglées dans le rapport 2017.

En tout, c’est 126 autorités contractantes qui ont été auditées, 3 328 marchés représentant un montant 1 797 889 120 858 F Cfa passés en revue par les cinq cabinets d’audit. 

MOR AMAR

 

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