Publié le 18 Aug 2014 - 03:01
RETARD PAIEMENT DES BOURSES

L’Ucad en sang !

Le campus social a renoué jeudi avec la violence. Une journée de confrontations entre forces de l’ordre et étudiants a conduit à la mort d’un étudiant et fait des dizaines de blessés.

 

Les affrontements entre étudiants et forces de l’ordre ont pris une tournure dramatique jeudi. Vers 14 h, alors que la tension et la violence étaient à leur paroxysme, Bassirou Faye a été mortellement atteint à la tête. Secourus par les étudiants, il a été évacué au service médical. L’étudiant grièvement blessé y est resté une vingtaine de minutes avant d’être évacué à l’hôpital Principal. Mais ses camarades en pleurs affirmaient qu’il était décédé. Plus tard, la mort a été confirmée, vers 17h, jetant l’émoi parmi les étudiants.

En effet, ce qui s’est passé jeudi au Campus égale en barbarie ce qui se passe dans la bande de Gaza entre les forces Israéliennes, armées jusqu’aux dents et les populations civiles armées de pierres. Des étudiants ont été battus, torturés, les vitres de leurs chambres cassées, les portes défoncées. Les visages ensanglantés, les habits maculés de sang témoignent de la violence de la répression policière face à des étudiants en grève qui réclament leurs bourses (voir ailleurs).

Pour dire que le campus social de l’université Cheikh Anta Diop a été transformé en champ de bataille. Les affrontements ont duré plus de dix tours d’horloge. Les hostilités ont démarré vers 09h lorsque les étudiants ont envahi les artères de l’université, en obstruant complètement les rues. Ils se sont rapidement heurtés aux forces de l’ordre qui quadrillaient le campus. En effet, la veille au soir, des affrontements avaient duré jusque tard dans la nuit.  

Ainsi, aux jets de pierres et autres projectiles, les policiers répondaient par des grenades lacrymogènes. Devant la détermination des étudiants, les policiers ont amené des renforts avant d’envahir le campus. En multipliant les tirs de grenades lacrymogènes, ils ont envahi les pavillons A, B et E. Parmi les étudiants, c’était le sauve-qui-peut, laissant place à des scènes dramatiques. Des étudiants pris au piège dans leur chambre au pavillon B, se jetaient par les fenêtres, pour échapper à la furie destructrice des policiers. C’est le cas de cet étudiant qui a sauté du troisième étage. Il est tombé sur le ventre et a rebondi sur le sol. Il a été rapidement évacué au service médical par les étudiants.

Dans la structure de santé du Campus, d’autres drames étaient en train de se jouer. Un autre étudiant montrant sa main en lambeaux ne cessait de se lamenter. « Regardez ! J’ai perdu mes doigts. Je suis foutu », répétait-il en état de choc. Dans ce chaos, une femme et sa fille venues se faire consulter se mettaient à hurler devant ce spectacle insoutenable, ajoutant à la confusion. ‘’Ce sont les policiers qui l’ont obligé à prendre dans sa main la grenade lacrymogène jusqu’à ce qu’elle explose », informe Ibrahima Sène, un jeune étudiant. Ensuite, ce fut un défilé incessant de blessés. Arrive un autre étudiant, le visage complètement défiguré par les coups reçus.

Malgré ces blessés, la bataille ne baissait pas d’intensité. L’air devenait irrespirable. Certaines filles s’évanouissaient à cause des gaz lacrymogènes. Le personnel médical était obligé de se démultiplier. Les cas les plus graves étaient transférés à l’hôpital Principal.

Des livres, cahiers déchiquetés par des policiers

Ailleurs, dans le campus, les étudiants n’avaient que leurs yeux pour pleurer. Car on aurait dit que leurs chambres avaient été balayées par un ouragan. Daouda Traoré, étudiant au département d’Espagnol, assis sous un manguier, en face du service médical, criait son désarroi : « Les policiers sont entrés dans ma chambre, en saccageant tout sur leur passage. Mon poste téléviseur, mon ordinateur, mon imprimante, mon ventilateur, ont tous été endommagés. Allez-y voir, c’est le 55 B. Les étudiants sont en train de sauter par les fenêtres ».

Vers 19h45, les étudiants, fatigués, baissèrent les « armes ». Un dispositif sécuritaire impressionnant étant déployé dans le campus, le calme revint peu à peu.

Des étudiants interdits d’aller à la levée du corps

Hier matin, vers 10h, les étudiants massivement mobilisés devant le pavillon A ont voulu se rendre à la levée du corps de Bassirou Faye qui a été tué la veille. Arrivés à hauteur de la Poste de Médina, ils se sont heurtés à un barrage de policiers qui ont dispersé la foule. Des étudiants appréhendés par les limiers ont été tabassés et embarqués dans des pick-up. 

Samba Diamanka

 

 

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