Publié le 19 Sep 2019 - 01:27
REPARTITION DES RECETTES MINIERES

Le marché inéquitable

 

Le ministère en charge des Mines réfléchit sur une stratégie nationale de développement du contenu local, en vue d’accroitre la part des acteurs économiques et des populations sénégalaises dans les retombées des ressources minérales. Le secrétaire général du ministère, Ibrahima Guèye, en a fait l’annonce hier, lors d’un forum organisé par Enda-Lead et ses partenaires.

 

La bataille du contenu local quitte les frontières du secteur pétrolier pour faire irruption dans le champ minier. Hier, d’éminents acteurs de la société civile et de l’Etat se sont donné rendez-vous dans un hôtel de la place pour cerner la thématique. Comment promouvoir une gestion optimale des ressources minérales pour en faire bénéficier au maximum les opérateurs économiques et les populations locales ?

Il ressort des différentes communications, lors de ce forum organisé par plusieurs organisations dont Enda, que le Sénégal ne profite pas assez des retombées du secteur minier. Les statistiques des services compétents montrent que seul 17 % des recettes vont dans les caisses de l’Etat. Pendant ce temps, 18 % profitent aux multinationales qui exploitent les mines, 65 % sont réparties entre les employés, les fournisseurs et les prestataires. ‘’Cette répartition montre une marge de manœuvre importante, en ce qui concerne le contrôle du contenu local. Malheureusement, le dispositif  existant et notre tissu économique ne permettent pas de tirer pleinement profit de cette manne financière. Sur cette manne, aujourd’hui seuls 20 %  reviennent aux acteurs locaux’’, informe le secrétaire général du ministère des Mines et de la Géologie, Ibrahima Guèye.

Pourtant, le Plan Sénégal émergent (Pse) avait fortement misé sur ce levier pour accélérer le processus de développement du pays. Mais si l’on se fie au diagnostic des spécialistes même du ministère des Mines, on peut retenir que le chemin qui a été emprunté n’est pas le meilleur. En effet, selon les évaluations, dans la première phase du Pse, il était certes question d’ériger le secteur minier en priorité, mais les objectifs portaient plus sur la production. ‘’A l’analyse des résultats, souligne le Sg, nous nous sommes rendu compte, malgré les satisfactions, que la phase de production ne peut pas permettre à notre pays de tirer pleinement profit des opportunités du secteur. Il s’agit donc, dans la deuxième phase, d’aller vers de nouvelles orientations qui devront permettre la transformation des produits miniers. Mais aussi et surtout de permettre à notre privé national d’être un acteur à part entière du processus’’.

Par ailleurs, les évaluateurs ont estimé, rapporte toujours le représentant de Sophie Gladima, que ‘’le processus d’émergence ne peut pas être durable et soutenable, s’il doit être entièrement et exclusivement financé par l’Etat. C’est pourquoi, dans la deuxième phase, il est question de s’ouvrir davantage au secteur privé local’’.

Mise en place prochaine d’un groupe de travail ouvert

Afin d’atteindre ces objectifs, M. Guèye a annoncé la mise en place prochaine d’un groupe de travail ouvert pour la définition d’une stratégie nationale de développement du contenu local. Ce groupe s’inscrira dans le cadre global déjà défini par les institutions communautaires comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine. L’objectif est de permettre aux Etats membres d’optimiser la gestion du secteur et de permettre aux populations impactées de bénéficier des retombées des exploitations minières.

Pour le secrétaire exécutif d’Enda/Tiers-monde, Moussa Mbaye, discuter de ces questions est essentiel pour lutter contre la pauvreté, l’analphabétisme, les inondations… ‘’Notre préoccupation, dit-il, c’est d’avoir au Sénégal une exploitation des ressources naturelles qui améliore les conditions de vie des populations, particulièrement celles qui vivent dans les zones où sont implantées les industries’’.

Dans la même veine, il préconise de ne plus laisser la promotion du contenu local à la seule volonté des industries. Sur le même registre, le Sg du ministère des Mines et de la Géologie déclare : ‘’Nous sommes en train de mener une réflexion endogène propre au secteur minier. Il s’agira de capitaliser tout ce qui a été fait pour disposer d’une rampe nous permettant d’avoir une stratégie nationale qui sera opérationnelle.’’

Somiva, le contre-exemple

Matam n’est pas du tout content de l’exploitation de ses ressources naturelles par la Somiva (Société minière de la vallée du fleuve). Du moins, c’est ce que l’on pourrait croire, selon le témoignage des acteurs venus de cette région du Nord. ‘’Nous sommes le seul fournisseur de l’entreprise et sa commande ne dépasse pas 1 million de francs Cfa au maximum. Nous estimons que c’est insignifiant, pour une entreprise minière de cette envergure’’. Le moins que l’on puisse dire est que cette annonce en a surpris plus d’un.

Ils étaient nombreux, en effet, à trouver ‘’inadmissible et incroyable’’ que la Somiva injecte si peu de recettes dans l’économie locale de la région de Matam. ‘’Même les camions viennent avec leur carburant, alors qu’ils pouvaient s’alimenter sur place. Nous demandons à l’Etat d’augmenter le plaidoyer pour que les populations puissent davantage profiter de l’exploitation de leurs richesses. Car elles ont été privées de leurs terres où elles cultivaient et faisaient paitre leurs troupeaux’’.

Pour le cas de la Sgo qui exploite la mine d’or de Sabodala à Kédougou, d’importantes avancées ont été relevées, à en croire la conférencière Niania Diène qui regrette toutefois l’absence de capacités techniques et financières suffisantes chez les acteurs économiques locaux à Kédougou, pour pouvoir profiter au maximum de l’exploitation des ressources minérales. Il ressort de son intervention que la compagnie dépense annuellement pas moins de 80 milliards de F Cfa dans le contenu local, mais seule une infime partie est captée par les entreprises de Kédougou. Aussi, la plupart des travailleurs proviennent de régions comme Dakar et Thiès.

Mais, à la décharge de la multinationale, se pose surtout une question de qualification de la main-d’œuvre locale. Sur les 80 milliards de contenu local, 40 milliards sont consacrés à l’achat de carburant, mais aucune goutte ne proviendrait des stations implantées sur place. 

MOR AMAR

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