Publié le 15 Jan 2020 - 00:22
REFORME CONSEIL SECURITE ONU

La bataille des 2 sièges permanents 

 

L’Afrique veut s’asseoir à la table où se décident les affaires du monde, les affaires la concernant notamment. A Dakar, hier, les débats de la 8e Réunion ministérielle du Comité des dix chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (C10) sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, ont porté sur la nécessité d’harmoniser les voix africaines.

 

‘‘Quinze ans d’espoir, quinze ans d’attente qui tardent à se concrétiser’’. La complainte de la commissaire aux Affaires politiques de l’Union africaine (UA), Cessouma Minata Samate, traduit le surplace africain depuis le premier coup de semonce institutionnel à l’Onu, en 2005. Près de deux décennies, mais rien n’y fait ! L’Afrique est toujours exclue de l’un des organes exécutifs de l’Organisation des Nations Unies (Onu) à savoir le Conseil de sécurité.

La configuration actuelle de l’Onu est anachronique, car elle découle d’une période d’après-guerre où les Etats africains n’étaient pas encore indépendants, estime Mme Samate. ‘‘L’impératif et l’opportunité de la réforme du Conseil de sécurité ne sont plus à démontrer. Elle répond, d'une part, à l'aspiration légitime de l'Afrique à plus de justice et d'équité et, d'autre part, elle participe d'une exigence de démocratisation du système des Nations Unies longtemps marqué par un dysfonctionnement structurel qui a réduit au silence la voix de notre continent. Le continent africain a le plus souffert de cette injustice du système, depuis la création des NU en 1945, alors que la majorité des Etats africains étaient sous le joug de la colonisation. De même, en 1963-1965, lors de la première réforme des NU, l'Afrique n’était pas en position de réclamer justice’’, a déclaré hier, à Dakar, la commissaire aux Affaires politiques de l’Union africaine (UA) Cessouma Minata Samate.

Le Sénégal abrite la 8e Réunion ministérielle du Comité des dix chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine (C10) sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies dont une réunion préparatoire s’est tenue dimanche. L’Assemblée ministérielle du Comité des chefs d’Etat et de gouvernement (C10), instituée en 2005, est composée de 10 pays, à raison de deux par sous-région : l’Algérie, la Guinée équatoriale, le Kenya, la Libye, la Namibie, l’Ouganda, le Congo, le Sénégal, la Sierra Leone et la Zambie. Il a pour mandat de présenter, défendre et vulgariser une position africaine commune (PAC) issue de la Déclaration de Syrte (Libye) prévoyant l’octroi, au continent, de deux sièges permanents et deux sièges non permanents supplémentaires au Conseil de sécurité.

Le C10 a déjà proposé un document cadre dans lequel seront abordées les différentes doléances du continent. Les catégories de membres, le droit de veto, la représentation régionale, la taille d’un conseil élargi et les méthodes de travail, la relation entre le conseil et l’Assemblée générale, sont les objectifs de conquête de leaders africains. ‘‘Le C10 sur la réforme du Conseil de sécurité des NU est notre porte-voix. Il est temps maintenant d'agir pour que l'Afrique atteigne son objectif qui est d'avoir une représentation équitable au sein du Conseil de sécurité. Ce ne sera que justice ; justice rendue au continent dont les affaires occupent la majeure partie de l'agenda du Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est la condition sine qua non pour avoir un Conseil de sécurité plus représentatif, plus légitime et plus efficace. Nous devons continuer d’avoir foi en nous-mêmes, tout en cherchant le soutien de nations susceptibles de soutenir une réforme qui accorde une voix prépondérante à l’Afrique’’, poursuit Mme Samate. 

Un constat qui part de la sous-représentation africaine des instances décisionnelles de l’Onu. Madame Samate de poursuivre : ‘‘La rencontre de Dakar nous offre l'opportunité d'affiner nos stratégies afin de mieux nous préparer à relever les défis auxquels nous faisons face. Le chemin est certes long et tortueux, mais notre volonté commune de réaliser l'Afrique que nous voulons demeure une source de motivation pour parachever la position commune africaine’’, estime la commissaire aux Affaires politiques de l’Union africaine.

La Charte des Nations Unies confère au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Le conseil compte 15 membres (5 permanents et 10 non permanents) disposant chacun d’une voix. Aux termes de la charte, tous les États membres sont tenus d’appliquer les décisions du conseil. Le Conseil de sécurité est compétent au premier chef, pour constater l’existence d’une menace contre la paix ou d’un acte d’agression. Il invite les parties à un différend à le régler par des moyens pacifiques et recommande les méthodes d’ajustement et les termes de règlement qu’il juge appropriés. Dans certains cas, il peut imposer des sanctions, voire autoriser l’emploi de la force pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. La présidence du Conseil de sécurité est tournante et change tous les mois.

Macky Sall : ‘‘Il est urgent et légitime de rendre le Conseil de sécurité des Nations Unies plus inclusif’’

Dans le sillage de ses dernières interventions au Forum de Dakar sur la paix et la sécurité, où il a requis un mandat plus robuste pour les missions onusiennes en Afrique et sur d’autres grands sommets de chefs d’Etat, Macky Sall s’est voulu clair : l’Afrique doit avoir voix au chapitre.  ‘‘Il est urgent et légitime de rendre le Conseil de sécurité des Nations Unies plus inclusif dans sa composition et plus démocratique dans son fonctionnement, pour une meilleure gouvernance mondiale’’, a déclaré le chef de l’Etat sénégalais, hier, en ouverture de la rencontre.

Pour lui, il est temps de corriger cette incohérence, d’autant plus que les questions africaines y sont nombreuses et la contribution de troupes africaines aux missions de maintien de paix sont non négligeables. ‘‘Il n’est pas superflu de revenir sur la légitimité de cette revendication (…). Aujourd’hui, l’Afrique compte le plus grand nombre d’adhérents aux Nations Unies, avec 54 Etats membres. De plus, les questions africaines occupent l’essentiel de l’agenda du Conseil de sécurité. On ne peut pas régler les questions africaines sans les Africains’’, a fait valoir le président sénégalais. ‘‘Nous allons continuer à faire preuve d’ouverture dans les échanges avec les autres groupes d’intérêts (…). En même temps, il faudra éviter toutes initiatives ou démarches de nature à fragiliser l’unité et la cohésion du groupe Afrique. Il est important que le groupe continue d’insister sur la nécessité de préserver l’inclusion et la transparence dans le processus de négociations au sein du Groupe de travail de l’Assemblée des Nations unies’’, a-t-il ajouté.

Non seulement il est question d’interroger cette configuration, mais également d’y prendre part de manière effective, dotant ainsi les pays africains, ‘‘en cas de réforme des Nations Unies, (d’) un statut unique pour tous les nouveaux membres permanents’’ à l’instar des 5 membres. La rencontre de Dakar a pour objectif l’adoption d’une feuille de route et la définition de lignes claires pour la participation aux négociations intergouvernementales en cours au sein des NU sur la réforme pour laquelle Macky Sall a demandé à rester soudés, pour ne pas faillir ‘‘à la solidarité, à la cohésion et à la discipline de groupe’’. 

OUSMANE LAYE DIOP

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